« C’est un artiste qui a été très vite oublié après sa mort, à cause des Impressionnistes arrivés juste après lui, mais qui redevient à la mode aujourd’hui, même s’il n’est pas placé parmi les très grands artistes.» C’est cette analyse que nous partage Agnès Guignard, interviewée face caméra dans l’ancien atelier de son illustre aïeul, pour une vidéo réalisée en complément de l’exposition sur Ernest Meissonier à la Maison de Fer de Poissy. Taxé d’artiste « pompier » à l’hyperréalisme jugé écœurant par certains de ses contemporains, Meissonier restait pourtant une figure centrale de la vie artistique et sociale du XIXe siècle. La présentation de son habit d’académicien accompagné de ses décorations françaises et étrangères nous le rappellent. L’artiste fut en effet élevé à la dignité de grand-croix de la Légion d’honneur, le plus haut grade de l’ordre, en octobre 1889, signe de son importance aux yeux de ses contemporains. Au-delà de ce simple rappel, l’ambition de cette (petite) exposition est aussi de faire découvrir l’artiste dans son intimité et dans ses lieux de travail, lui qui fut également le professeur d’une génération entière de peintres, à commencer par Édouard Detaille et Alphonse de Neuville.
La commune de Poissy a donc dû faire face à un important défi : réaliser dans un espace restreint une exposition sur un immense artiste, une gageure penseront certains. Et pourtant, le résultat obtenu montre la réflexion engagée par le commissariat d’exposition pour exploiter au mieux la pièce mise à disposition au premier étage de la Maison de Fer. Le propos reste synthétique mais n’oublie jamais d’aller à l’essentiel : outre la chronologie résumant les différentes étapes marquantes de la vie de Meissonier, ce sont quatre à cinq textes généraux qui viennent mettre en exergue les œuvres présentées dans les vitrines, elles aussi astucieusement disposées pour ne pas gâcher de la place inutilement.
Signalons également la présentation de quelques sculptures, comme un exemplaire de la statue présentant son portrait en pied réalisé par Vincenzo Gemito ou un modèle réduit en bronze d’un cuirassier au galop que Meissonier avait sculpté à l’origine en terre cuite pour s’en servir d’étude. Ces quelques
« pépites » artistiques nous rappellent que le plus grand intérêt de cette exposition est encore la collaboration qui s’est faite entre les services culturels de la ville et la famille des descendants du peintre permettant d’exposer parfois pour la première fois des objets personnels, des dessins originaux ou de petites peintures restés dans le cercle familial. La générosité des prêts, en particulier pour certains objets plutôt remarquables, à commencer par le matériel de peinture en extérieur de l’artiste, ne fait que renforcer l’admiration pour l’effort fourni par chacun afin de livrer ce projet aux yeux des visiteurs.
Certes, répétons-le encore une fois : une pièce pour présenter un tel artiste, cela n’est pas bien grand. Certains ne manqueront d’ailleurs pas de le faire remarquer. Il ne s’agit pourtant pas pour cette exposition de vouloir faire une immense rétrospective sur l’ensemble de la vie et de l’œuvre de l’artiste, bien au contraire. L’idée est ici avant tout de mettre l’accent sur l’univers créatif que représentaient les ateliers de Meissonier en cherchant à en reproduire non pas des images fidèles mais des petits bouts d’atmosphère. Car l’atelier d’un tel homme était un vrai monde à part : une sorte de cabinet de curiosités, une longue liste d’objets accumulés pour y trouver modèle et inspiration, donnant un effet de liste que le célèbre écrivain érudit Umberto Eco n’aurait certainement pas renié. Les vitrines nous proposent ainsi quelques petits « jeux » pour retrouver quels objets présents dans l’exposition ont été reproduits par l’artiste dans ses œuvres. Dans certaines circonstances, c’est même parfois un peu du lieu de création qui est restitué dans les toiles, comme ces semblants d’intérieurs des Provinces-Unies du XVIIe siècle que le peintre avait cherché à recomposer dans l’atelier de sa propriété de Poissy. Notons au passage que ce procédé de travail sur l’objet accumulé et étudié patiemment dans l’atelier a fait des émules, puisqu’Édouard Detaille, son élève, n’hésita pas non plus à procéder de la sorte.
De gauche à droite : Gustave Méquillet (1860-1955), L'atelier d'été d'Ernest Meissonier à Poissy, aquarelle, entre 1873 et 1878, collection musée d'Art et d'Histoire de Poissy © Aurélien Delahaie
Gustave Méquillet (1860-1955), L'atelier d'Ernest Meissonier, aquarelle, sans date, collection particulière © Aurélien Delahaie
Nous en conviendrons pourtant, même si ce programme est intéressant, il faut toujours convaincre notre lecteur de s’embarquer dans le RER A pour, en définitive, passer peu de temps sur place. Il serait pourtant bête de penser qu’on y perdra son temps, la promenade dans le centre historique de Poissy n’étant pas désagréable et la découverte de la Maison de Fer, ancienne propriété de villégiature de Georges de Coninck construite en tôle emboutie en 1896 au milieu de son parc, constitue toujours une curiosité en soi qui mérite déjà que le public s’y intéresse. En outre, pour nos lecteurs qui se rendront à l'exposition, n’oublions pas de préciser que le 20 mai prochain sera organisée exceptionnellement une visite de l’atelier dans l’ancienne demeure de Meissonier, qui complètera parfaitement la visite. Certes, l’exposition organisée par cette commune d’Île-de-France ne marque pas un tournant majeur pour l’étude de cet artiste mais elle contribue néanmoins, à sa petite échelle, à apporter sa pierre à l’édifice qui fait vivre la mémoire de cette figure renommée des arts en quête de réhabilitation.
Ernest Meissonier, dans l'intimité de ses ateliers, une exposition à découvrir à la Maison de Fer de Poissy jusqu'au 05/11/2023. Plus d'informations en cliquant ici
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