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Les Aliénés du Mobilier National, le retour ! à la Galerie des Gobelins

Par Joséphine Journel


Scénographie de l'exposition Les Aliénés du Mobilier National, le retour © Justine Rossignol
Scénographie de l'exposition Les Aliénés 2023, le retour © Justine Rossignol

Pour cinquante-et-une pièces conservées dans les réserves du Mobilier National : retour à la case départ !


Le design s'est invité, une fois de plus, dans l'ancien Garde-Meuble de la Couronne. C'est donc un vivifiant vent de folie qui souffle sur un ensemble de pièces classées, déclassées et reclassées au sein de cet établissement, qui demeure le premier allié des métiers d'arts à la française depuis le XVIIe siècle.


Née d'un programme de recherche visant à étudier les liens qui unissent l'objet d'art et l'objet de décoration aux XIXe et XXe siècle, une première exposition avait vu le jour en 2019 au Mobilier National. Cette dernière a proposé une réflexion sur la fonction native de cette institution : répondre au besoin d'ameublement des édifices de l'Etat.


 

table de toilette
Atelier Déambulons. "Déambulons sous les étoiles", table de toilette, acajou vernis et marbre blanc, fin du XIXe siècle © Isabelle Bideau

Comme la première, la seconde édition de cette exposition constate que tout un pan des collections utilisées auparavant dans les pièces de services des châteaux, de peu de valeur historique (de par leur mauvais état ou leur production de masse), était cependant témoin d'une histoire industrielle et esthétique indéniables.

Ce modeste mobilier de service se retrouve cependant - à l'issue des commissions de déclassement prononcées par un comité scientifique qui priorise les actions de conservation - chaque année radié des collections, détruit ou écoulé dans les ventes aux enchères domaniales. Ce mobilier de style Empire, aujourd'hui suranné, était pourtant à la pointe de la modernité au tournant du XIXe siècle.




Comment valoriser ces matériaux, ces savoir-faire, ces laissés-pour-compte de l'inventaire muséal ?


secrétaire PIMAX
PIMAX. EMPIRE-NOURF, secrétaire à abattant, noyer ciré, début du XIXe siècle. Provenance : Ecuries du Louvre, Château de Rambouillet, Ecuries de Compiègne © Isabelle Bideau

À cela, la Galerie - dont la scénographie repose sur la présentation de tentures des Manufactures des Gobelins et de Beauvais - tisse un début de réponse en tirant les fils de nos préoccupations actuelles. Elle a donc invité une quarantaine d'artistes et de designers, issus de l'ensemble du spectre des métiers d'art, à intervenir librement sur ce mobilier tombé en désuétude. Ce geste de réappropriation créative - d'aucuns diraient de sauvetage ! - n'est pas sans poser un regard amusé sur notre société de consommation, où la fast-fashion dans le domaine du design et de la décoration nous incite à abandonner de plus en plus rapidement notre mobilier. Pour le plus grand plaisir des yeux, les métiers de la gravure, de la broderie, de la sculpture, de la verrerie, du textile ou encore l'univers du graff se sont donnés la même contrainte féconde : faire du neuf avec l'ancien, de l'unique avec du sériel, revaloriser les matériaux, réparer quand c'est possible, tenir ensemble le geste éco-responsable et le geste artistique. À ce titre, la démarche de cette exposition porte aussi la vertu de prescrire un nouveau cahier des charges du grand mécénat d'Etat en termes de développement durable dans la production d'expositions.


Les "Aliénés" désignent donc ces objets dont le déclassement a paradoxalement enrichi la valeur patrimoniale : d'une part en les remettant au goût du jour, et d'autre part, en les offrant (métaphoriquement) "en pâture" à des plasticiens d'horizons divers. Qu'ils soient adeptes du détournement ou ancrés dans une tradition, amoureux de l'irrévérence ou de la fonctionnalité, artistes vandales ou magiciens de la matière, les quarante-quatre contributeurs signataires de l'exposition ont, chacun à leur manière, renforcé les liens - par ailleurs inextricables - entre le Mobilier National et la création contemporaine.



Ci-dessus :

- Nicolas Buffe. Lampes-obaké, paire de lampes, patine grise et or, vers 1960 © Isabelle Bideau

- Nicolas Aubagnac. OBLIVION, commode, chêne verni, seconde moitié du XIXe siècle © Hervé Lewandowski

- Franck Evennou. Redevenir un arbre, commode, noyer ciré et marbre, livrée par l'ébéniste Louis Edouard Lemarchand sous l'Empire © Isabelle Bideau

- Nathnael Le Berre. Qui Voluptia, monture de lanterne, bronze doré, style Louis XVI, vers 1900. Provenance : Direction Générale des Arts et Lettres, hôtel Kinsky © Isabelle Bideau

 

Pour visiter l'exposition


Jusqu'au 7 janvier 2024 au 42 avenue des Gobelins, 75013 Paris

Entrée libre et gratuite du mardi au dimanche de 11h à 18h Dernière entrée 17h15

Fermé le 25 décembre et le 1er janvier





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