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Entretien avec Yannick Lintz, directrice du département des arts de l'Islam au musée du Louvre


Conservatrice générale du patrimoine, Yannick Lintz est la directrice du plus jeune département du musée du Louvre, celui dédié aux arts de l’Islam. D’Angoulême à Mantes-la-Jolie, en passant par Toulouse ou Clermont-Ferrand, elle est actuellement au commissariat d’un projet d’envergure s’intitulant « Arts de l’Islam : un passé pour un présent » résultant en 18 expositions prenant places simultanément dans autant de villes en France. Malgré cette actualité chargée, et dans le cadre de la Web-série à paraître consacrée aux arts de l’Islam (Coupe-File art en collaboration avec le Scribe Accroupi et le musée du Louvre), Yannick Lintz a bien voulu se prêter au jeu de l’interview. C'est ainsi l’occasion de revenir sur son parcours, ses projets, son rôle de directrice de département tout en passant par sa vision du métier de conservateur.


Photo : Coupe-File Art - Scribe Accroupi


Antoine Lavastre et Nicolas Bousser : Pouvez-vous tout d’abord nous résumer rapidement votre parcours ?


À 18 ans, jamais je n’aurais imaginé être là où je suis aujourd’hui. Après un parcours de lettres classiques qui m’a mené à l’agrégation, j’ai passé le concours de conservateur. Pour mon premier poste, je ne voulais surtout pas aller au Louvre. J’ai donc pris la direction d’Agen où j’ai eu la chance de diriger le musée des Beaux-Arts pendant neuf années. Après, j’ai pris une tangente pour devenir la conseillère de Jack Lang sur l’éducation dans les musées au ministère de l’éducation. Je suis arrivée au Louvre il y a 18 ans et depuis 2013 je suis à la tête du département des arts de l’Islam.


A.L. et N.B. : En quoi consiste votre activité en tant que directrice de département ?


Un directeur de département est avant tout un directeur. Il dirige une structure puisque un département peut être vu comme un petit musée et donc une équipe. Il faut gérer une politique de projet de recherches, de valorisation des collections par des expositions, des manifestations culturelles. Il faut faire rayonner au mieux son domaine de l’histoire de l’art au niveau national mais aussi international. C’est donc à la fois un rôle de manager et un rôle de développeur du domaine académique qu'est l’histoire de l’art islamique. De manière plus générale, nous travaillons aussi au fonctionnement et au rayonnement du musée du Louvre.


A.L. et N.B. : Vous êtes à la tête d’un "grand département". Comment définir ce terme ?


Cette notion est apparue en 1945 au moment où se mettait en place le décret provisoire d’organisation des musées. Un grand département est difficile à définir mais il s’agit du rôle national de supervision et d’expertise scientifique de l’ensemble des collections du territoire national.


A.L. et N.B. : Le département des arts de l’Islam est-il différent des autres départements du musée du Louvre ?


La singularité de ce département est que, par son rapport à l’Islam, il est au cœur de l’actualité. Il y a donc un enjeu d’éducation aux valeurs citoyennes et à l’éducation artistique plus important. C’est aussi le plus jeune département du Louvre donc il faut asseoir une politique que les autres départements ont eu le temps de mener en plus de 200 ans. Cela consiste en une politique de dépôts, la publication des catalogues des collections etc. Cette jeunesse implique un plus grand dynamisme !


A.L. et N.B. : Quels sont vos projets ? Une exposition ?


J’ai de nombreux projets mais le plus immédiat, celui qui nous occupe beaucoup depuis quelques mois, est une opération nationale en lien avec le contexte social. A l’issue de l’attentat ayant conduit à la mort de Samuel Paty, le premier ministre a souhaité nous confier une mission qui consiste à parler de l’Islam autrement que par les prismes de la sécurité, du terrorisme et de la violence. Nous parlons donc d’art, de culture et de civilisation à travers des témoins matériels. Ceux-ci montrent le dialogue, et non le choc, culturel entre l’orient et l’occident. Pour promouvoir cet Islam des Lumières, il y aura 18 expositions dans 18 villes partout sur le territoire du 20 novembre au 27 mars.


Nous préparons également un autre événement avec le musée d’art islamique du Caire. Il s’agit d’une double exposition. Il y aura tout d’abord la présentation de nos collections au Caire en février puis en novembre ce sont les objets du Caire qui viendront en France avec des prêts exceptionnels. Le tout prendra place dans le cadre de l’année Champollion.


A.L. et N.B. : Pour revenir sur votre rôle de directrice de département, combien de personnes travaillent à vos côtés ?


Nous sommes une petite équipe d'une vingtaine de personnes. Ceci est cependant largement suffisant, surtout si l’on compare avec les autres départements dédiés aux arts de l’Islam dans les musées européens ou américains. Dans cette équipe, il y a des conservateurs, des chargés de collections, des ingénieurs de recherches, des régisseurs, des documentalistes, un bibliothécaire, une petite équipe administrative, et bien sûr une directrice.


A.L. et N.B. : Une question destinée aux étudiants. Quels seraient vos conseils pour quelqu’un se destinant au métier de conservateur ?


Ne le vivez pas comme une obsession car nous savons tous combien il est difficile d’avoir ce concours en France. Néanmoins, il est toujours intéressant d’avoir un objectif même si on ne l’atteint jamais. Cela constitue une ligne d’horizon et dans tous les cas c’est un exercice de rigueur, de connaissances. Il faut essayer au plus tôt de découvrir la variété des métiers qui peut exister. Il ne faut pas se précipiter vers la filière traditionnelle, celle liée à l’image iconique du conservateur. Si vous y arrivez tant mieux mais vous serez peut-être cent fois plus créatif si vous n’y arrivez pas.


A.L. et N.B. : La traditionnelle question Coupe-File. Quel est votre œuvre/artiste favori ?


Je ne vais pas vous répondre Léonard de Vinci, même si j’adore (rires.). Si je devais choisir une œuvre de ce département, je me tournerais vers l’humain. J’aime les œuvres quand elles reproduisent des humains. Je suis secrètement amoureuse de la Tête du prince de Rayy avec ses yeux envoûtants.


Tête princière, stuc, 4ème quart du XIIe siècle ; 1er quart du XIIIe siècle (1185 - 1215), Rayy. Paris, Département des arts de l'Islam du musée du Louvre. Photo : Coupe-File Art - Scribe Accroupi


 

La vidéo de cet entretien est à découvrir sur le site du Scribe Accroupi :



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