Le Musée Gustave Moreau, fondé au début du XXème siècle sur la volonté testamentaire de l’artiste, est un lieu atypique dans le paysage culturel parisien. Dans l’ancienne maison et atelier du peintre est exposé le fond d’atelier que Gustave Moreau a légué à l’Etat. Le musée possède donc une collection riche de plus de 25 mille œuvres parmi lesquelles figurent de nombreuses esquisses colorées et peu figuratives. Et même si peu figuratives que durant les années 1950 puis 1960, ces aquarelles et huiles sur toile sont vues d’un œil nouveau. Gustave Moreau, tout un coup, devient le père de l’abstraction. A travers l'exposition, Vers le songe et l’abstrait, c’est une toute nouvelle étude de ces œuvres qui est présentée au public.
Il ne s’agit pas ici, d’une énième rétrospective, mais d’une présentation au service de l’histoire de l’art. L'approche des commissaires est véritablement scientifique. Ces œuvres sont-elles des travaux préparatoires pour des peintures figuratives ? Sont-elles de pures abstractions ? Quel peut être leur rapport avec les écrits sur l’art de l’artiste ? Gustave Moreau est-il un pionnier de l’abstraction ? Ces œuvres sont-elles délibérées ou l’exploitation du hasard ? Quelle est leur postérité ? Quel enseignement peut-on en tirer quant au processus créatif de l’artiste ? Voilà toutes les questions auxquelles tente de répondre cette exposition. Ce n’est donc pas une mince affaire.
Organisée autour de sept points présentant à chaque fois un corpus d’œuvres choisies de façon thématique (paysage, aquarelles, essais de couleurs…) l’exposition prend place dans les différentes salles du musée, au milieu des œuvres de la collection permanente. Débutant au premier étage, elle se poursuit ensuite dans l’atelier, et ce, sur ses deux niveaux. Le musée de par sa nature; une maison d’artiste, implique que l’espace est, ne le cachons pas, parfois assez exiguë. Il suffit d’avoir quelques personnes devant soi pour qu’œuvres et explications deviennent difficilement accessibles. Néanmoins ce bémol est à relativiser par la faible fréquentation du musée, véritable bulle d’air dans les institutions muséales surpeuplées du Grand Paris.
Ce sont donc les esquisses colorées réalisées par Gustave Moreau que le public découvre. Parmi ces œuvres, certaines sont exposées pour la première fois, notamment l’envoûtante série des peintures sur cartons bleus. A travers des explications claires et nombreuses, l’aspect didactique de l’exposition est particulièrement réussi. Il faut notamment noter la présence de reproductions miniatures des œuvres citées dans les textes qui permettent une compréhension accrue de ces explications. Ces dernières insistent notamment sur les recherches menées par le peintre, un homme passionné par la pratique artisanale de son art. Les œuvres de l'exposition sont, en effet, avant tout des travaux préparatoires et autres tentatives de coloration. C'est cela que l'exposition cherche à démontrer, c'est à dire qu'il ne sert à rien de lire ces œuvres comme abstraites alors qu'à aucun moment Moreau ne les a présentées comme cela. « Une oeuvre d’art a une signification différente selon l’époque à laquelle on l’examine » comme le disait Matisse.
En ne présentant aucun chef-d’œuvre du peintre, l’exposition montre qu’elle peut être, même sans cela, vraiment intéressante. Parmi toutes les œuvres exposées certaines attirent cependant inexorablement le regard. Comme exemple, comment ne pas citer cette ébauche de paysage évoquant quasiment des images tolkiennesques.
Vers le songe et l’abstrait fait ainsi partie de ces expositions destinées à un public d’amateurs comme à un public d'initiés. Revenant sur une problématique majeure de l’histoire de l’art ; à savoir, "Une œuvre peut-elle être comprise en dehors de son époque ?" ; c’est une véritable ode à la recherche que le musée Gustave Moreau expose. C’est pour cela que tout amateur d’art devrait s’y rendre. Coupe-File invite donc tous ses lecteurs à pousser les portes du Musée Gustave Moreau pour y découvrir un lieu atypique et magnifique ainsi qu’une exposition à la hauteur de son cadre.
Antoine Lavastre
Plus d'informations :
Musée national Gustave Moreau
14, rue de la Rochefoucauld - 75009
Dates :
17 octobre 2018 au 21 janvier 2019
Jours et horaires d’ouverture :
Le musée est ouvert tous les jours sauf le mardi de 10h à 17h15
Tarifs pendant la durée de l’exposition :
Plein tarif : 7 €
Tarif réduit : 5 €
Gratuité et réductions aux conditions des musées nationaux
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