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Bientôt sous le marteau #1


"Bientôt sous le marteau", le principe est simple : quelques œuvres, dont le passage en vente publique est imminent, sélectionnées et commentées par la rédaction de Coupe-file Art. Pour ce premier volet, la peinture ancienne est à l'honneur.


Ecole milanaise du XVIe siècle, Mon Seigneur et mon Dieu, huile sur panneau, 44,9 x 33,7 cm, est. 40-60 000 € © Aguttes. Oeuvre vendue pour 52 000€.


Dans le sillage de Moroni


La pièce maitresse de la vente Aguttes du 25 novembre consacrée aux maîtres anciens est sans aucun doute un tableau attribué prudemment à l’école milanaise du XVIe siècle montrant un adorateur en extase -la bouche ouverte- devant un Christ tout juste flagellé. Cette image marquante n’est pas sans évoquer la formule mise en place au milieu du XVIe siècle par Giovanni Battista Moroni (vers 1520-1578), ce que la conservatrice de la Frick Collection, Aimee Ng, qualifie de « portraits sacrés ».


Giovanni Battista Moroni (vers 1525 –1578), A Gentleman in Adoration before the Madonna, vers 1560, Washington, National Gallery of Art.


Dans cette reformulation de la composition classique figurant un donateur adorant un personnage saint, le maître italien inclut véritablement la sainteté dans l’espace du donateur, à l’image d’une vision, et non plus l’inverse. Comme très justement relevé dans le catalogue de la vente, cette innovation iconographique est à mettre en lien direct avec Exercitia Spiritualia (1548) de saint Ignace de Loyola qui prône la pratique d’exercices méditatifs transcendants. De plus, dans ces « portraits sacrés », Moroni joue avec la mise en abîme artistique. C’est-à-dire que les personnages ou scènes saintes représentés sont le plus souvent issus d’œuvres antérieures -de sa main, ou non-. Ainsi dans le portrait d’Un gentilhomme en adoration devant la Madone à l’Enfant conservé à la National Gallery of Art de Washington, la Vierge est directement tirée d’une gravure de Dürer.


Ce jeu de références est également présent dans l’œuvre mise en vente chez Aguttes puisque le Christ flagellé est issu d’une iconographie développée notamment par Giampietrino (actif vers 1495-1549) -mais également par Solario (voir infra)- et dont le modèle original est perdu. Deux versions dues à l’atelier de Giampietrino sont à signaler dans les collections françaises. Une est conservée au Musée Magnin de Dijon et l’autre au château d’Aulteribe dans le Puy-de-Dôme. Si l’attribution à Moroni du panneau Aguttes peut être soutenue par ces similitudes iconographiques, ainsi que par la grande qualité du pinceau, certains éléments semblent également s’y opposer. C’est le cas notamment de l’absence de différences de traitement plastique entre figures saintes et adorateur, traits pourtant caractéristiques des œuvres de Moroni où le sacré est peint de manière maniériste afin de le séparer par ce biais du profane. De plus l’intégration du donateur dont seule la tête est visible est assez malhabile. Malgré ces quelques remarques, l’œuvre reste une magnifique redécouverte dont la puissance picturale est remarquable.


Giovanni Pietro Rizzoli dit Giampietrino (d’après), Ecce Homo, huile sur bois, 65 x 48, 5 cm, Dijon, Musée Magnin.


Mis à jour du 1/12/2021 :


L'oeuvre a été préemptée pour 52 000 € par le musée d'Art de Nantes où elle viendra compléter les collections riches en qualité, mais maigres en quantité, de peintures italiennes du XVIe siècle. Le musée, par exemple, conserve ainsi déjà une oeuvre de Moroni, le Portrait de Luisa Vertova Agosti, ou encore un merveilleux Christ portant sa croix de Solario.


Dans la même vente, il faut également remarquer un très beau dessin de la main du peintre lyonnais Hippolyte Flandrin. Sur papier blanc est figurée une tête de vieillard encapuchonné dont le regard perçant tourné en direction du spectateur peut laisser penser à un autoportrait de l’artiste -comme signalé dans le catalogue de vente- bien que ses traits physiques semblent éloigner de ceux connus par les photographies montrant Flandrin. L'idée d'une étude de moine semble ainsi bien plus pertinente.


Hippolyte Flandrin (1809 - 1864), Autoportrait en moine ou Étude pour une figure de moine, Pierre noire, 31 x 19,7 cm. ©Aguttes. est. 600-800€. Oeuvre vendue pour 2000€.



Modèle Solario


Nous évoquions Giampietrino, l'actualité nous donne l'occasion de convoquer un autre suiveur de la manière de Léonard, Andrea Solario (1460-1524), également pour le motif de l'Ecce Homo. Là aussi, l'image est forte et la composition très célèbre car connue par de nombreuses copies.

La maison Lempertz présente, au catalogue de sa vente Maître anciens de ce 20 novembre, une importante version autographe, fort logiquement estimée 200 000/250 000 €. Similaire à deux autres versions conservées au Museum der Bildenden Künste de Leipzig et au Museum of Art, John G. Johnson Collection, de Philadelphie, le tableau procède de la tradition léonardesque, notamment dans les mains - qui ne sont pas sans évoquer la Dame à l'hermine (1488) -, mais montre l'infiltration progressive de la manière nordique dans la peinture de l'artiste. À rapprocher de sa période française, entre 1507-1509 ? Sujet sensible que le motif de l'Ecce Homo de Solario, notamment médiatisé en 1994 lorsqu'une version donnée au maître s'était envolée à 4,9 millions de francs avant d'être rétrogradée à la suite de diverses et longues actions en justice...

Andrea Solario (1460-1524), Ecce Homo, Huile sur panneau, 66.5 x 47 cm. 200 000-250 000 €. Oeuvre non vendue.

David Alan Brown, conservateur à la National Gallery of Art de Washington, relève treize variantes de la composition, dont celle-ci. L'attribution a été corroborée par Mina Gregori.


La maison R&C présentera, quant à elle, le 11 décembre, un panneau fort intéressant. Présenté comme peint par Simon de Châlons, il peut être directement comparé à un Ecce Homo signé de l'artiste, également exécuté sur panneau mais de dimensions légèrement inférieures (33 x 22 cm.), actuellement conservé à la Galerie Borghèse de Rome, copie ancienne de la composition intiale de Solario fonctionnant en pendant avec une Mater Dolorosa également signée mais surtout précisément datée de 1543.



Présenté comme Simon de Châlons (1506-1568), Le Christ au roseau, huile sur panneau, 38,5 x 30,5 cm. 40 000-50 000 €


Simon de Châlons (1506-1568-, Mater Dolorosa. Huile sur panneau, 33x22 cm, 1543, Galerie Borghèse, Rome.

Simon de Châlons (1506-1568), Christ aux liens. Huile sur panneau, 33x22 cm, 1543 ? Galerie Borghèse, Rome


L'attribution à Simon de Châlons nous semble ici quelque peu abusive - nous aurions préféré voir figurer la mention "attribué à" ou un prudent "atelier de" -. Nombre de copies 16e ou postérieures de cette composition sont en effet passées, et passent encore régulièrement en vente publique, à l'image de celle-ci vendue 1600 € en décembre 2015 chez Matthias-Bournazel. Le panneau présenté par la maison R&C se rapproche très fortement d'une copie de la variante de Simon de Châlons, vendue chez Sotheby's Paris en juin dernier pour 9450 €. Cette fois-ci, le catalogue présentait la mention "Suiveur d'Andrea Solario". Un casse-tête donc, pour peu de versions autographes.



Un prince indonésien à Drouot


Le 2 décembre, la maison Daguerre présentera, sur une estimation conséquente de 1 000 000 €-1 500 000 €, une imposante et rare vue du Megamendung sur l'Ile de Java, huile sur toile à l'origine princière !


Raden Saleh (1811-1880), Vue du Megamendung. Huile sur toile, 130 x 170 cm. 1 000 000-1 500 000 €.


Prince indonésien, Raden Saleh (Semarang, Indonésie 1811 ou 1814 – Bogor 1880), signature confidentielle en vente publique, montre très jeune des dispositions pour le dessin. A la suite d'une rencontre déterminante avec le peintre belge Antoine Payen, il part pour un voyage en Europe qui s'étalera sur près de 23 ans. Entre l’Angleterre, l’Ecosse, la Suisse, les Flandres, d'autres rencontres suivent, comme Jan Adam Kruseman (1804–1862), Andreas Schelfout (1787-1870) et surtout Horace Vernet qui deviendra une figure tutélaire pour l'artiste.


Si le peintre a réalisé plusieurs vues du Megamendung au cours de sa vie, principalement entre 1871 et 1879, celle-ci semble être la première, datable de 1861. Le thème du paysage n'est alors pas nouveau pour l'artiste puisqu'il l'aborde dès 1853 avant d'en faire, précisément dans les années 1860, son sujet favori. L'influence des peintres européens reste palpable. Le tableau jouit d'une traçabilité parfaite, directement auprès de l’artiste par Éduard Cassalette - issu d'une dynastie d'entrepreneurs érudits installés à Java- et conservé par sa descendance depuis lors, malgré un essai infructueux de vente en 1954. Reste à voir si les enchérisseurs seront, cette fois-ci, au rendez-vous.

 

Récapitulatif :


AGUTTES - Maîtres anciens, tableaux et dessins

Jeudi 25 novembre 2021 à 14h30. Paris


- Ecole milanaise du XVIe siècle, Mon Seigneur et mon Dieu, huile sur panneau, 44,9 x 33,7 cm, est. 40 000-60 000 €

- Hippolyte Flandrin (1809 - 1864), Autoportrait en moine ou Étude pour une figure de moine, Pierre noire, 31 x 19,7 cm. 600-800 €


LEMPERTZ - Peintures, dessins et sculptures. 14e-19e siècles Samedi 20 novembre 2021 à 11h. Cologne

- Andrea Solario (1460-1524), Ecce Homo, Huile sur panneau, 66.5 x 47 cm. 200 000-250 000 €


R&C - Art d'Asie, tableaux anciens, mobilier ancien & objets d'art

Samedi 11 décembre 2021 à 13h30, Marseille

- Présenté comme Simon de Châlons (1506-1568), Le Christ au roseau, huile sur panneau, 38,5 x 30,5 cm. 40 000-50 000 €


DAGUERRE - Provenance Cassalette - Vue du Magamendung & Deux albums

photographiques d'Indonésie.

Jeudi 02 Décembre 2021 15:00, Paris


- Raden Saleh (1811-1880), Vue du Megamendung. Sur sa toile d'origine, 130 x 170 cm, signée, localisée et datée en bas à droite : Raden Saleh f. / Java 1861. Au dos de la toile, la marque du fabricant : « G. ROWNEY & Co/MANUFACTURERS. 51 RATHBONE PLACE LONDON ».

1 000 000-1 500 000 €.

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