Depuis le 8 septembre, le musée Maillol présente sa nouvelle exposition « Hyperréalisme. Ceci n'est pas un corps » dont le sous-titre, en référence à La trahison des images de René Magritte, nous invite à partager son questionnement sur le rapport de l’art à la réalité. Cette exposition itinérante déjà présentée à Bilbao, Canberra, Rotterdam, Liège, Bruxelles et Lyon, s’installe désormais à Paris où elle se retrouve confrontée à l’œuvre d’Aristide Maillol.
À travers une quarantaine d’œuvres d’artistes internationaux, réparties en six sections, l’exposition retrace l’évolution du mouvement hyperréaliste et de la représentation du corps dans l’histoire de l’art depuis les années 1960 en présentant des sculptures troublantes, recréant l’illusion de la présence humaine. Ce sont des artistes comme Duane Hanson (1925-1996) et George Segal (1924-2000) qui ont ouvert la voie à ce mouvement sculptural, d’abord aux États-Unis puis à l’international. De par leur volonté de recréer la présence humaine davantage que de l’imiter, ils ont renoué avec une tradition réaliste alors considérée comme dépassée, bousculée par l’avènement de l’abstraction du XXème siècle. Cette notion d’hyperréalisme s’incarne notamment dans les œuvres de John De Andrea (né en 1941) avec Ariel II, un bronze polychrome réalisé en 2011 qui témoigne d’une observation précise du corps humain de par le rendu de la musculature ou de la texture de la peau.
Si deux des trois niveaux de l’exposition sont entièrement consacrés aux œuvres hyperréalistes, certaines d'entre elles sont directement présentées au sein des collections du musée Maillol. La confrontation des œuvres hyperréalistes aux sculptures d’Aristide Maillol (1861-1944) ouvre un dialogue fécond entre ces deux conceptions de la représentation du corps humain dans l’art. En effet, Aristide Maillol, dont le nu féminin fut le sujet privilégié, ne cherchait aucunement à représenter fidèlement le corps mais davantage à le styliser, le simplifier, usant de la géométrie avec rigueur pour atteindre la perfection des formes, l’harmonie et l’intemporalité.
« Ce que je fais ce ne sont pas des femmes, mais des volumes et des surfaces »
Aristide Maillol (1861-944)
La scénographie de l’exposition plonge le visiteur dans une obscurité d’où surgissent ces figures à la présence physique inquiétante, à l’instar de The Comforter, une œuvre de Patricia Piccinini (née en 1965). D’autres, comme Sam Jinks (né en 1973) recréent à la perfection l’illusion de la présence humaine avec des œuvres comme Untitled (Kneeling Woman). Ici, à travers une peau diaphane, l’artiste laisse transparaître tous les détails des veines ; l’illusion de la chair humaine est parfaitement rendue grâce à l’utilisation de divers matériaux comme le silicone et la fibre de verre. L'exceptionnelle maîtrise technique de Sam Jinks dans sa manière de représenter le corps atteint son paroxysme dans la représentation du vieillissement de la peau avec Woman and Child, une sculpture réunissant les thèmes de la vie et de la mort dans une étreinte humble et chaleureuse, soulignant ainsi la vulnérabilité de nos corps.
Si certaines œuvres peuvent mettre mal à l’aise le visiteur, d’autres au contraire transmettent un sentiment de sérénité, à l’exemple des nageuses de Carole A. Feuerman (née en 1945) qui, à peine sorties de l’eau, la peau encore couverte de fines gouttelettes, semblent plongées dans un état de paix intérieure. Ainsi, qu’il soit amusé, apeuré ou fasciné, le visiteur ne sortira pas indifférent de cette exposition qui nous propose une réflexion sur le corps humain. Elle nous aidera peut-être à mieux nous reconnaître dans une société où les photographies, par excès de retouches, sont paradoxalement de moins en moins fidèles à la réalité.
Exposition « Hyperréalisme. Ceci n’est pas un corps » au musée Maillol
Du 8 septembre 2022 au 5 mars 2023
Une coproduction de Tempora et Institut für Kulturaustausch en étroite collaboration avec le Musée Maillol.
Musée Maillol
59-61, Rue de Grenelle, 75007 Paris
Comments