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L'enfant au bonnet d'âne

Il y a quelques jours, Coupe-file s'engageait à vous révéler les secrets de la dernière création de l'artiste contemporain James Colomina. Chose promise, chose due, aujourd'hui nous vous invitons à nous suivre dans Paris pour découvrir L'enfant au bonnet d'âne.


L'oeuvre in situ (© James Colomina)

Placé sous le Pont Mirabeau, le petit personnage n'est pas sans rappeler son alter ego occitan du Pont-Neuf. Que les Toulousains se rassurent, leur impression de déjà-vu est due à l'installation par le sculpteur en juin 2017 d'une œuvre identique dans sa ville natale. A un détail près cependant, puisque l'apparence du bambin parisien est calquée sur celle d'un enfant de 6-7 ans quand son homologue méridional est, lui, âgé d'une douzaine d'années.



L'enfant au bonnet d'âne au Pont-Neuf à Toulouse (© James Colomina)


Cliché pris par l'artiste le soir de l'installation

Avec cette nouvelle création, le plasticien pose un premier pied sur la scène street-art de la capitale. Si la statue rouge carmin détonne dans la grisaille parisienne, son arrivée sur les lieux fut pourtant des plus discrètes. En effet ce vendredi 30 novembre à la nuit tombée, l'artiste est descendu en rappel afin de mettre en place lui-même son oeuvre au pied d'une pile de l'édifice. Une fois l'enfant confortablement installé sans aucune fixation face à la Seine, James Colomina est resté le temps de prendre quelques clichés de ce point de vue insolite avant de repartir au plus vite. Bien qu'il soit également exposé en galeries, le goût de l'interdit reste prononcé chez celui qui nous assure toutefois « veiller à ne jamais dégrader les monuments que j'investis. » L'espace public est ainsi le cadre rêvé pour cet artiste engagé qui souhaite « rendre accessible la sculpture à tout le monde. »

Isolée au pied de l'allégorie de La Ville de Paris, la statue apparaît bien seule sous l'ouvrage en acier. Or ce pont n'est pas choisi au hasard, et l'artiste nous propose ici une mise en abyme. La place de l'enfant dans cet environnement disproportionné par rapport à sa petite taille renvoie en effet à sa propre place dans la société. Cet individu exclu, puni par le port de ce couvre-chef grotesque, représente ainsi « la stigmatisation en général, tous ceux qui ne rentrent pas dans une case, dans le moule ». Ce lieu choisi chargé d'histoire était très symbolique pour James, qui n'est pas insensible au message délivré en 1912 par Guillaume Apollinaire dans son poème Le Pont Mirabeau. Ce dernier évoque la disparition du sentiment amoureux avec le temps, imagé en filigrane par l'écoulement de la Seine sous l'ouvrage, et donne ainsi un sens supplémentaire à l'oeuvre du sculpteur.


Une version antérieure de la statue (© Olivier Bac)

Enfin, L'enfant au bonnet d'âne est une réalisation interactive. Pour son auteur, « les spectateurs qui le montrent du doigt sont constitutifs de l'oeuvre ». On comprend alors pleinement la portée du moulage qui s'adresse directement à celui qui le contemple. L'étonnement ressenti à sa vue se traduit par le geste, et incite celui qui l'exécute à s'interroger sur les phénomènes d'exclusion et de mise à l'écart qui débutent souvent par un doigt pointé de manière ostentatoire.










Avec sa toute dernière réalisation, James Colomina prône donc l'acceptation de la différence d'autrui aux passants pressés et à ceux qui savent prendre le temps de regarder. Une démarche qui s'impose comme une évidence pour celui qui dénonce systématiquement les travers de notre société dans sa production artistique. Nul doute que le public parisien encore néophyte de son travail sera touché par ce beau message de tolérance. Chez Coupe-file en tout cas, on est conquis.


Antoine Bouchet

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