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La coupe à l'Afrique

Conservée dans la salle Henri II du Louvre mais actuellement présentée dans l’exposition temporaire L’archéologie en bulles, la coupe à l’Afrique est le chef-d’œuvre de l’argenterie romaine.


Datée de la période augustéenne, au début de notre ère, cette coupe à emblêma (médaillon) en très-haut relief est remarquable par sa technicité. Avec elle, l’art de la toreutique (le travail du métal par martelage ou gravure) est poussé à son apothéose.

Le médaillon est réalisé séparément puis rapporté sur la coupe, ainsi il a en lui-même et déjà pendant l’antiquité, beaucoup plus de valeur que la coupe qui lui sert de support. En effet, la variété des techniques mises en œuvre, toujours avec une grande maîtrise, font de lui un objet qui n’a rien perdu de sa beauté à deux millénaires de distance.

La feuille d’argent fut d’abord façonnée au repoussé, c’est-à-dire travaillée sur son envers pour lui donner sa forme. Ensuite, les attributs et détails ont été réalisés au poinçon et au ciselet sur son endroit. Enfin une dorure à la feuille aujourd’hui ténue, rehaussait quelques éléments comme la dépouille d’éléphant, certains éléments de la corne d’abondance ou encore l’anneau de branches d’olivier et de myrte qui orne la coupe.

C’est donc une pièce d’argenterie d’apparat par opposition à l’argenterie de table, plus commune et usuelle.

A l’évidence, un tel objet n’avait qu’une seule fonction : montrer le prestige, la richesse et la culture de son propriétaire. Cette coupe était sans doute sur un dressoir et dans une pièce où le propriétaire recevait ses hôtes.

Les spectateurs pouvaient y admirer une riche et dense iconographie qu’un romain cultivé devait probablement comprendre sans peine.

Ainsi nous pouvons reconnaître en premier lieu une dépouille d’éléphant qui coiffe la femme, évocation de l’Egypte et plus généralement de l’Afrique. Ensuite en partant à gauche, nous apparaissent un arc et un carquois, attribués à Diane. Sur l’épaule, un lion et une massue sont les attributs d’Hercule ; en descendant, nous reconnaissons le cistre d’Isis, déesse égyptienne. Puis sous la main droite, un dauphin rappelant Neptune et la tenaille symbole de Vulcain. Sous l’autre main, est visible l’épée de Mars et sur la poitrine la panthère de Bacchus ; enfin, à droite de la corne d’abondance, la lyre d’Apollon.

En plus de cette épiphanie assez reconnaissable, la femme tient dans ses mains d’un côté un cobra, allusion à l’uraeus égyptien et de l’autre une corne d’abondance ornée d’un aigle. Cet oiseau pourrait être celui des Ptolémée, souverains d’Egypte ou celui de Rome. La corne quant à elle symboliserait la fertile Egypte, idée renforcée par l’épis de blé dont la région est grande productrice.

Les grenades sont le fruit représentant la capitale Alexandrie.

Les spécialistes ont compris qu’ils ne parviendraient à bien appréhender l’œuvre qu’en identifiant la femme. En 1950, un chercheur italien a démontré que les défauts et imperfections des traits excluaient que ce soit un portrait idéalisé comme on le pensait généralement. Par comparaison avec des représentations d’époque, il a appuyé l’idée que ce soit le portrait de Cléopâtre VII, dernière reine d’Egypte, morte en 30 avant JC. Aujourd’hui, on admet l’idée que ce puisse aussi être sa fille Cléopâtre Séléné.

L’Egypte, riche royaume à l’histoire prestigieuse devient une province romaine après la défaite de Marc-Antoine et Cléopâtre à Actium en -31. Il est donc compréhensible qu’un aristocrate romain arbore chez lui une telle coupe, riche en symboles, et sans doute à plusieurs niveaux de lecture, que notre époque ne peut que partiellement saisir. La fierté d’un Romain sous le règne du grand Auguste est à même de justifier la commande d’une telle œuvre.

Cette coupe prestigieuse est aussi incroyable pour son état de conservation. Elle fait partie du trésor de Boscoreale, enfoui pendant l’éruption du Vésuve en 79 de notre ère et retrouvé en 1895 dans la cuve à vin où il avait été abrité.

Ainsi protégée, la coupe nous est parvenue préservée et trône aujourd’hui au milieu des autres pièces d’argenterie, non moins belles, découvertes avec elle. Jusqu’au 1er juillet 2019, ce trésor est présenté dans la Petite Galerie du musée du Louvre dans le cadre de l’exposition l’archéologie en bulles. Cette exposition met en lumière le lien entre archéologues et artistes. En effet l’exposition montre que par le truchement de la bande-dessinée, les dessinateurs s’approprient les chefs-d’œuvre de l’archéologie pour les intégrer à leurs histoires. Les aventures racontées en BD mettent en scène des chercheurs de trésor, mot qui prend tout son sens avec la présentation de celui de Boscoreale et de la coupe à l’Afrique.


Paul Palayer

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