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Etienne Delaune, graveur et orfèvre, à l'honneur au Château d'Ecouen


Jusqu'au 3 février 2020, le Château d'Ecouen - musée national de la Renaissance consacre une exposition à l'orfèvre et graveur de talent que fut Etienne Delaune (1518/19-1583). Un important corpus de plus de 130 œuvres se trouve rassemblé dans les appartements d'Anne de Montmorency et de Madeleine de Savoie pour cette première exposition consacrée à l'artiste. Outre une présentation de sa vie mouvementée et de son oeuvre, cette dernière s'attache à préciser son influence sur les arts décoratifs et la diffusion de ses modèles jusqu'aux confins du XIXe siècle. Thierry Crépin-Leblond et Julie Rohou, les commissaires, s'appuient sur de nombreux prêts de choix, notamment du musée du Louvre et du Victoria and Albert Museum, pour développer leur propos.


Le mois d'août / Vitrail, 1609 - Musée des antiquités de Rouen. D'après un motif d'Etienne Delaune / ©Nicolas Bousser
Une formation d'orfèvre

Si Etienne Delaune est largement reconnu pour son travail de graveur, il fut d'abord orfèvre ; cependant, aucune pièce d'orfèvrerie de sa main n'est aujourd'hui connue. Il voit le jour en 1518, ou 1519, à Milan. Son père, Léonard, est alors le tailleur de François Ier et a suivi son souverain dans ses campagnes militaires. Après la débâcle de Pavie en 1524, la famille Delaune rentre à Paris. Léonard ne se contente pas de vendre au Roi et aux officiers chemises, capes, pourpoints ou encore mitaines mais intervient également sur de multiples menues réparations pouvant aller du ciel de lit au manche de poignard. En 1536 notamment, il répare le fourreau et fait brunir les gardes de l'épée "à deux mains que l'on mect ordinairement derrière le chevet du lict où couche ledit seigneur". Ces multiples retouches le conduisent à mander l'intervention d'orfèvres chevronnés. C'est probablement dans ce contexte que le jeune Etienne débute sa formation. Dans les années 1545, il exerce à Paris comme compagnon-orfèvre et intervient également pendant quelques mois comme graveur de médailles à la Monnaie du Moulin, nommé par lettre patente de Henri II. Il est admis qu'il ne fut jamais maître-orfèvre et donc jamais autorisé à diriger un atelier. Sa formation pourrait s'être déroulée hors de Paris, élément justifiant le refus réitéré des maîtres-orfèvres parisiens à le promouvoir. En effet, les années 1530 correspondent à une large fermeture de la communauté parisienne devant l'afflux d'orfèvres de la vallée de la Loire.


Etienne Delaune reste un orfèvre et ce, même après son passage à la gravure. Sa représentation d'un atelier, réalisée en 1576 et conservée au musée du Petit Palais, riche de détails, montre sa profonde connaissance du métier. Il est également très proche de Mathurin Lussault, "marchand et orfèvre de la reine mère" Catherine de Médicis, assassiné le soir de la Saint-Barthélémy. Lussault est d'ailleurs témoin lors de son mariage avec sa deuxième femme, veuve de l'orfèvre Jean Borre.

Atelier d'orfèvre. Etienne Delaune, 1576 / Petit-Palais, musée des Beaux-Arts de la ville de Paris / ©Nicolas Bousser
Etienne Delaune graveur

Entre 1550 et 1580, Etienne Delaune exécute plus de 400 estampes. Plusieurs raisons permettent d'expliquer son passage à la gravure. Il y a d'abord le relatif faible coût de ce médium, induisant une abondante et lucrative production. Il nécessite ensuite la maîtrise d'outils déjà utilisés par l'orfèvre. Enfin, la discipline n'est alors pas régie par une guilde, il n'y a pas de véritables règles. La gravure constitue donc une source non-négligeable de revenus.


Delaune se détache aisément de la foule de ses concurrents grâce à sa technique et, héritage de sa formation d'orfèvre sans doute, grâce à sa production de miniatures alors presque inédite. Ce format de production remporte un grand succès auprès desdits orfèvres mais aussi des émailleurs et autres maîtres verriers. Les modèles peuvent être aisément rapportés sur les bijoux et autres pièces d'orfèvrerie sans avoir à effectuer un travail de mise à l'échelle. Du côté des sujets des créations, ils incarnent, pour la plupart, des thèmes décoratifs populaires adaptables sur des supports des plus variés. Scènes mythologiques, de l'Ancien Testament ou encore grotesques s'incarnent en effet sur pléthore d'objets. Il n'est pas rare de retrouver les mêmes sujets sur divers médiums.


Ainsi, l'armet (casque) de l'armure d'Henri II - l'un des nombreux prêts du musée du Louvre pour l'exposition- déploie sur sa partie centrale l'épisode de la mort de Julie, épouse de Pompée. La proximité de ce décor avec les estampes de Delaune a été largement soulignée. On retrouve ce motif sur un projet de miroir et un autre de bijou, preuve de l'influence de l'artiste sur les arts décoratifs et ce, de son vivant. Il n'est donc pas surprenant de voir cette influence se prolonger aux XVIe et XVIIe siècles et bien au-delà. L'art de Delaune constitue en effet encore une référence au XIXe siècle et ce notamment pour le courant Néo-Renaissance.

Armet de l'armure d'Henri II, vers 1550. Musée du Louvre / ©Nicolas Bousser

Stephanus fecit

L'exposition éclaircit un point crucial : l'origine des modèles d'Etienne Delaune. Il a longtemps été admis qu'il inventait toutes ses compositions, la mention "Stephanus fecit" - à savoir "Etienne a fait"- faisant foi. En artiste apparaissant comme polyvalent, il signe seul ses estampes. Cependant, ces inventions sont aujourd'hui plutôt rendues au peintre Baptiste Pellerin, artiste gravitant alors dans la même sphère des orfèvres parisiens. Delaune ne serait-il alors qu'un technicien ? Rappelons que l'exécution prime souvent sur l'invention à la Renaissance. Le nom du peintre fournissant les modèles n'a alors que peu d'importance.

Il est important de souligner la qualité et la richesse des œuvres présentées. Thierry Crépin Leblond et Julie Rohou ont su obtenir divers prêts qualitatifs, du musée du Louvre ou encore des musées du Vatican. Si l'on devait retenir un objet d'exception parmi cette prestigieuse et exceptionnelle foule, il faudrait citer l'écritoire du Duc d'Urbino, orné de motifs d'après Delaune par Caspar Lickinger. En effet, sept médaillons sur le couvercle reproduisent des illustrations de scènes bibliques par le graveur parisien: Adam et Ève, la tour de Babel, Caïn et Abel, le sacrifice d'Abraham, l'arche de Noé, Marcus Curtius et Jacob et Esaü. Cet exceptionnel écritoire portable en noyer, ivoire gravé et incrusté, corne et os, porte les armes de Francesco Maria II et fait la fierté du Victoria & Albert Museum.

Ecritoire du Duc d'Urbino, vers 1600. V&A Museum / ©Nicolas Bousser

Talentueux graveur, reconnu de son vivant, Etienne Delaune reste jusqu’au XIXe siècle une intarissable source d’inspiration. Alliant perfection technique et innovation, son art s'est imposé comme une référence incontournable dans le domaine des arts décoratifs. Il vous sera possible d'en prendre pleinement conscience en poursuivant votre exploration dans les salles du château. Un livret distribué en complément de cette érudite exposition vous aidera à débusquer les motifs hérités du graveur parisien dans les collections du musée national de la Renaissance.

 

Château d'Ecouen, 95440


Accès par le train (SNCF) :          

. Gare du Nord banlieue : ligne H (voie 30 ou 31) 22 minutes           

. Direction Persan-Beaumont / Luzarches par Monsoult          

. Arrêt gare d'Écouen-Ezanville          

. Puis autobus 269, direction Garges-Sarcelles (5 minutes)          

. Arrêt Mairie/Château          

. Ou rejoindre le musée à pied depuis la gare (20mn) par la forêt.


Accès par l'autoroute (à 19 km de Paris) :          

. Autoroute A1 depuis la Porte de la Chapelle          

. Suivre Roissy CDG          

. Sortie Goussainville / Cergy-Pontoise          

. Sur la Francilienne (D104)          

. Direction Cergy-Pontoise          

. Puis RD 316 (N16) en direction de Paris

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