De nombreuses résonances existent entre la photographie et le cinéma. Leur support en premier lieu, qui fut pendant de nombreuses années identique, tous deux ayant utilisé le nitrate puis l'acétate de cellulose. Leur histoire évidemment ensuite, le cinéma découlant des avancées scientifiques de la photo, notamment sur les améliorations de l’instantanéité. On pense aux photographies de Muybridge ainsi qu’aux chronophotographies d’Étienne-Jules Marey, et enfin à leur périple mutuel afin d’être reconnus comme des arts à part entière. De nos jours, certains artistes cherchent à lier toujours plus le cinéma et la photo, et ce par des moyens divers. C’est le cas de Luc Roux, spécialiste des photographies de cinéma, à qui est dédiée la nouvelle exposition de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé. Retour sur cette exposition certes modeste mais très riche, et ce d’autant plus par sa conception faite de concert avec le photographe lui-même.
De gauche à droite : Monica Bellucci, Le Crillon, Paris © 1996 - Luc Roux et Gérard Depardieu, ©Luc Roux
D’abord étudiant aux Beaux-Arts d’Avignon, Luc Roux débute sa carrière professionnelle dans le magazine de cinéma Première. Il y est d’abord reporter-pigiste sur des tournages ou bien pour le Festival de Cannes. Une fois ses « preuves » faites, il est définitivement intégré dans l’équipe en 1983. Il commence alors à signer les couvertures du magazine, comme sa première dédiée à l'équipe du film Papy fait de la Résistance (Poiré, 1983). Il fait ses premiers shootings avec Isabelle Adjani et continue d’accompagner parfois les tournages, abandonnant alors pour quelques mois le magazine, comme pour Subway de Luc Besson (1985).
Puis, en 1987, il participe à la création de l’aujourd’hui très célèbre magazine Studio, avec Marc Esposito et Jean-Pierre Lavoignat. Un axe très important de la ligne éditoriale du magazine est de proposer des clichés de cinéma de grande qualité. Luc Roux en sera le photographe attitré pendant deux décennies.
En parallèle de Studio, pour lequel il signe de nombreuses couvertures ainsi que des shootings pour des interviews, il continue d’être engagé comme photographe de plateau. Il témoigne ainsi des coulisses de La Reine Margot (Chéreau, 1994), dont l’une de ses photos, réalisée dans une session improvisée avec Isabelle Adjani, deviendra l’affiche du film. Luc Roux signe de nombreuses autres affiches, comme Sous le soleil de Satan (Pialat, 1987) avec Gérard Depardieu, mais aussi La Petite Voleuse (Miller, 1988). Il obtient d’ailleurs pour ce film le César de la meilleure affiche en 1989, catégorie pour laquelle les prix ne furent décernés qu'entre 1986 et 1990. Véritable passion pour Luc Roux, il abandonne alors Studio en 2004 pour se consacrer entièrement aux photographies de plateau.
L’exposition permet de mieux appréhender, au-delà bien sûr de l’impressionnante carrière de Luc Roux, le métier de photographe de cinéma dans toute sa diversité. À travers une scénographie intelligente mettant en relation de nombreuses épreuves avec les couvertures définitives ainsi que des extraits de films, nous comprenons la virtuosité de l’artiste, qui doit parvenir à capter à la fois la sensibilité des acteurs et témoigner de la réalité d’un tournage tout en laissant sa patte personnelle, et ce dans un contexte généralement haletant du milieu du cinéma et de la réalisation d'un film. L’exposition présente aussi ses nombreux accessoires ; cartes d’accréditation, pellicules et appareils photographiques par dizaines, mais aussi le « Blimp », dispositif enfermant un appareil photo afin de faire des photographies silencieuses pendant les tournages. En parallèle des photographies et appareils, un court documentaire présente de façon touchante Luc Roux, nous confiant les histoires cachées derrière quelques-unes de ses photographies, comme celle de la jeune Charlotte Gainsbourg dans les rues de New York, issue d'une séance improvisée avec l'actrice lorsque le photographe la rencontra par hasard dans un hôtel américain, dans lequel il attendait de shooter une autre actrice.
Chez Luc Roux, l'amour du cinéma est réellement au cœur des photographies, qui rendent compte de plusieurs générations d’acteurs, réalisateurs, ainsi que de leur évolution. Il réaffirme la préciosité et la nécessité du métier de photographe de cinéma, qui donne à voir une autre richesse, un autre point de vue sur un film ou sur un acteur. Rare mise en lumière de l'un de ces « métiers de l’ombre » du septième art, nous ne pouvons que vous recommander d'aller voir cette exposition.
Luc Roux, le cinéma au cœur. Des années Studio aux plateaux de tournage
Jusqu’au 4 mars 2023
À la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé
73 avenue des Gobelins, 75013 Paris
www.fondation-jeromeseydoux-pathe.com