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Bâtisseurs chimériques et Made with love for Dorothy au Palais du facteur Cheval

“Cette merveille dont l’auteur peut être fier, sera unique dans l’univers”.


La formule est pour le moins pompeuse, d'autant plus venant de l’architecte du Palais Idéal en personne, Joseph-Ferdinand Cheval. Plus d’un siècle après l’achèvement du Temple de la Nature comme il l’avait initialement baptisé, l’aura de son chef-d’œuvre d’art naïf continue pourtant d'inspirer des artistes du monde entier.

La preuve en est à travers la tenue du 19 septembre 2020 au 17 janvier 2021 au Palais de deux nouvelles expositions respectivement intitulées Bâtisseurs chimériques et Made with love for Dorothy célébrant conjointement le travail de Robert Doisneau et Simone Fattal d’une part, et de Sarah Pucci ensuite.


Sans Titre (Façade Nord), Robert Doisneau, années 1970. ©Courtesy Atelier Robert Doisneau

En effet les visiteurs pourront notamment admirer les clichés du célèbre photographe Robert Doisneau aux côtés des sculptures de l’artiste syrienne Simone Fattal. Cette exposition des Bâtisseurs chimériques est fortement liée à la période difficile du confinement par plusieurs aspects. Rappelons en effet qu’elle est la première à débuter après la réouverture du Palais en mai dernier suite à la crise sanitaire. En outre, les photographies de Robert Doisneau montrées au public n’ont été redécouvertes que par un heureux hasard lors de cette période de confinement. Au mois de mai la fille de l’artiste, Francine Deroudille, a en effet mis la main sur une série de clichés en couleur non répertoriés datant des années 70 en triant les archives de son père. Elle témoigne : “Les archives de mon père sont très bien classées, depuis son vivant déjà. Mais cela est moins vrai pour la couleur, pas toujours bien documentée.” Alors que les moyens formats signent généralement la commande de presse, ce tirage-là n’était donc pas destiné à l’agence de photographie pour être vendu. Et pour cause, les clichés en question semblent avoir été pris lors d’une visite de Robert Doisneau au Palais durant les vacances. On reconnaît d’ailleurs la mère de Francine Deroudille sur la pellicule, ainsi qu’une amie de la famille. “Il était un héros pour mon père, quelqu’un qui traversait en dehors des clous” confie la descendante du photographe. Les épreuves exhumées des archives offrent une nouvelle perspective sur le regard porté par le photographe sur le Palais Idéal.


Aperçu de l'exposition. ©CoupeFileArt

La thématique du tourisme et du regard des visiteurs posé à travers le temps sur le chef-d’œuvre d’art brut s’affirme donc à travers l’exposition de ces 24 photos, dont seulement deux avaient déjà été tirées auparavant, prises entre juillet 1953 pour les quatorze en noir et blanc, et le début des années 1970 pour la dizaine en couleur. Pour accompagner le travail de Robert Doisneau, Frédéric Legros, directeur de l’institution drômoise, souhaitait absolument Simone Fattal. Qui de mieux que la plasticienne libano-américaine née en 1942 à Damas et vivant à Paris pour symboliser l’influence intemporelle du facteur Cheval, cet “artiste qui ne faisait pas partie du goût des élus du temps” ? Alors qu’il était un temps envisagé que Simone Fattal expose certains de ses propres clichés, l’artiste n’a pas souhaité faire concurrence à feu Robert Doisneau. Seules ses sculptures s’offrent donc à la vue des visiteurs. Là où le travail du photographe souligne la portée universelle de l’œuvre de Louis-Ferdinand Cheval, adoubé aussi bien par Salvador Dali lui-même qui dira de son palais qu’il est “le plus beau du monde” que par des badauds anonymes, les productions de Simone Fattal rappellent quant à elles les créatures fantastiques sorties de l’esprit créatif du facteur et sa capacité à modeler des univers. Certaines œuvres de la sculptrice font d’ailleurs écho, avec une pertinence troublante, à certains personnages du Palais à l’instar de ses trois Guerriers qui s’apparentent aux trois géants Jules César, Archimède et Vercingétorix de la façade Est.


Twilight, vers 1970, Sarah Pucci. ©Marc Domage

En parallèle des Bâtisseurs chimériques, une seconde exposition baptisée Made with love for Dorothy est donc ouverte au public. Cette dernière prend place à la Villa Alicius, sur le site de la maison du facteur Cheval affublée du prénom de sa fille adorée et morte à l'adolescence âgée de 15 ans seulement. Après Agnès Varda Correspondances, Frédéric Legros continue donc de faire de la petite maison du Facteur un lieu d'exposition à part entière. Nul doute que son choix aura été motivé en l'occurrence par l'amour porté par un parent à son enfant. Louis-Ferdinand Cheval et Sarah Pucci ont en effet ceci en commun d'avoir aimé démesurément leur fille. Les œuvres exposées de l'artiste américaine ont toutes été fabriquées avec des objets du quotidien assemblés sur des supports de mousse comme de la véritable joaillerie avant d'être offertes à sa fille vivant en Europe. Autant de cadeaux qui ont traversé l'Atlantique pour atterrir dans les bras de Dorothy Iannone afin de combler le manque d'une mère privée de sa fille chérie. Les visiteurs pourront d'ailleurs profiter de leur passage dans la Villa Alicius pour admirer la vue que le facteur avait sur son Palais et que l'on peut toujours embrasser aujourd'hui.


Aperçu de la façade Ouest du Palais. ©CoupeFileArt

Génie autodidacte, Louis-Ferdinand Cheval a passé 33 ans de sa vie à construire son Palais qu'il aurait voulu pour tombeau. Achevé en 1912, le monument n'a jamais rempli la fonction à laquelle il était destiné mais s'est affirmé à travers le temps comme un représentant majeur de l'art brut. Les expositions temporaires en cours rendent hommage aussi bien à l'innovation dont a su faire preuve son architecte qu'à l'empreinte unique laissée par son œuvre dans le paysage culturel mondial, classée deuxième monument préféré des Français en 2020.


Antoine Bouchet



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Du 19 septembre 2020 au 17 janvier 2021

Palais Idéal du Facteur Cheval

8 rue du Palais - 26390 Hauterives

Horaires: de 9h30 à 18h30 tous les jours de la semaine

Tarifs d'entrée: 8€ plein tarif, 6€ tarif réduit, 5€ enfant



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