Lieu atypique de la scène culturelle toulousaine, le Musée de l'Affiche de Toulouse propose depuis le 7 mai dernier une exposition consacrée à l'affichiste italien Leonetto Cappiello. Limitée par l'espace, la seule institution de France consacrée uniquement aux affiches publicitaires renouvelle ainsi ses expositions temporaires afin de présenter ses fonds au public. Plus qu'un individu, c'est l'art graphique dans son ensemble que la programmation estivale met donc en lumière.
Né à Livourne en 1875 et mort en 1942 à Cannes, Leonetto Cappiello incarne l'âge d'or de la publicité sur affiches. En effet, dans la seconde moitié du XXe siècle, le développement de la radio puis l'apparition de la télévision et la diversification des techniques d'impression rendent obsolètes les campagnes d'affichage publicitaire. Quelques décennies auparavant, Leonetto Cappiello hisse pourtant celles-ci au rang d'art.
Cappiello effectue la quasi-totalité de sa carrière en France, s'étant installé à Paris en 1898. Caricaturiste à ses débuts, il connaît un immense succès en tant qu'affichiste publicitaire notamment avec son travail pour les apéritifs Cinzano en 1910. Il n'hésite alors pas à bousculer les codes graphiques de l'époque à grand renfort d'aplats de couleur et de figures immédiatement reconnaissables, en l’occurrence un zèbre rouge, pour imprimer dans l'esprit du consommateur « l'image de marque ».
Avant l'intervention de l'artiste italien, une publicité vantait en effet les mérites d'un produit ou d'un service au moyen d'illustrations les plus fidèles possibles dudit sujet de la publicité, éventuellement assorties d'arguments les plus convaincants possibles vantant les mérites du produit en question. Par exemple, une affiche publicitaire pour une tablette de chocolat se devait de faire figurer au premier plan le cacao tel qu'il était réellement dans son emballage, sans aucun artifice. Avec Cappiello, ce modèle de représentation s'écroule au bénéfice de sa fameuse "image de marque". Il est ainsi l'un des tous premiers à la conceptualiser et à la diffuser au plus grand nombre. Dès 1903, son écuyère montant un cheval rouge en robe verte frappe les esprits et s'impose comme l'égérie des chocolats Klaus, n'ayant pourtant aucun lien avec le monde de l'équitation ni de la couture. Ici pas de cacao ni de doigts d'enfants tâchés de chocolat, mais le succès est pourtant au rendez-vous.
Leonetto Cappiello délaisse d'ailleurs rapidement ses caricatures pour se consacrer exclusivement aux affiches publicitaires. Les commandes se succèdent et les innovations graphiques avec. Son travail est même admiré et commenté par les professionnels du design, à l'instar du français Jacques Viénot qui dira en ces termes "Il y a le cirque, la ménagerie de Cinzano, il y a surtout la noblesse de ce personnage impérial partant à la conquête du monde et brandissant comme pour la charge, le produit le plus précieux".
Si les personnages de Cappiello s'impriment si facilement sur les affiches publicitaires et les rétines des passants, c'est en grande partie grâce à leurs couleurs vives. L'artiste n'hésite pas à utiliser des tons rouge, orange, vert afin de capter immédiatement l'attention du passant. Une fois encore, ce choix surprend et détonne au milieu des publicités dites réalistes du début du siècle. Outre l'usage de tons chauds, le style de Cappiello se caractérise également par des courbes fines, ses fameuses arabesques. L'artiste considérait d'ailleurs l'arabesque comme "la structure essentielle" de ses affiches.
Une affiche résume à elle seule l'essence du talent de Cappiello: celle réalisée pour les chocolats Poulain. 1911 marque le début de la collaboration de Cappiello avec l'entreprise. L'artiste hisse son concept d'image de marque à son paroxysme, en associant le patronyme des fondateurs et propriétaires de la firme à celui de l'animal. Un jeu de mots osé qui marque une étape discrète mais essentielle dans l'histoire balbutiante du marketing. Sur l'image, la tablette de cacao est cantonnée au second-plan, éclipsée par la silhouette orange du poulain se détachant sur le fond bleu-vert et qui semble traverser l'affiche. L'impression de mouvement est saisissante, renforcée par l’attitude statique de la petite fille qui regarde passer l'animal. Avec cette création, Leonetto Cappiello contribuera même sans le vouloir à l'amélioration de la protection des droits d'auteur du milieu en remportant en 1921 un procès contre le chocolatier qui avait modifié et diffusé son affiche sans son consentement.
En fin de compte si l'oeuvre de Cappiello peut sembler datée à première vue, elle révèle en réalité des intentions esthétiques résolument précurseurs en ce début de XXe siècle. Illustre représentant d'un support publicitaire réduit aujourd'hui à orner les murs de salles de musée et des collectionneurs, Leonetto Cappiello aura pourtant été l'un des pionniers du marketing moderne. Cette exposition au MATOU est donc une belle occasion d'en prendre conscience.
Antoine Bouchet
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Du 07 mai 2019 au 5 janvier 2020
MATOU - Musée de l'Affiche de Toulouse
Horaires: de 10h à 18h du mardi au dimanche
Tarifs d'entrée: 2€
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