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Le Christ à la colonne, Antonello de Messine

Parmi tous les tableaux du Louvre, certains attirent inexorablement plus le regard que d’autres. Il peut s’agir d’œuvres connues de tous comme la Joconde ou la Victoire de Samothrace, mais aussi d’œuvres un peu laissées de côté par le grand public. C’est dans cette seconde catégorie que s’inscrit l’œuvre dont Coupe-File vous offre l’analyse.


Le Christ à la colonne (1475-1479), Antonello de Messine, huile sur bois, 29,8 cm × 21 cm, Paris, Musée du Louvre

Le Christ à la colonne d’Antonello de Messine est un tableau de très petit format, seulement 29,8 cm × 21 cm, qui montre aux yeux du spectateur une vision émouvante, celle d’un Christ qui pleure.


L’artiste ici présente en un seul tableau deux épisodes de la vie de Jésus qu’il synthétise en un. Ce sont l’Ecce Homo, présentation du Christ à la foule avec la couronne d’épine par ses tortionnaires, et la Flagellation, où le Christ est attaché à une colonne pour être fouetté. Le choix d’un cadrage resserré permet de montrer toutes les émotions, toutes la souffrance de la Passion. Antonello accentue les traits pathétiques de l’image, il fait ainsi appel au pathos grec. Les yeux sont tournés vers le ciel, la bouche est entrouverte, les larmes coulent. L’effet pathétique est accentué par plusieurs détails ; on a tout d’abord la présence du nœud de la corde qui donne l’impression que celle-la est posée directement sur le cadre et que le fidèle peut la toucher. Il accentue aussi les détails liés au martyre du Christ comme les gouttes de sang, les larmes.


Toute cette mise en scène est à mettre en relation avec la fonction du tableau, celle de la dévotion privée. Grâce à ses petites dimensions, le tableau était facilement transportable et pouvait servir de support de dévotion à son propriétaire peu importe où il se trouvait. La mise en avant de la souffrance du Christ est lié à la pratique du « don des larmes » mise en avant par sainte Catherine. Selon elle pour pouvoir accéder à Dieu, il faut souffrir, il faut lui offrir ses larmes.


Avec cette œuvre, il est fort aisé de dégager le style d’Antonello de Messine. Ce dernier serait né vers 1430 même si les documents n’attestent de son activité que vers 1457. Originaire de Sicile, il a du se former auprès de Col Antonio, un artiste très familier avec l’art nordique et particulièrement de Van Eyck. L’art de Messine est donc très influencé par l’Ars Nova, par la peinture flamande du XVème siècle. Il fait la part belle au travail minutieux de la peinture à l’huile. Il reproduit les détails avec une approche analytique, peignant dans les moindres détails les chairs et les cheveux de ses personnages. Le modelé, réalisé grâce au travail sur l'ombre et la lumière, est à la fois puissant et subtil. Assez puissant pour faire ressortir une figure du fond neutre qui caractérise de nombreuses œuvres du maître, et assez subtil pour faire ressortir les différents traits du visage des personnages.


Antonello peint son Christ comme s’il peignait un portrait et, comme disait-on au XVIème siècle, « il ne manque plus que le souffle pour que l’homme soit là ».


Antoine Lavastre

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