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Du jade chez Christie's Paris : focus sur un matériau d'exception


VASE ARCHAÏSANT EN JADE CÉLADON PÂLE, FANGLEI CHINE, DYNASTIE QING, XVIIIÈME SIÈCLE, 20 000 - 30 000 € ©Nicolas Bousser

Ces 13 et 14 décembre, Christie’s Paris présente la collection V.W.S, composée de près de 300 lots et dont l’estimation dépasse les 7 millions d’euros. En plus de pièces de mobilier classique européen - avec des chefs-d’œuvre du XVIIIe siècle français - et d'ensembles de haute couture, se trouvent des objets chinois de haute tenue. Cette collection retrace le riche itinéraire géographique d’une famille ayant fui les pogroms vécus sous l’Empire tsariste pour s'installer à Harbin, en Chine au début du XXe siècle, avant de s'établir à Shanghaï et plus tard dans d'autres pays d'Asie et même en Amérique. Ces longues pérégrinations et changements multiples auront naturellement conduit à des vagabondages artistiques, dont le fruit s'apprécie par les nombreux rapprochements entre les cultures et les civilisations que la collection amène, ainsi que l’extrême raffinement des objets qui lui donne son unité au-delà des époques, des styles et de la géographie.


De très rares pièces en jade blanc et jaune de qualité muséale sont affichées au catalogue. L'occasion pour la rédaction de Coupe-File Art d'opérer un court focus sur ce matériau et d'aborder son lien étroit avec la culture chinoise.


Aux sources du jade


Dans l'imaginaire européen, le jade est, avec la porcelaine, le matériau par excellence de l’art chinois. S’il paraît fragile au premier regard, sentiment appuyé par sa translucidité et la finesse des décors qu’on lui associe, il n’en est en réalité rien.


Jades et porcelaines impériaux de la dynastie Qing issus de la collection V.W.S. © Christie’s Images Limited 2022, Claude Germain

Le jade est particulièrement dense, lourd en main. C’est une pierre qu’il faut lentement travailler, souvent de longs mois, afin de parvenir à la sculpter. Chaque nouveau décor, chaque partie évidée, est ainsi une nouvelle prouesse. Les pièces présentées chez Christie’s, d’une qualité rare, en sont des preuves matérielles. En un seul bloc, les artistes sont parvenus, par exemple, à totalement évider les vase couverts, en jade jaune (lot 536, est. 60 000 – 80 000€) ou blanc (lot 554, est. 120 000 – 180 000 €), tout en les gravant d’abondants décors et en ménageant, toujours dans l’unique bloc, la présence d’anneaux accrochés aux anses.


Qualité et provenance


La beauté des jades issus de la collection V.W.S. est exceptionnelle et fait dire à Camille de Foresta, la commissaire-priseur en charge de la vente, qu’il ne peut s’agir que de pièces impériales. Celles-ci n’étaient, en effet, pas obligatoirement marquées du sceau du souverain mais leur qualité fait aujourd’hui gage de provenance. Cette appréciation repose sur deux points principaux ; d’abord la qualité du décor et de la sculpture, et l’uniformité de la pierre ensuite. Comme pour Michel-Ange et ses marbres, les artistes chinois choisissaient avec attention les pierres qu’ils allaient sculpter, cherchant à éviter celles trop veinées. Et si par hasard une veine était percée à jour lors du travail de sculpture, tout le talent de l’artisan devait être celui d’utiliser à bon escient ces nouvelles couleurs. Dans le chameau en jade jaune (lot 533, est. 60 000 – 80 000 €), les parties orangées, dissonantes avec la teinte de la pierre, sont ainsi employées pour faire ressortir les bosses et la crinière de l’animal.


DROMADAIRE EN JADE JAUNE CHINE, DYNASTIE QING, XVIIIÈME SIÈCLE, 60 000-80 000 € © Christie’s Images Limited 2022

Datation


Majoritairement issues du règne de l’empereur Qianlong (1736-1795), les pièces en jade de la collection V.W.S témoignent enfin des fouilles archéologiques menées sous son règne. Lors de celles-ci, l’antiquité chinoise est redécouverte grâce à la mise au jour de bronzes de la dynastie Shang (1500-1050 av. J.-C.) et Zhou (1050-256 av. J.-C.). Cela entraîne un revival de formes et de décors antiquisants dans la production de jade, ceux-ci se substituant aux motifs habituels (lingzhi, ruyis, shou, etc.). La verseuse archaïsante en jade jaune et brun (lot 535, est. 80 000 – 120 000 €) en est l’exemple parfait ; elle reprend en effet la forme de vases en bronze zoomorphes d’époque Shang, dits de type Gong. À cela s’ajoutent la prise du couvercle et l'anse, en formes de dragons chilong stylisés. Enfin, son socle en zitan, bois impérial, incrusté de fils d'argent, qui prolonge le décor du jade, parachève l’ensemble.


VERSEUSE ARCHAÏSANTE COUVERTE EN JADE JAUNE ET BRUN, GONG, CHINE, DYNASTIE QING, 80 000-120 000 € © Christie’s Images Limited 2022

Cet ensemble de pièces en jade de très haute qualité et inédites sur le marché, réunies avec goût et soin depuis des décennies, obtiendra sans nul doute de belles batailles d'enchères. Les acheteurs chinois seront à n'en pas douter au rendez-vous.

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