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Le Trésor de Notre-Dame, voyage dans l’histoire d’une cathédrale


En introduction au premier chapitre de son ouvrage intitulé Les églises de Paris, publié en 1883, Eugène Viollet-le-Duc écrivait que « l’église cathédrale de Paris est comme les héros, elle a deux histoires, l’une légendaire, l’autre réelle, et comme toujours aussi, la légende est au-dessous de la réalité ». Ces deux histoires dont parle l’auteur sont intimement liées à celle des objets du célèbre trésor de la cathédrale. En retracer la constitution et l’inventaire revient en effet à restituer à la fois la genèse du célèbre monument de l’île de la Cité mais également une part de la légende, certains éléments perdus au fil des huit-cent-soixante ans d’histoire figurant au rang d’objets parfois mythiques dont le souvenir et la connaissance ne sont conditionnés que par la lecture de textes et la conservation d’images. En cette fin d’année 2023, alors que le chantier de reconstruction de la charpente et de la flèche de Notre-Dame entre dans sa dernière année, le musée du Louvre présente cette fabuleuse ambition, inédite et certainement unique.


Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), Projet de reliquaire de la Sainte Couronne d'épines, mine de plomb, plume et encre noire, aquarelle, 1859-1860, musée d'Orsay ©Aurélien Delahaie

Précisons-le dès maintenant, l’exposition du trésor de Notre-Dame renoue heureusement avec une certaine exigence scientifique faisant progresser la recherche tout en suscitant l’intérêt du grand public qui y trouvera un propos intéressant sans être trop technique et spécialisé. Les collections présentées permettent ainsi de découvrir un ensemble de manuscrits aujourd’hui à la Bibliothèque nationale de France mais aussi de reliquaires orfévrés d’une qualité extraordinaire. D’un autre côté, la découverte ou l’attribution de dessins représentant les objets perdus, notamment lors de la Révolution française nous permet d’en apprendre davantage sur le trésor et la façon dont il a pu évoluer au fil des siècles. Le travail de recherche a aussi participé à combler les lacunes encore présentes dans la connaissance du trésor à partir de 1802 lorsque le Premier Consul Bonaparte décide la restauration du culte à Notre-Dame de Paris.


Jean-Louis Périgne-Desmarais dit Desmarais (1751-1817), Chape de l'ornement du sacre de Napoléon Ier, drap façonné à fond d'or broché, soie polychrome, cannetille, satinette, 1804, cathédrale Notre-Dame de Paris, DRAC d'Ile-de-France

À ce titre, l’exposition dont la scénographie à la lumière tamisée est loin d’être déplaisante montre la manière dont les objets du culte de Notre-Dame sont associés à l’histoire de la cathédrale mais aussi à celle de la France. Plus qu’un simple éclaircissement sur le lien spécial qui s’était tissé entre l’Eglise de Paris et les autorités d’Ancien Régime, les commissaires cherchent avec succès à nous montrer comment le trésor a été un outil du pouvoir politique durant tout le XIXe siècle. De nouveau saccagé au début de la Monarchie de Juillet, le trésor avait auparavant été au cœur de la cérémonie du sacre de Napoléon Ier avant d’être réemployé par la Restauration dans l’optique d’asseoir le retour des Bourbon au pouvoir.


Autre point fort du propos de l’exposition : l’étude du travail d’Eugène Viollet-le-Duc concernant la reconstitution du mobilier de la cathédrale dans les années 1850. Non seulement une bonne partie des exceptionnels reliquaires et objets servant au culte sont exposés mais ils sont aussi mis en relation avec les extraordinaires dessins aquarellés réalisés par Viollet-le-Duc dont le principal souci était de s’inspirer de l’ancien trésor d’avant la Révolution sur lequel il s’était documenté tout en imaginant de véritables créations originales. L’intérêt de cette partie finale que propose la quatrième salle de l’exposition dans la Petite Galerie est aussi de rappeler que la reconstitution du trésor de Notre-Dame, au même titre que la restauration de l’édifice, est le véritable moment d'amorce des réflexions scientifiques sur la connaissance de l’histoire de la cathédrale.


Reliquaires des fragments de la Vraie Croix, argent, XVIIIe siècle, cathédrale Notre-Dame de Paris, DRAC d'Ile-de-France ©Aurélien Delahaie

L'objectif de reconstituer une image la plus précise possible d'une collection en partie perdue est toujours un excellent moyen de livrer un propos attrayant pour la science et pour le public. Le principe même d'une telle exposition oblige en effet à une véritable enquête policière autour des objets pour lesquels on découvre des pans d'histoires méconnus. Le Louvre se place ainsi dans le filon scientifique déjà exploité par exemple dans un autre registre pour l'exposition du musée de la Légion d'honneur sur les effets personnels de Napoléon pillés par les Coalisés dans sa berline après la bataille de Waterloo en juin 1815.


Rosso Fiorentino (1494-1540), Projet du bâton cantoral de Notre-Dame, dessin à la plume et encre brune, lavis brun et jaune ; inscription paraphée par deux notaires, 1538, collection particulière ©Aurélien Delahaie

Missel à l'usage de l'Église de Paris, manuscrit sur parchemin, vers 1404-1405, Bibliothèque nationale de France ©Aurélien Delahaie

Thomas Germain (1673-1748), Projet pour l'ostensoir de Notre-Dame, dit le "petit soleil", plume et encre noire, lavis gris, sur papier plié et contrecollé, 1716, Beaux-Arts de Paris ©Aurélien Delahaie


Evoquer un ensemble d’orfèvrerie et de manuscrits précieux en partie disparu au cours de l’histoire en l’espace de quatre salles semblait être une gageure mais il a finalement forcé à synthétiser le propos pour le rendre clair là où le risque était de s’engager dans des explications complexes. L’environnement clos et confidentiel de la Petite Galerie a permis en outre de restituer l’ambiance d’un authentique trésor d’église, ce qui n’aurait peut-être pas été le cas dans les habituels espaces d’exposition temporaire très modernes. Saluons enfin le retour d’une exposition avec une vraie plus-value dans le propos que les spectateurs avaient un peu perdu dernièrement à l’occasion de la grande exposition sur « les Choses » qui n’avait eu pour mérite que de rassembler de magnifiques chefs-d’œuvre tout en peinant malheureusement à les exploiter dans un discours scientifique construit. Le Trésor de Notre-Dame a donc renoué avec un travail de qualité dans cet excellent musée qu’est le Louvre et dont on ne doutait pas de la capacité à proposer une étude patrimoniale de qualité pour son public.


Jean-Alexandre Chertier (1825-1890), d'après Eugène Viollet-le-Duc (1814-1879), Chrémier en forme de colombe, argent doré, émail champlevé, 1866, cathédrale Notre-Dame de Paris, DRAC d'Ile-de-France ©Aurélien Delahaie


 

Le Trésor de Notre-Dame. Des origines à Viollet-le-Duc, une exposition à découvrir au musée du Louvre jusqu'au 29 janvier 2024. Plus d'informations en cliquant ici

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