top of page

L'art du portrait d’Élisabeth Vigée le Brun

Si vous avez déjà eu l'occasion d'observer un portrait de Marie-Antoinette ou de son entourage, il est fort probable qu'il ait été peint de sa main. Nom presque oublié jusqu'au XXe siècle, Élisabeth Vigée le Brun fut pourtant l'une des personnalités artistiques les plus célèbres de la fin du Siècle des Lumières. Sur 900 tableaux qui lui sont attribués, plus de 660 sont des portraits. Retour sur l'œuvre d'une artiste hors du commun, témoin privilégiée de la vie et des troubles de son temps, qui réussit à capturer des êtres tout entiers dans ses toiles.


Les débuts de la renommée

Autoportrait au chapeau de paille, 1782, Londres, National Gallery

Née à Paris en 1755, Élisabeth-Louise commence sa vie auprès d'un père pastelliste, Louis Vigée, qui l'initie à l'art de la peinture. Développant un grand talent dès son plus jeune âge, elle décide de s'y consacrer pleinement quelques temps après la mort de ce dernier, alors qu'elle n'a que 12 ans. Dès lors, elle se forme auprès d'autres artistes, grands ou plus modestes, comme Gabriel-François Doyen, Gabriel Briard, ou encore Joseph Vernet, dont elle suit ardemment les conseils. Ainsi, à l'âge de 15 ans seulement, elle acquiert déjà une petite renommée qui lui vaut plusieurs commandes, et de finalement intégrer l'Académie de Saint-Luc en 1774. Deux ans plus tard, épousant Jean-Baptise Pierre le Brun, marchand d'art, elle se familiarise aux tableaux des grands maîtres italiens et flamands. Alors qu'il lui arrivera de peindre des sujets mythologiques comme la paix ramenant l'abondance (1780), qui lui vaut son entrée à la prestigieuse Académie royale de peinture et de sculpture, Élisabeth Vigée le Brun s'en tient principalement à son domaine de prédilection, avec la peinture à l'huile : le portrait.

Portrait de madame du Barry, 1782, Corcoran Gallery of Art

Les portraits d’Élisabeth Vigée le Brun ont pour vocation de souligner toute la personnalité de la personne représentée, tout en la mettant le plus en valeur possible. Cela peut se faire par la lumière, une mise en scène sophistiquée (ou au contraire très simple), ou encore des costumes, réels ou légèrement embellis. Tout est fait pour magnifier le modèle, avec lequel la portraitiste tient d'ailleurs à instaurer une relation de confiance.


Ces portraits sont d'ailleurs une source de choix pour l'étude de la mode de cette fin de XVIIIe et du début du XIXe siècles. Même modifiés par le pinceau de l'artiste, ils restent fidèles à ce que l'on pouvait porter à l'époque.




Portraitiste de toutes les aristocraties


Principalement connue pour ses modèles haut-placés, c'est en 1776 qu'elle reçoit sa première commande de la cour, un portrait du Comte de Provence, frère du roi, qui lui ouvre alors les portes de Versailles. Fervente royaliste et forte de son incroyable talent, elle y trouve rapidement sa place. Si bien qu'en 1778, impressionnée par le premier portrait officiel qu'en elle en a fait , la reine Marie-Antoinette en fait sa peintre attitrée. Ayant toutes deux le même âge, elles deviennent amies, et l'artiste est régulièrement invitée dans ses petits appartements. On lui attribue des dizaines de portraits de la souveraine, tantôt en robe de cour, tantôt représentée en famille. Son attention méticuleuse donnée au détail se voit dans le Marie-Antoinette et ses enfants (1787), où le berceau vide fait écho à la mort de la princesse Sophie Hélène Béatrix à l'âge de onze mois, survenue durant sa réalisation. Mais le portrait le plus célèbre de la reine est sans doute Marie-Antoinette dit "en gaule" (1783), qui fit grand scandale à cause de la robe-chemise qu'elle arborait (qui était alors considérée comme un vêtement de dessous), et qu'Élisabeth Vigée le Brun dut repeindre pour présenter son illustre modèle dans une robe de cour plus conventionnelle.



Portrait du peintre Hubert Robert, 1788, Musée du Louvre


Bien évidemment, la commande ne s'arrête pas à la reine. On lui attribue également des portraits de la comtesse du Barry, dernière maitresse de Louis XV, avec qui elle était amie également, et d'autres aristocrates qui tous voulaient se faire capturer par Élisabeth-Louise, comme la duchesse de Polignac, ou encore madame Élisabeth, sœur du roi. Elle rend également les traits du célèbre peintre Hubert Robert, duquel elle est très proche, tableau qu'elle considère d'ailleurs comme son plus grand chef-d’œuvre.






Portrait de Caroline Bonaparte, reine de Naples, avec sa fille Laetitia-Joséphine Murat, 1807, Château de Versailles

Son affiliation à l'aristocratie n'est aucunement stoppée par la révolution. Alors qu'elle voit tous ses anciens amis mourir sous la guillotine, elle continue son activité jusqu'à sa mort, en 1842. Avant de revenir à Paris, en 1809, d'un exil long de 10 ans qui l'amène à se rendre à Rome, en Russie ou encore en Angleterre (où elle continuera de réaliser des commandes pour les plus grands), le Premier Empire fait notamment appel à elle pour réaliser un portrait officiel de Caroline Bonaparte, la jeune sœur de Napoléon, avec sa fille. La rencontre ne se passera pas bien, et Vigée le Brun n'hésitera pas à la fustiger dans ses mémoires, disant d'elle qu'elle est une parvenue, et qu'elle a par le passé peint de véritables princesses. Cela en dit long sur la personnalité de l'artiste, qui resta fidèle à la monarchie toute sa vie.






De l'art de son propre portrait


On peut dire qu'Élisabeth Vigée le Brun appliqua bien le principe du "on n'est jamais mieux servi que par soi-même" ; en effet, si elle capture les traits de nombreuses personnes, elle n'en oublie pas moins de capturer les siens. Grande adepte de l'autoportrait tout au long de sa vie, il est ainsi possible de suivre toute son évolution physique en les observant. L'artiste n'hésite pas à mettre en exergue sa fonction, se représentant pinceaux et palettes à la main, en train de peindre. Elle affirme ainsi totalement son statut d'artiste.


Autoportrait avec sa fille, 1786, Musée du Louvre

L'autoportrait de Vigée le Brun qui marqua le plus son époque est celui où elle se représente en compagnie de sa fille, Julie. Loin des poses très officielles auxquelles ses modèles étaient contraints, elle se montre ici en mère aimante, enlaçant tendrement son enfant. Dans ce contexte de retour à la nature prôné entre-autre par Jean-Jacques Rousseau, ce tableau trouve son public et émeut la société de cette fin du XVIIIe siècle. A travers cette position qui rappellerait presque les madones à l'enfant de la Renaissance, la peintre s'affirme ici comme une femme accomplie et émancipée, qui peut remplir son rôle maternel mais également vivre de son art, chose qui était principalement réservée aux hommes. Elle réalise un deuxième tableau similaire en 1789.


Ce n'est donc pas par hasard qu'on décrit Élisabeth Vigée le Brun comme étant l'une des plus grandes portraitistes de son temps. Ayant une clientèle des plus prestigieuses et un talent reconnu de tous, elle réussit à se hisser parmi les plus hautes sphères de la société, traversant les bouleversements qui chamboulèrent sa vie, sans jamais perdre de sa force de travail. Grâce à elle, nous avons une vision fidèle d'illustres personnages de toute une génération, magnifiés pour l'éternité.


Comments


Post: Blog2_Post
bottom of page