Juchée au sommet de la colline de la Garde, surplombant la cité phocéenne, Notre-Dame de la Garde fait partie des symboles les plus éclatants de la ville de Marseille. Fondée au XIIIe siècle, modelée par l'Histoire, elle porte les stigmates de son passé romanesque.
La première fondation religieuse sur la colline de la Garde est établie en 1214, lorsqu'un prêtre Marseillais, maître Pierre, décide d'y faire construire une chapelle dédiée à la Vierge. Le premier sanctuaire est achevé en 1218. Peu à peu, le culte rendu à la Vierge prend de l'importance. L'augmentation des dons et la fréquentation en hausse du lieu entraîne l'édification d'un deuxième sanctuaire en 1477. En 1516, François Ier se rend à Notre-Dame de la Garde au cours d'une visite à Marseille. Il y retourne huit ans plus tard pour protéger la ville attaquée par Charles Quint, et décide dans la foulée d'améliorer ses défenses. Il fait bâtir un fort sur l'île d'If et un autre sur la colline de la Garde. La hauteur de cette dernière et la vue exceptionnelle qu'elle offre sur les alentours en fait, depuis que Charles II d'Anjou désigne le lieu parmi les postes d'observation de la Méditerranée en 1302, un point militaire essentiel. Le fort est donc bâti autour du sanctuaire, qui reste cependant accessible au public par le biais du pont-levis, relevé toutes les nuits et encore en place aujourd'hui. L'édifice est par la suite envahi par les révolutionnaires en 1790. La plupart de ses trésors sont dilapidés et le fort est transformé en prison à partir de 1793. La Vierge à l'ostensoir, statue en argent réalisée en 1661, est fondue. Seul un Christ en bois polychrome subsiste de cette époque, et est actuellement conservé dans la crypte.
Or c'est en 1795 que le lieu, devenu bien national, est loué par le royaliste Joseph-Elie Escaramagne pour être protégé de potentielles dégradations. L'ancien capitaine cherche à le rouvrir au public mais n'y parvient qu'en 1807. Le mobilier disparu est remplacé grâce à une vaste campagne d'achats aux enchères. Parmi les objets acquis par Joseph-Elie Escaramagne se trouve une vierge en bois provenant d'un couvent de Picpus, qui tenait à l'origine un sceptre dans la main droite. Ce dernier ayant été abîmé, il était remplacé par un bouquet de fleurs, donnant à la statue son nom : La Vierge au bouquet. Celle-ci est remplacée en 1837, peu après l'agrandissement de la chapelle en 1833, par une autre statue, plus imposante : La Vierge de Chanuel. Oeuvre du sculpteur marseillais Jean-Baptiste Chanuel à partir d'un modèle de Jean-Pierre Cortot, cette vierge à l'enfant de quatre-vingt kilogrammes fut réalisée au repoussé au marteau. Le clocher est quant à lui reconstruit en 1847, et renferme un bourdon de plus de huit tonnes. Fondue en 1843 par Gédéon Morel et mesurant environ deux mètres quarante de diamètre, cette cloche monumentale semble démesurée par rapport au reste de l'édifice. Béni en 1845 par Eugène de Mazenod et baptisé « Marie-Joséphine », le bourdon de Notre-Dame de la Garde impose au bâtiment un nouvel ordre de grandeur. Ce dernier est affirmé en 1852, lorsque le ministre de la Guerre accepte la construction d'un nouveau sanctuaire au sein du fort militaire.
Un concours est organisé afin de déterminer les plans de la nouvelle église. Présidé par Eugène de Mazenod, le conseil d'administration tranche en faveur du projet "romano-byzantin" présenté sous le nom de Léon Vaudoyer. C'est pourtant son jeune élève Henri Jacques Espérandieu qui en est l'auteur. Entré au service de Vaudoyer en 1845, le talentueux architecte s'avère être protestant, ce qui aurait pu jouer en sa défaveur face à un jury catholique. Sous sa direction, la première pierre est posée en 1853 par Eugène de Mazenod. Notamment à cause de la décision d'agrandir la crypte, les finances du projet se portent relativement mal jusqu'à la mort de l’évêque en 1861, à partir de laquelle son successeur, monseigneur Patrice Cruice, parvient à renouveler l’intérêt de la population pour le projet. Seule la grande coupole est visible depuis l'extérieur de l'édifice, mais trois coupoles intérieures rythment la voûte de la nef. Le sanctuaire est consacré le 4 juin 1864, et Henri-Jacques Espérandieu décède en 1874, à quarante-cinq ans, laissant son œuvre inachevée. Henri Révoil lui succède à la tête du chantier pour mener le projet à son terme.
Au-dessus du beffroi est placé un piédestal surmonté d'un campanile destiné à accueillir une ambitieuse statue dorée : La Vierge à l'enfant. Fruit d'un concours remporté par le sculpteur Eugène-Louis Lequesne, cette statue est réalisée aux ateliers Christofle et acheminée en quatre tronçons au sommet de la colline, pour être mise en place et consacrée sans grand intérêt en 1870, la défaite française face à la Prusse accaparant les esprits. Creuse, elle accueille une flèche en acier et un escalier à vis qui mène jusqu'à l'intérieur de sa tête, où deux ouvertures permettent de voir la Méditerranée depuis ses yeux. L'édifice reçoit du pape Léon III le titre de basilique mineure en 1879, année du remplacement du pont-levis. Le bourdon est rejoint par deux autres cloches : une première réalisée par Toussaint Meurel en 1885 et une seconde, baptisée "Françoise" et fondue par Jules Robert en 1920. Alors que le chantier progresse, un incendie se déclare en 1884 et détruit l'autel. Ce dernier est reconstruit par Henri Révoil et est consacré en 1886. L'architecte dessine les portes en bronze dont la pose en 1897 marque la fin de la construction. De l'ancien fort ne subsistent que la vigie (ou grand bastion) et le bastion Est, le reste étant intégré à la structure de la basilique. Quant au décor intérieur de l'édifice, il se distingue par l'omniprésence des mosaïques et une importante polychromie. Derrière l'autel, sur la mosaïque du cul-de-four de l'abside, se trouve un bateau voguant sur une mer tumultueuse. La richesse ornementale du lieu est appuyée par une profusion d'ex-voto, remerciements plastiques à la Vierge dont près de deux-mille-cinq-cents exemplaires sont actuellement conservés sur place. Tableaux, maquettes et plaques se côtoient et forment ensemble un tissu complexe et hétéroclite.
La sculpture occupe une place de choix au sein de l'édifice : outre l'imposante Vierge de Chanuel, la crypte abrite une statue plus petite, réalisée à partir du modèle de Jean-Pierre Cortot et utilisée lors des processions. A son entrée se trouvent deux figures en ronde-bosse présentant deux acteurs importants de l'histoire de l'église : le pape Pie IX et l’évêque Eugène de Mazenod, canonisé en 1995. Elles sont réalisées par Joseph Marius Ramus (1805-1888), l'auteur des statues d'Isaïe et de Saint Jean, lesquelles se trouvent à l'extérieur, autour du porche de l'église. Le lieu est démilitarisé en 1934, pour une courte durée cependant : il est occupé en 1942 par des troupes allemandes mais est récupéré à l'initiative du général Montsabert en 1944 par des bataillons de tirailleurs algériens appuyés par des blindés. La basilique porte, encore aujourd'hui, quelques marques des combats, et le fanion du général Montsabert est conservé sur place.
Notre-Dame de la Garde est un monument complexe, pluriel et surprenant. L'édifice est marqué par son histoire, mais aussi par l'intérêt que témoigne Marseille à la "Bonne Mère".
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