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Geo Ham, le peintre de la vitesse

A la fin du XIXe siècle, le monde connaît une invention dont le développement sera mirifique : l’automobile. Bouleversant les transports, annihilant les distances, l’automobile rapetisse le monde. Son évolution est constante. Alors qu'aujourd’hui le monde compte près d’un milliard d’automobiles, la gageure est de trouver comment les rendre moins nocives. Mais au début du XXe siècle, il n’y avait guère que quelques centaines de milliers (500 00 en 1914) d’autos et les défis que se posaient les constructeurs et les pilotes étaient tout autre. L’amélioration des performances brutes de la voiture, de sa vitesse, de sa puissance ou de sa tenue de route met en concurrence les fabricants et anime les foules. Les années d’entre-deux-guerres sont sans conteste le grand âge d’or de la course automobile. Pendant ces années, les courses les plus prestigieuses sont créées comme le Grand prix de Monaco, les 24h du Mans ou les 500 Miles d’Indianapolis. Les spectateurs se comptent par centaines de milliers et des millions de gens suivent à la radio ou dans les journaux les exploits des casse-cous qui conduisent des bolides à des vitesses sans commune mesure historique à l’époque. Une telle épopée ne pouvait être achevée sans que l’art ne s’en mêle, la vitesse méritait son art. Geo Ham va la transposer et la rendre avec talent.


Motard à Arpajon, collection particulière.

Né en 1900 à Laval en Mayenne, Georges Hamel a 13 ans lorsqu’une course automobile traverse la ville. Pour le garçon c’est une double révélation, celle du dessin et celle de l’automobile. Naturellement doué pour l’art, il est admis dès ses 18 ans à l’école supérieure des arts décoratifs de Paris. Ses premières passions ne le quitteront jamais et en 1920 il signe Geo Ham pour la première fois au profit d'une revue automobile réputée : l’Omnia. Il est illustrateur dans plusieurs journaux spécialisés et réalise des affiches pour des courses et des Grands prix. Son talent reconnu lui permet de devenir collaborateur de l’Illustration pour les questions aéronautiques et automobiles en 1928. La décennie 1930-1940 est sans doute la plus faste de sa carrière d’artiste. Les constructeurs lui commandent de nombreuses affiches publicitaires, il participe à de nombreux ouvrages sur l’Aéropostale, l’aviation et l’auto, il est en outre nommé en 1931 peintre officiel de l’Armée de l’Air. Véritable passionné, il accompagne Guillaumet lors de la traversée de la Cordillères des Andes, il concourt au rallye de Monte-Carlo en 1932 et pilote au Mans en 1934. A la fin de cette décennie il est envoyé pour couvrir les combats des troupes italiennes en Ethiopie puis se rend en Espagne pendant la guerre civile. Enfin, il peindra quelques scènes des combats de la France en 1940. Son succès après-guerre est émoussé par le perfectionnement de la photographie et par la généralisation de celle-ci dans les journaux.


Duel auto contre avion, 1934, collection particulière

Il participe cependant à quelques ouvrages de prestige mais signe de moins en moins ses œuvres après 1950… Lorsqu’il meurt en 1972, c’est un homme esseulé et appauvri mais qui a rendu durant sa vie un témoignage unique et reconnu des années folles de l’automobile. Surnommé « le peintre de la vitesse », il a en effet su saisir sur le vif et rendre parfaitement ce qui apparaît et plaît dans la fugacité de la course d’un bolide à moteur.

La célébration permanente de la vitesse par cet artiste le place dans une catégorie à part, résolument avant-gardiste. Cette obsession pour la vitesse se marie à la perfection, grâce à Geo Ham, avec la beauté virile et précise de la mécanique .



Les 24h du Mans 1954, collection particulière

Sans le savoir, Geo Ham invente un procédé narratif pour rendre la vitesse utilisé plus tard par les films d’animation. Le motard à Arpajon est assez caractéristique de son travail. Il fait partir sa composition d’un élément volontairement disproportionné, souvent une roue, puis dévoile les lignes d’une carrosserie ou d’une mécanique puis la scène dans son ensemble. L’ensemble rentre presque dans un triangle, la perspective est donc rapide. A cette composition générale qui tend déjà à un vif mouvement vers l’avant, sont ajoutées les lignes fuyantes de la route à peine esquissées et des gaz aspirés vers l’arrière dès la sortie des pots d’échappement. La moto est transformée en fusée. La mécanique rutilante n’en est pas néanmoins exacte et montre la connaissance de l’artiste dans ce domaine.


Geo Ham représente beaucoup de courses automobiles mais, dépassant le simple cadre des compétitions pour représenter la vitesse, il va réaliser un certain nombre de « duels ». Dans l’émulation technique de l’entre-deux-guerres et la recherche de vitesse permanente, rien de plus logique que de représenter la course du véhicule terrestre le plus rapide face à un aéronef. Ce duel auto contre avion, daté de 1934 pourrait à lui seul justifier le surnom de « peintre de la vitesse ». Les lignes, l’angle, l’articulation entre les véhicules, tout tend à l’accélération, tout inspire la vitesse… Il ne manque plus que le bruit des moteurs !


Accident dans les bois, 1933, collection particulière

Lors des 24h du Mans 1933, Odette Siko perd le contrôle de son véhicule et fauche plusieurs sapins. Malgré l’état de sa voiture, elle s’en sort quasi-indemne. Geo Ham représente ici le moment où le plus grand pilote de l’époque, et vainqueur du Mans 1933, l’italien Nuvolari passe à côté de l’épave enflammée. Lui-même, après avoir réparé une fuite d’essence avec un chewing-gum devra se surpasser et battre 9 fois de suite le record du tour en fin de course pour s’imposer de justesse. Cette gouache nous rappelle qu’en 1933 Geo Ham est au sommet de son art et de sa popularité.


Les 24h du Mans en 1954. Les lignes des voitures ont changé mais la course est la même. La passion et la maîtrise de l’artiste aussi. Devant les stands à contre-jour et sous une pluie battante, une Ferrari double une DB-Panhard. L’esprit de la course d’endurance est remarquablement rendu : la nuit et les conditions climatiques la rendent encore plus épique et Geo Ham retranscrit au mieux l’ambiance tendue et intense qui règne, tant sur la piste que dans les stands.


Grâce à la technique de la lithographie ses œuvres se répandent et plaisent aux professionnels comme aux aficionados faisant de Geo Ham l’artiste, témoin et privilégié, le plus représentatif de l’esprit des courses et progrès automobiles des années 1920-1940.


Paul Palayer

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