top of page

Sélection de dessins aux enchères chez Christie's et Ader


L’avant-dernière semaine de mars est, à Paris, synonyme d’effervescence pour le secteur du marché de l’art. En parallèle du Salon du dessin, référence mondiale attirant des collectionneurs du monde entier, les maisons de vente organisent des ventes d’importance. L’occasion est donc parfaite pour revenir sur quelques-uns des plus beaux lots de cette fin du mois.


Une feuille de Rubens chez Christie’s Paris : 22 mars


© Antoine Lavastre

Après avoir présenté en 2022 une feuille de Michel-Ange, Christie’s récidive cette année par la mise en vente d’un dessin d’une autre figure du panthéon artistique occidental : Pierre-Paul Rubens.


L’artiste représente sur ce papier à trame épaisse – dit papier bis – un homme assis, penché vers l’avant. L’attention portée aux plis du vêtements, marqués notamment par l’ombrage et les rehauts de blanc, par rapport au visage plus esquissé, bien que brillamment rendu, semble attester qu’il s’agit avant tout d’une étude de drapé. Réalisé sans doute d’après le modèle vivant, ce type de composition devait servir au maître dans la préparation de ses oeuvres peintes même si, malheureusement, cette feuille n’a pu être liée à une peinture conservée. Nous y retrouvons tout de même l’impression générale de monumentalité propre aux dessins de Rubens. Comme souvent chez lui, les figures semblent contraintes par le cadre, toujours trop grandes par rapport à des feuilles de formats pourtant importants.


© Sotheby's

Très rares sur le marché, ces grandes feuilles de Rubens, datées des années 1610-1620, sont particulièrement recherchées. La dernière, passée chez Sotheby’s en 2019, préparatoire à l’Élévation de la croix de la cathédrale d’Anvers s’est ainsi envolée à 8 202 000 $. D’importance et de qualité moindre, le dessin de Christie’s est lui estimé pour une somme beaucoup plus raisonnable, soit 250 000-300 000 €.









Néanmoins, cette feuille a comme avantage d’être quasiment inédite. Comme nous l’a confirmé Stijn Alsteens, Directeur International aux Dessins Anciens de Christie’s, si ce dessin était connu des spécialistes comme l’atteste la littérature, il semble n’avoir jamais été montré depuis son achat par le collectionneur hollandais Joannes de Clercq (1842-1867) l’année même de sa mort lors de la vente Herman de Kat à Amsterdam. Sa présentation et sa vente sont donc l’occasion parfaite d’enfin admirer cette œuvre avant qu’elle ne disparaisse à nouveau, peut-être, pour encore de longues décennies.


© Christie's


Dans la même vente, il faut également remarquer pour les dessins anciens un portrait de jeune homme à la collerette par le Romain Ottavio Leoni, assez caractéristique de sa manière délicate (lot 16, est. 5-7 000 €), et le beau caprice architectural de Charles de Wailly jouant par un cadrage audacieux sur un motif inspiré du baldaquin du Bernin en la basilique Saint-Pierre de Rome (lot 56, est. 10-15 000€). Enfin, pour les dessins modernes, la feuille de Gustave Doré illustrant le Corbeau d’Edgar Allan Poe devrait attirer les amateurs, en particulier anglo-saxons (lot 92, 50-80 000 €), tandis que les quatre dessins de Fernand Knopff ont l’intérêt, en plus de leur beauté, d’avoir conservé leur encadrement original établi par l’artiste lui-même, soit une étrange superposition de cadres (lot 93, 200-300 000 €).


L’œil de Talabardon et Gautier chez Ader : 21 et 23 mars


Les 21 et 23 mars, la maison de vente Ader dispersera, à l'hôtel Drouot, une partie du fonds de la célèbre galerie parisienne Talabardon et Gautier avec près de 150 peintures (le 21 mars) pour autant de dessins (le 23 mars). Parmi ces derniers, quelques chefs-d’œuvre majeurs seront ainsi dispersés.


© Ader

C’est d’abord le cas du Poète Persan de Gustave Moreau, merveilleuse aquarelle dans un format étiré en hauteur, signée en bas à gauche par l’artiste. Le peintre y figure un cavalier sur un cheval blanc, aux parures bleues et vertes, recevant l’inspiration d’un ange aux ailes rouges et au long drapé bleu. L’œuvre, tout en étant caractéristique de la parfaite maîtrise de la technique par l’artiste, constitue l’une de ses plus belles compositions. Tout est équilibre, légèreté. Moreau évoquant, par la délicatesse du traitement, la douceur du rêve et de la poésie. Régulièrement présentée lors des différents salons auxquels la galerie avait l’habitude de participer, cette aquarelle devrait enfin prendre son envol vers un chanceux collectionneur (Lot 259, 150-200 000 €).


© Ader

C’est ensuite un fusain de Paul Gauguin qu’il faut mentionner. Il s’agit d’un portrait du poète Jean Moréas accompagné d’un putto et de deux inscriptions : « Soyez symbolistes » et « les Cantilènes ». Moréas est considéré comme le père du symbolisme, mouvement artistique de la fin du XIXe siècle auquel il impose ce nom dans son Manifeste paru dans Le Figaro en 1886. Cet art se caractérisant par une mise en avant du monde des idées et du rêve touche aussi bien la littérature que les arts visuels dont la peinture. Moréas en est ainsi l'un des chefs de file poétiques, avec notamment son poème les Cantilènes tandis que Gauguin joue un rôle similaire pour la peinture. Ce petit dessin montre ainsi l’union des deux mondes vers une conception artistique semblable, une œuvre majeure donc pour saisir l’histoire de ce mouvement (Lot 260, 150-200 000 €).

© Ader

De moindre importance, mais également d’une grande beauté, vient enfin une feuille d’Edgar Degas qui saura ravir les amateurs par son sujet. L’artiste y représente en effet l’un des parangons de l’art occidental : l’Esclave mourant de Michel-Ange. Témoignant des nombreuses sessions de travail de l’artiste au Louvre entre 1853 et 1879, ce beau dessin atteste qu’au XIXe siècle, que l’on soit peintre académique ou artiste de la vie moderne, on ne pouvait se passer des visites de musées et des études d’après les maîtres (lot 256, 12-15 000 €).



 

Mise à jour de l'article avec les prix d'adjudication


Vente Christie's (prix frais compris) :


La feuille de Rubens a atteint son estimation haute puisqu'elle a été vendue pour 378 000 €.

Le caprice d'après le Baldaquin de Saint-Pierre par Charles de Wailly a lui été emporté pour 26 460 € tandis que le beau portrait d'Ottavio Leoni a trouvé preneur contre 25 200 €.

Le montage des quatre dessins par Fernand Kopff a obtenu le plus haut prix de la vente avec près de 478 800 €.

Enfin, la belle surprise est la préemption par le Musée d'Orsay du dessin de Gustave Doré qui rejoint donc les collections nationales contre 94 500 €.


Vente Ader (prix hors frais) :


La belle aquarelle de Gustave Moreau a eu une certaine peine à trouver son public puisqu'elle a été emportée pour la somme de 145 000 €, soit moins que son estimation.

Le cas du dessin de Gauguin est encore plus dommageable car celui-ci a été ravalé, faute d'enchères suffisamment importantes.

Néanmoins, une bonne nouvelle se dégage avec le très beau dessin de Degas qui rejoint les collections du Musée du Louvre contre la somme de 45 000 € (hors frais).



Post: Blog2_Post
bottom of page