Parmi les bonnes raisons de se rendre à Quimper, il y a évidemment la découverte de la faïencerie, une tradition perpétuée dans ce chef-lieu du Finistère depuis le début du XVIIIe siècle. Mais avant de repartir muni d’un de ces célèbres bols peints à la main, personnalisé avec son prénom, une visite au musée des Beaux-Arts s’impose. Outre des collections permanentes d’une qualité remarquable, couvrant plus de cinq siècles de création artistique européenne, le musée propose jusqu’au 4 octobre 2021 une exposition monographique consacrée à Henry Moret (1856-1913). Pourtant natif de Normandie, c’est dans la terre bretonne que ce peintre a souvent planté son chevalet.
Cette Matinée d’été de 1906 rassemble les caractéristiques principales de ce qu’on pourrait appeler le « style Henry Moret » tant il est singulier et libre : une palette vive et chaude, une luminosité dorée au pouvoir apaisant et un goût prononcé pour les paysages maritimes.
Chaque toile de Moret est un véritable voyage sensoriel, une immersion dans l’environnement naturel du lieu dépeint. Au moyen de forts empattements de matière, sa peinture est épaisse et texturée. Elle rend tangible la rugosité des falaises, l’écume blanchâtre formée par le remous des vagues ou bien le moelleux d’un monticule de terre verdoyante. Tactile donc, mais aussi sonore (ou musicale), tant la vivacité de sa touche semble reproduire le frémissement de la brise marine.
« Le plus simplement possible, Henry Moret ouvre une fenêtre sur la nature. » Henry Éon, 1901
Les éléments biographiques sur sa vie sont minces et en font un peintre assez méconnu aujourd’hui. Né à Cherbourg en 1856, il arrive à Lorient, dans le département breton du Morbihan, pour son service militaire en 1875. Reçu à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris l’année suivante, il reçoit un enseignement classique. Cependant, ses prochaines rencontres ne feront que confirmer son détachement vis-à-vis de l’art académique. En 1888, il séjourne à Pont-Aven où il prend part aux échanges créatifs initiés par Paul Gauguin (1848-1903). En cette fin de XIXe siècle effervescente, marquée par l’apparition de nombreux courants picturaux, Moret assiste à l’éclosion du synthétisme, mouvement postimpressionniste né autour de Gauguin et d’Emile Bernard (1868-1941). Les couleurs sont appliquées en larges aplats et les formes cloisonnées par un cerne foncé, tandis que le cadrage décentré témoigne de l’influence des estampes japonaises.
Artiste inclassable dans un seul courant pictural, Moret ne retient instinctivement que quelques éléments de chacun, empruntant tantôt à l’Ecole de Pont-Aven son audace de cadrage et de coloris, tantôt à l’impressionnisme sa vivacité de pinceau.
L’année 1895 marque une étape importante dans sa carrière puisqu’il fait la rencontre de Paul Durand-Ruel (1831-1922), éminent marchand d’art connu pour avoir joué un rôle fondamental dans la reconnaissance de l’impressionnisme. Promoteur des plus grands noms du mouvement – Monet, Renoir, Pissarro, Sisley… –, son œil averti le conduit à dénicher les nouveaux talents de la scène picturale. Moret est ainsi repéré, à l’instar de Maxime Maufra (1861-1918), autre grand amoureux des paysages bretons.
« Il travaillait constamment dehors, accumulant les esquisses et les études. » Henry Éon, 1913
Ce détail des Falaises à Clohars-Carnoët témoigne de l’attachement d’Henry Moret pour les petites gens, qui peuplent souvent ces toiles : pêcheuses de crevettes, lavandières, goémoniers (ramasseurs d’algues), sarcleurs, batteurs de blé… Une présence discrète et silencieuse qui loue le mérite d’un dur labeur.
L’exposition du musée des Beaux-Arts de Quimper retrace les grandes étapes de la vie artistique du peintre en cinq sections, débutant par son séjour à Pont-Aven et la découverte du synthétisme puis sa rencontre avec Durand-Ruel en 1895.
Deux parties thématiques abordent ensuite des sujets récurrents dans son œuvre : les « rivages » et les « heures et saisons ». Fasciné par le caractère sauvage des falaises et des côtes rocheuses, Moret a trouvé dans les îles du Morbihan et du Finistère une source d’inspiration inépuisable et des motifs sans cesse redécouverts grâce au caractère changeant de la lumière et du climat.
Le parcours s’achève par une sélection d’œuvres graphiques (fusain, pastel, aquarelle, encre de Chine…) parmi les 800 études et croquis redécouverts au début des années 1970.
La saison estivale du musée quimpérois se termine en beauté, nous laissant emporter avec Henry Moret, quelques rayons de soleil et un peu de parfum iodé en attendant l’année prochaine…
Margaux Granier-Weber
Henry Moret (1856-193) | De Pont-Aven à l’impressionnisme en Bretagne
Musée des Beaux-Arts de Quimper
24 juin – 4 octobre 2021
www.mbaq.fr | @mbaqofficiel
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