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Derrière les anges, La Madone Sixtine


La Madone Sixtine de Raphaël est un chef-d'œuvre paradoxal. En effet, elle est connue pour un détail, deux angelots rêveurs qui ont fait d'elle l'une des œuvres les plus reproduites de l'histoire de l'art. Ces deux figures enfantines ornant aussi bien des foulards que des étuis à lunettes masquent par leur aura le sujet même du tableau, La Vierge présentant l'Enfant. Il est donc temps de remettre au centre de l'attention l'oeuvre en tant que telle, dans sa globalité.


La Madone Sixtine, dite Madone de Dresde, Raphaël, vers 1513, Gemäldegalerie Alte Meister, Staatliche Kunstsammlungen, Dresde

 

Jules II, Raphaël, 1511, National Gallery

La Madone Sixtine est une commande du pape Jules II, né Giuliano della Rovere, pour l’église de San Sisto à Plaisance en remerciement du soutien de la ville dans la guerre papale contre les Français.


Jules II charge son protégé, Raphaël, un des peintres les plus en vue à Rome à cette période, de réaliser le tableau. Originaire d’Urbino, Raffaello Sanzio est né en 1483. Il se forme dans l’atelier du Pérugin à Pérouse en Ombrie. Après un séjour remarqué à Florence, où il croisera Léonard de Vinci et Michel-Ange, le jeune artiste est appelé à Rome par Jules II qui le charge de la décoration des chambres de son palais. Reconnu comme le plus grand peintre d’alors, Raphaël se taille une réputation à la hauteur de ses deux illustres contemporains.


La Madone Sixtine est marquante par sa composition qui s’inscrit dans le cadre de l’évolution du tableau d’autel -comme le nom l'indique tableau qui est placé sur l'autel-. En effet, ce type d’œuvre va connaître dans son iconographie une évolution tout au long du XVème et du début du XVIème siècle. Les peintres cherchent à élever le fidèle vers Dieu -c'est la notion de transitus-. Nous sommes avec ce tableau à un stade avancé de cette évolution. Le principe de la sainte conversation (représentation de la Vierge avec des saints) est déjà en place depuis longtemps. Les architectures conçues selon la perspective géométrique qui servaient de fond aux œuvres ont, elles, disparues, suite aux recherches de Léonard, notamment dans sa Vierge aux rochers (Louvre). L’innovation de Raphaël est ici de présenter son œuvre comme une apparition. Derrière un rideau qui semble s’ouvrir dévoilant ainsi le mystère, la Vierge s’avance, présentant aux fidèles l’Enfant. Ce rideau joue avec les habitudes du fidèles, en effet il faut rappeler qu’à cette époque les images divines, les reliques par exemple, n’étaient dévoilées qu’à certaines périodes de l’année. La composition pyramidale formée par les figures des saints et de la Vierge, amène le regard du spectateur à s’élever dans la composition, et donc en quelque sorte à s’élever vers Dieu. A un autre niveau, les angelots jouent eux aussi un rôle dans le dévoilement du mystère divin. En effet, ils amènent par leur aspect mélancolique à réfléchir au destin du Christ. A travers l’Enfant nu c’est le Christ mort, le Rédempteur, qui est évoqué.


Détail, La Madone Sixtine, dite Madone de Dresde, Raphaël, vers 1513, Gemäldegalerie Alte Meister, Staatliche Kunstsammlungen, Dresde

De plus, cette œuvre est un véritable hommage à la famille du pape, Jules II. En effet autour de la Vierge, avec sainte Barbe, il y a saint Sixte, le saint patron de la famille della Rovere. Deux éléments renforcent cette mise en scène familiale. Tout d’abord, le saint est représenté avec les traits du pape Jules II, dont on voit d'ailleurs la tiare posée sur le parapet au premier plan. Ensuite, son manteau doré est couvert de feuilles de chêne, arbre présent sur le blason de la famille della Rovere. Le saint semble s’adresser à la Vierge tout en montrant l’espace du spectateur, il joue donc le rôle d’intercesseur entre le divin et les fidèles. A travers cette mise en scène, Raphaël fait du pape l’intermédiaire privilégié entre le fidèle et Dieu. Pour expliquer cette apologie, il faut rappeler que Jules II fut un pape contesté notamment pour son mode de vie et son caractère belliqueux. Cette œuvre permet donc d’appuyer le pouvoir religieux du souverain.


L'Assomption, Titien, vers 1516-18, Basilique Santa Maria Gloriosa dei Frari




Avec ce tableau, Raphaël redéfinit la conception du tableau d’autel. Il intègre totalement le fidèle à l’œuvre, en effet le mystère divin semble s’offrir à lui. La Madone Sixtine permet au fidèle de s’élever vers Dieu, le but même d’une œuvre religieuse. Ce tableau aura une grande influence dans l’histoire de l’Art. Sa composition ainsi que ses innovations inspireront de nombreuses autres œuvres. Nous pouvons citer notamment l’Assomption de la Vierge de Titien.








Antoine Lavastre

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