Inauguré en 2014, le musée Soulages met à l'honneur une figure majeure de l'art contemporain, Pierre Soulages. Ce dernier est devenu en 2013 l'artiste français le plus côté aux enchères de son vivant avec la vente d'une de ses toiles pour plus de 5 millions d'euros. Une marque améliorée en 2018 avec sa Peinture 186 x 143 cm, 23 décembre 1959 envolée pour 9.6 millions d'euros. La réunion dans sa ville natale de la plus importante collection publique de ses œuvres consacre ainsi une activité créatrice initiée par le ruthénois il y a plus de 70 ans et dont le fruit trouve une résonance toujours plus forte aujourd'hui.
Né à Rodez en 1919, Pierre Soulages se découvre très jeune une passion pour le dessin. Il prépare et est accepté à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1938 mais quitte rapidement l'établissement dont il juge l'enseignement médiocre et conformiste pour retourner en Aveyron. Après un succès international pérenne tout au long de la seconde moitié du XXe siècle qui l'aura vu exposer aux quatre coins de la planète, Pierre Soulages décide au début des années 2000 de réunir son œuvre dans sa ville d'origine. En 2005, il lègue ainsi un panel de 500 œuvres représentatives des divers courants qu'il a exploré au cours de sa vie. Une cession en 2012 permet d'enrichir la collection du futur musée finalement inauguré le 30 mai 2014 sur le plateau du Foirail, un ancien champ de foires de deux hectares et demi.
Pour Pierre Soulages le musée « met en évidence des processus de la création artistique, la part de l’inattendu dans la recherche et, sans pédagogie banale, espère ouvrir les yeux, éveiller l’esprit sur ce qu’est la création artistique en général ». Les 1700 mètres carrés d’exposition permanente sont conçus pour accueillir la variété de l’œuvre de l’artiste, qui s'étend sur plus de 70 ans. La lumière qui pénètre dans les bâtiments est parfaitement contrôlée afin de ménager d'un coté des passages de pénombre où sont exposées les œuvres sur papier et les brous de noix, et de l'autre des espaces plus grands et lumineux pour les peintures et les cartons des vitraux de Conques. Aux salles hautes et convenablement éclairées succèdent d’autres plus basses et plongées dans l'obscurité. Cette proposition architecturale vise à installer des ambiances lumineuses très différentes et sciemment alternées qui mettent ainsi en valeur les différentes techniques maîtrisées par l'artiste. Néanmoins la véritable originalité du musée réside dans le choix du matériau extérieur, de l'acier corten, qui a la spécificité de changer de couleur et donc d'aspect au fil des années. Le musée lui même est donc littéralement en perpétuelle évolution.
La muséographie a été pensée autour de quatre espaces d'exposition dédiés aux principaux supports d'expression de l'artiste : les broux de noix et peintures sur papier, les peintures sur toiles, l'oeuvre imprimé, et les cartons préparatoires aux vitraux de Conques. Le parcours est libre pour le visiteur, qui évolue ainsi d'une période artistique à une autre. Il est agrémenté de nombreux supports qui aident le visiteur à se repérer dans la masse d’œuvres et d'informations liées à Pierre Soulages. Fonds documentaires, images, textes, films d’archives émaillent ainsi le parcours du visiteur et lui permettent de replacer l'oeuvre dans le temps. La scénographie a été réalisée par Pierre Soulages en concertation avec Philippe Maffre de MAW architecte. Comme souhaité par Pierre Soulages, une salle d’exposition temporaire de 500 mètres carrés est dédiée à d’autres artistes contemporains. « Je n’ai jamais aimé les musées monographiques. Mais celui-ci ne sera pas un musée comme les autres. L’accent sera mis sur la création, sur la manière dont naissent les œuvres, et il sera surtout ouvert aux autres artistes, à la création contemporaines. » a déclaré le principal intéressé. Par ailleurs cette volonté de mettre en avant les artistes actuels est renforcée par l'action de la municipalité. La maison natale de Pierre Soulages a en effet été acquise par la Communauté d’agglomération du Grand Rodez en vue d'être transformée en ateliers et résidences d'artistes contemporains.
Le musée Soulages peut être perçu comme le signe suprême du contrôle quasi-absolu de l'artiste sur l'utilisation et la mise en scène qui est faite de son œuvre. C'est pourquoi on remarque, à travers l'exemple du musée Soulages, que la scénographie peut être un moyen pour l'artiste d'orienter à sa guise la portée de son œuvre. On peut néanmoins se demander si une scénographie trop travaillée ne serait pas susceptible de prendre le pas sur la qualité du travail de l'artiste, qui serait alors considéré à juste titre comme « commercial » et fait pour plaire.
Antoine Bouchet
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