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Le végétal au cœur de l’œuvre d’Armand Scholtès (1935-2023)

L'article du mois : nous publions de manière mensuelle l'article d'un rédacteur invité.


Par Nicolas Scholtès


Armand Scholtès (1935-2023) s’étonnait quotidiennement, particulièrement durant les dernières années de sa carrière, du miracle qui lui avait permis de bâtir une œuvre aussi prolifique, lui que rien ne prédisposait à s’aventurer dans cette grande promenade du regard aiguisé qu’est la création artistique.


Armand Scholtès (1935-2023) au travail

Une jeunesse placée sous le signe du monde industriel


Né en 1935 à Moyeuvre-Grande, en Moselle, Armand Scholtès a grandi dans un milieu ouvrier. Il s’est retrouvé plongé en 1949, à l’âge de 14 ans, dans le monde industriel, à l’usine sidérurgique de Moyeuvre-Grande. Durant deux ans, il occupa la fonction de commissionnaire, apportant le courrier et les informations aux différents bureaux et ateliers de l’usine. Symboliquement, c’est grâce à sa première paie qu’il est parvenu à s’acheter son premier chevalet, sa première boîte de peinture et sa première toile. Au milieu des années 1950, à la suite de son mariage, tout en conservant son emploi d’ouvrier qualifié dans le service électricité de l’usine de Moyeuvre-Grande, il quitte son environnement industriel d’origine pour aller s’installer à Briey, commune située à une dizaine de kilomètres de sa ville natale, dans un cadre plus campagnard ; ce qui l’amènera à éprouver ses premières émotions face à l’étonnante beauté du milieu naturel, principalement forestier, qui entoure cette petite ville de Moselle. Ce n’est toutefois véritablement qu’à partir du milieu des années 1970 que les structures naturelles deviendront les principaux sujets de l’œuvre d’Armand Scholtès.



Du surréalisme à la sublimation du végétal


Au cours des années 1960, l’artiste développe un travail que l’on peut qualifier de surréaliste, mâtiné de préoccupations sociétales et de réflexions sur la condition humaine. Ainsi en est-il de tableaux où figurent des vêtements multicolores d’où ne sortent ni têtes ni mains, ou de toiles oniriques représentant de petits personnages fantomatiques.


Sans titre, 1962, huile sur bois

La décennie 1970 marque une rupture dans son processus créatif, avec d’une part l’abandon de la peinture de chevalet au profit d’un travail sur toile libre, plus précisément sur tissu de coton, et d’autre part l’apparition de la nature comme acteur central de son œuvre. Le choix de la toile libre s’effectue pour l’artiste, à la fois pour des raisons financières voire écologiques, mais également parce qu’il lui permet d’allier intimement la matière et la couleur du tissu et de travailler sur de très grands formats. Dans une série de toiles libres datant de la fin des années 1970 et du début des années 1980, le plasticien s’attache particulièrement à représenter les feuilles, de manière surdimensionnée, comme si elles symbolisaient l’arbre en lui-même.


Il porte un intérêt tout particulier à la façon dont ces feuilles sont structurées, ce dont témoigne la méticulosité avec laquelle sont représentées les nervures. La feuille peut être considérée comme un topos de l’œuvre d’Armand Scholtès, au même titre que l’arbre, tel que nous le verrons plus loin. Ainsi, dans une série d’une quarantaine de dessins datant de 1995, l’artiste compose un recueil, une sorte de « répertoire » personnel des différentes formes de feuillages qu’il a pu observer dans la végétation méditerranéenne qui l’environne désormais.



Grande feuille, 1980, enduits et acrylique sur tissu, 287 x 207 cm

Feuille, 1995, dessin issu d’une série de 41 œuvres


Il convient ici d’attirer l’attention sur l’importance du principe de la série dans l’œuvre d’Armand Scholtès, qui permet à l’artiste d’explorer toutes les facettes d’un même sujet, qui fait l’objet de multiples déclinaisons dans de nombreux carnets. Il est particulièrement intéressant d’observer la métamorphose continuelle qui se produit au sein d’une même série. Certaines des toiles évoquées précédemment ont fait l’objet d’une présentation assez atypique, en 1984, au sein de la forêt de Moyeuvre-Grande. Grâce à cette installation, les œuvres sont entrées en résonance directe avec l’environnement naturel, qui est leur sujet principal. Par la suite, Armand Scholtès a réitéré ce type de mise en situation de ses toiles libres dans d’autres paysages. Ainsi en est-il de la présentation effectuée en 1996 sur les rochers du cap de Nice.




Une création à l’épreuve du paysage des Alpes-Maritimes


Dessin issu de la série Tracéologie, 2006, encre et aquarelle sur papier, 32 x 24 cm

L’installation de l’artiste à Nice en 1986 provoque une nouvelle rupture dans son œuvre, marquée principalement par la découverte du paysage montagnard des vallées de l’arrière-pays niçois, et plus particulièrement des formations rocheuses qui le caractérisent. A l’instar de ce qu’il a pu élaborer pour le feuillage, l’artiste entreprend, à partir de la fin des années 1980, un travail destiné à rendre compte de la prodigieuse complexité de la structure des blocs rocheux, qui culmine avec une série de dessins rehaussés à l’aquarelle, intitulée Tracéologie, réalisée en 2006


Armand Scholtès conçoit aussi des installations où les œuvres créées de sa main sont complétées par des prélèvements dans la nature. En Lorraine : lianes, branches, troncs d’arbre ; sur la Côte d'Azur : laisses de mer sur le rivage, roches et bois en montagne. Ces éléments naturels font parfois l’objet d’ajouts picturaux ou de combinaisons entre eux.



Parallèlement à ses « promenades du regard » au sein de l’arrière-pays niçois et du bord de mer, Armand Scholtès se livre également à une exploration de son environnement citadin. Structures des fissures et failles des trottoirs, et surtout présence végétale souvent éphémère, telles les feuilles mortes du boulevard qui borde son atelier, donnent lieu à une série de grandes aquarelles, émouvantes et poétiques. De même, il éprouve une véritable fascination pour l’architecture des arbres, dont l’exemple le plus représentatif est le gigantesque araucaria qui se trouve dans son jardin, à portée de vue de sa table de travail. Cet araucaria donnera lieu à plusieurs séries de dessins, proposant des déclinaisons autour des cônes bruns, caractéristiques de ce conifère.


Sans titre, 1998, aquarelle sur papier, 50,5 x 65 cm

L'artiste au travail dans son jardin

Sans titre, 2017, encre sur papier


Durant les dernières années de sa vie de recherche, Armand Scholtès propose à travers une série d’une centaine d’œuvres sur carton, caractérisées par une grande liberté au niveau de la composition et de l’usage des couleurs, une synthèse de ses expérimentations antérieures, autour de l’architecture des végétaux.



 

Pour en savoir plus sur le parcours créatif d'Armand Scholtès, rendez-vous sur le site internet consacré à l'artiste : https://www.armandscholtes.com

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