Les superlatifs ne manquent pas pour décrire l’hôtel des Invalides : 2e plus grand chantier du règne de Louis XIV après Versailles, plus haut bâtiment de Paris avant l’érection de la tour Eiffel à la fin du XIXe siècle, il est encore aujourd’hui le bâtiment le plus étendu de la capitale française. Si la construction ordonnée par le Roi Soleil en 1670 est terminée en 1674 (ce qui en fait un chantier incroyablement rapide compte-tenu de sa taille), l’église du dôme n’est alors pas encore construite. Libéral Bruant, l’architecte, ne parvient pas à présenter un projet satisfaisant le roi pour finir l’édifice, aussi est-il écarté au profit de Jules Hardouin-Mansart, par ailleurs l’un des principaux architectes de Versailles. Ce dernier propose l’architecture grandiose, prouesse technique de verticalité, que nous connaissons aujourd’hui.
Pourquoi l’hôtel des Invalides est-il construit ?
La construction des Invalides est décidée par Louis XIV pour accueillir les soldats considérés invalides pour la guerre. Cela concerne les « caduques », c’est-à-dire les soldats trop âgés pour combattre, et les « estropiés », les blessés de guerre infirmes. Le roi de France est ainsi le premier souverain d’Europe à se soucier du sort de ses soldats après l’armée. L’intention charitable et chrétienne du roi n’est pas à négliger, et comme cela permet aussi de vider Paris et les grandes villes de leurs mendiants anciens militaires, il saisit l'occasion. Il veut quelque chose de grand. La plaine de Grenelle, alors à l’extérieur de Paris, est donc choisie.
Comment s’organise l'hôtel des Invalides?
Après trois ans de travaux, les premiers invalides s’installent dans les bâtiments. Tout a été pensé pour faire des Invalides une véritable ville, organisée autour de la monumentale cour d'honneur, l’une des plus belles du XVIIe siècle. Par un jeu d’architecture, celle-ci paraît presque carrée alors qu’elle mesure en réalité environ 100m de longueur par 60m de largeur. De plus, ses galeries ouvertes donnent l’impression de deux étages monumentaux alors qu’il y en a en réalité quatre : tout est fait pour la majesté de l’édifice.
Il comprend un véritable hôpital, avec un lit par patient, grande nouveauté à l’époque, des dortoirs, une boulangerie, quatre grands réfectoires permettant, en deux services, de distribuer 3200 repas aux pensionnaires.
Encore aujourd’hui, en plus bien sûr du musée de l’Armée et d’autres services, l'hôtel des Invalides accueille les blessés de guerre, comporte un hôpital et un centre de rééducation pour les militaires.
L’église du dôme
Bien que l’ensemble de l’édifice soit digne d’éloge, l’église du dôme, œuvre de Jules Hardouin-Mansart construite entre 1676 et 1706, est le grand chef-d’œuvre du bâtiment. Construite dans le prolongement de l’église des soldats, elle en est séparée par une verrière.
Faisant délibérément concurrence à Saint-Pierre de Rome, son dôme doré à la feuille culmine à 113m de haut alors que sa base demeure assez étroite. Tout, sur sa façade, tend à la verticalité et les paires de colonnes dégagées accentuent encore cet effet.
L’intérieur n’est pas moins impressionnant puisque la coupole domine les spectateurs de 90m. Si le plan centré accentue l’impression de hauteur, il peut aussi laisser penser que Louis XIV avait l’intention de faire de cette église la chapelle funéraire des Bourbon. Il n’en sera rien. Plus tard, Napoléon Ier fait modifier légèrement l’architecture intérieure pour accueillir les grands noms militaires du passé : les restes de Turenne, grand général des règnes de Louis XIII et Louis XIV, ainsi que le cœur de Vauban y sont mis dans deux magnifiques tombeaux. Louis-Philippe, pour des raisons politiques, organisera le retour des cendres de l’empereur en 1840 et se pose alors la question du lieu d’inhumation. L’hôtel des Invalides semble tout indiqué : il permet de faire fi de l’héritage politique de Napoléon en se concentrant sur son œuvre militaire. L’église du dôme devient le Panthéon militaire français.
Le tombeau de Napoléon est aux Invalides et il est notable que l’image de l’Empereur a, en ce lieu, notoirement effacée celle de Louis XIV. Cependant, ce chef-d’œuvre de l’architecture du XVIIe est bien le cadeau du grand monarque pour remercier ses soldats de leur fidélité, leur courage et leur sacrifice.
Paul Palayer
Comments