Par Antoine Bouchet
L’exposition Kimono qui se tient depuis le 22 novembre et jusqu’au 28 mai au musée du quai Branly - Jacques Chirac arrive bientôt à son terme. Coupe-File Art revient sur le coup de projecteur donné par l’établissement parisien au célèbre vêtement traditionnel japonais.
Près de 200 kimonos sont présentés au public parisien depuis près de 3 mois au musée du quai Branly - Jacques Chirac. L’exposition se tient sous le commissariat d’Anna Jackson et de Joséphine Rout, toutes deux conservatrices au Victoria and Albert Museum de Londres où elle fut imaginée en 2020. Julien Rousseau, le responsable de l’unité patrimoniale de l’Asie, a eu la charge d’adapter l’exposition pour le musée du quai Branly en tant que référent scientifique. Le parcours s’intéresse aux origines du kimono. Puis elle explore son voyage à travers le monde et enfin les raisons de la pérennité de son succès, grâce à la pop culture et à sa réinterprétation par des artistes contemporains.
Le Kimono au Japon
Le visiteur est emmené à l’ère Edo, période de stabilité et de développement pour l’archipel nippon entre 1603 et 1868. Le kimono y est alors appelé kosode (petites manches) et devient un marqueur social à l’heure de l’ukiyo (le monde flottant). Ce terme désigne l’atmosphère légère de l’ère Edo où fleurissent les divertissements et un certain érotisme. Les tenues conservées aujourd’hui sont les plus luxueuses, celles commandées sur mesure par les clients fortunés tandis que les classes populaires cousent elles-même leurs kimonos.
Avec ses coutures droites fermées et sa ceinture (obi) que l’on noue à sa taille, le kimono est porté par les deux sexes et l’ensemble des classes sociales japonaises. La coupe du vêtement a peu d’importance puisque le corps n’est pas valorisé dans la culture nipponne. Ce sont les couleurs, les motifs et la technique de fabrication qui permettent de nous renseigner sur les préférences et le statut de celui qui le porte. On apprend au cours de l’exposition que si ce sont les marchands qui ont popularisé le kimono au pays du soleil levant, les militaires haut placés commandent aux plus luxueux. Ces shoguns promulguent plusieurs lois pour encadrer les tenues jugées trop ostentatoires. La couleur rouge évoque ainsi l’érotisme et sera censurée. Mais la mode se développe et s’exporte désormais à travers les estampes, très prisées des occidentaux.
Le kimono autour du monde
À la fin du XIXe siècle, cela fait plusieurs décennies que la Compagnie néerlandaise des Indes orientales commerce déjà dans un pays longtemps fermé au monde extérieur. Les Hollandais importent ainsi en Europe les premiers kimonos qui connaissent un vif succès à Paris, Londres et Berlin. Mais l’ouverture progressive du Japon aux échanges internationaux bouleverse l’économie du kimono, dont la production s’industrialise pour satisfaire une demande toujours plus importante.
L’influence est réciproque. La Compagnie des Indes irrigue l’archipel des tissus européens, qui intègrent alors la fabrication des kimonos. On appelle sarasa ces cotons aux motifs colorés d’Asie, qui sont utilisés au Japon pour confectionner alors des wa-sarasa. En Occident, les kimonos japonais sont principalement utilisés dans le cadre domestique, influençant les robes de chambre modernes.
L’afflux des Occidentaux à compter des années 1850 influence la façon de s’habiller sur l’archipel. Les hommes délaissent le kimono pour le costume deux-pièces à l’européenne. Ce sont les femmes qui continuent de porter le vêtement traditionnel, dont la gamme de couleurs a considérablement augmenté avec l’apparition du synthétique. Après la Seconde Guerre mondiale, le kimono devient un marqueur de l’identité nationale, de nouveau réalisé avec la technique artisanale japonaise du tissage. Le vêtement est de plus en plus régulièrement porté comme tenue de cérémonie.
Le kimono transformé
La troisième et dernière partie de l’exposition propose un tour d’horizon des interprétations les plus contemporaines du kimono. L’artiste japonais Moriguchi Kunihiko découpe ainsi des motifs dans du papier avant de les coller à un kimono à l’aide d’une pâte de riz. Le plasticien a été nommé Trésor national vivant en 2007.
Plusieurs pièces remarquables émaillent la visite. Au détour de l’exposition les visiteurs peuvent ainsi admirer un kimono porté par le chanteur du groupe Queen Freddie Mercury. Quelques mètres plus loin, on découvre le costume de la reine Apailana de Star Wars pour lequel l’inspiration du kimono est évidente. Avec ses longues manches et sa ceinture nouée, la tenue se ferme du côté gauche sur le côté droit à la façon d'un kimono. Enfin, l'œuvre du designer nigérian Duro Olowu achèvera d’étonner le spectateur. L’homme associe le kimono à un vêtement typique de son pays de naissance, le yoruba. Ses tenues à plusieurs coloris détonnent avec les teintes souvent unies des kimonos traditionnels.
Un temps éclipsée par le succès de sa consœur Black Indians de la Nouvelle-Orléans, l’exposition Kimono offre un panorama complet sur l’histoire du vêtement traditionnel japonais et invite le public à s’intéresser à ses formes les plus contemporaines.
Kimono
22 novembre 2022 au 28 mai 2023
Musée du quai Branly - Jacques Chirac
37 Quai Branly - 75007 Paris
Tarif d'entrée : 9 à 12€
Uniquement sur réservation
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