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Le calme au cœur d'Orsay : La solitude de Thomas Alexander Harrison


Le parcours muséal de La Solitude fut mouvementé. C'est après être passé par de nombreux musées français qu'il échoue en 1980 au musée d'Orsay, où il fait partie des pièces américaines les plus fascinantes de la collection. Coupe-file vous invite à plonger dans les remous lumineux des peintures de Thomas Alexander Harrison.

Portrait d'Alexander Harrison, 1888, Cecilia Beaux

C'est dans les dunes de Beg-Meil que l'univers visuel de Thomas Alexander Harrison trouve son écho le plus retentissant. La mer et plus spécialement les jeux de lumière et de couleurs liés à l'eau sont les sources d'inspiration principales de ce peintre américain, qui a participé en tant que dessinateur pendant à peu près six ans à une expédition cartographique pour le compte du gouvernement américain le long de la côte du Pacifique, avant laquelle il étudie à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts. Il étudie ensuite à la San Francisco Art Institute puis s'installe à Paris en 1879 pour étudier à l’École nationale supérieure des beaux arts.




La Vague, 1885, Thomas Alexander Harrison, Pennsylvania Academy of Fine Arts
Photo d'un paysage de Beg-Meil

Thomas Alexander Harrison établit des liens très forts avec la Bretagne au cours d'une série de séjours estivaux à Beg Meil dans une bicoque décatie, de 1883 à 1887. Tous les soirs, il s'aventurait entre les dunes pour observer les reflets aqueux du soleil couchant. Il initia d'ailleurs l'écrivain Marcel Proust et le compositeur Reynaldo Hahn à cette pratique pendant l'été 1986. Il n'est d'ailleurs pas le seul peintre de l'époque à ressentir une attirance particulière pour les paysages bretons. Il fait partie de l'école hétéroclite de Pont-Aven. En effet, remarquant l'afflux grandissant d'artistes dans la région, les aubergistes locaux se mirent à proposer de la nourriture à bas prix et un débit de boisson conséquent, acceptant même d'être payé en tableaux. L'école de Pont-Aven est un nom donné a posteriori à ces visiteurs chevronnés et réguliers. La fascination qu'a Thomas Alexander Harrison pour la fusion entre la lumière et l'eau se retrouve dans ses peintures. La Vague, réalisée en 1885, cristallise non seulement l'instant où la vague se brise, mais aussi la façon dont les rayons de soleil sont charriés par l'écume. Ces compositions poétiques nuancées lui forgent une solide réputation.

La Solitude, Thomas Alexander Harrison, 1893, Musée d'Orsay

Quelques années plus tard, fort de cette expérience, Thomas Alexander Harrison se lance dans un nouveau tableau. Lorsque, visiteur distrait d'Orsay, je me retrouve devant La Solitude, c'est par hasard. Immédiatement, le personnage central, fantomatique, accapare mon regard. Suivant le sien, je découvre peu à peu l'étendue verdâtre et mystérieuse. La rame abandonnée git sur la barque, signe que la femme dont le dos nu apparaît de trois quarts renonce à guider son embarcation. Les nuances froides de l’œuvre engagent à une certaine torpeur du regard, qui se coule d'un nénuphar à l'autre en remarquant les variations subtiles des lumières. Le reflet limpide, témoin du calme de l'eau nette, achève de traduire la pesanteur discrète de La Solitude. Par ailleurs, j'ai réappris à regarder les peintures de Thomas Alexander Harrison au travers de ce que disait de lui la portraitiste américaine Cecilia Beaux : "He could not be called a Nature-lover, for he loved Nature perhaps only when married to Art."


Coupe-File encourage vivement ses lecteurs à aller ou à retourner se perdre au milieu des chefs-d’œuvre du musée d'Orsay, et en profiter pour se laisser submerger le temps d'un instant par le fruit d'années de contemplation ininterrompue : La Solitude.

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