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Un portail pour la Cathédrale de Metz


« Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir, le réparer ou le refaire, c’est le rétablir dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé » Eugène Viollet-le-Duc.

Anonyme, Portail Blondel, fin XIXe siècle, photographie tirée de Cahier Tornow, Livre VII B1 © Metz, unité départementale de l’Architecture et du patrimoine.

La Cité de l'architecture et du patrimoine consacre, jusqu'au 12 novembre, une exposition-dossier au portail de la cathédrale de Metz. Photos et documents à l'appui, elle est l'occasion de revenir sur l'histoire mouvementée de cette pièce architecturale.


Symbole de toute une ville, la cathédrale Saint-Etienne se dresse fièrement depuis plus de sept siècles au centre de Metz. Avec des voûtes culminant à 42 mètres, cet impressionnant vaisseau en pierre est l’un des plus hauts édifices gothiques de France.

Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, la bâtisse ne possède cependant pas d’entrée principale sur sa façade occidentale. Différentes campagnes d’agrandissement l’ont fait rencontrer d’autres édifices, notamment l'église Notre-Dame la Ronde. Après l'absorption de cette église par le géant de pierre, l’entrée se fait coté sud, par un modeste portail, le massif occidental se heurtant toujours à d’autres édifices.


République à partir de 1234, la ville de Metz est placée, en 1552, sous protectorat royal français. Ce rattachement est officialisé en 1648. Dès lors, le pouvoir royal cherche à franciser les constructions. La ville se modernise considérablement. Les abords de la cathédrale sont dégagés. La voie est donc maintenant libre, après des siècles d’obstruction.


En 1740, Louis XV tombe gravement malade dans la cité et échappe de peu à la mort. Après une guérison miraculeuse bientôt nommée « l'épisode de Metz », il décide de prendre à sa charge une partie de l’édification d’un monumental portail d’entrée pour la cathédrale. La « Lanterne du Bon Dieu » se voit alors flanquée d’un portail classique réalisé par Jacques-François Blondel, ode au monarque de par sa dédicace. Des arcades sont également élevées le long de l’édifice.


Le projet de Blondel reste cependant inachevé à l'issu de la Révolution. Des voix s'élèvent bientôt en faveur de la destruction de ces ajouts trop classiques, trop blondéliens. Les travaux de Viollet-le-Duc sur la cathédrale Notre-Dame de Paris dans les années 1840 amènent en effet l’idée d’une « regothisation » de la Cathédrale.



Le portique de Blondel en cours de démontage, 1898, photographies d’après négatif sur verre au gélatinobromure d’argent, 16,6 x 11,6 cm © Metz, unité départementale de l’Architecture et du patrimoine.

Après la défaite française de 1870, les autorités allemandes souhaitent germaniser l’Alsace-Moselle, territoire fraîchement annexé. De par son passé artistique et culturel, Metz devient la « Neue Stadt ». Le Kaiser Guillaume II commande alors à Paul Tornow un nouveau portail. Après une destruction minutieuse des ajouts de Blondel et cinq années de travaux, le nouveau portail néogothique est achevé.


Guillaume II en prophète Daniel ©N.B

Du point de vue iconographique, Tornow a eu l’audace de se faire représenter sur l’une des consoles (comme a pu le faire Viollet-le-duc sur Notre-Dame de Paris), comme sortant de la Végétation. L’empereur Guillaume II, quant à lui, prête ses traits à une statue monumentale du prophète Daniel. Blondel rendait hommage à Louis XV, Tornow rend hommage à Guillaume II.



Anonyme, Portail Tornow, fin XIXe siècle, photographie tirée de Cahier Tornow, Livre VII B3, © Metz, unité départementale de l’Architecture et du patrimoine.

Débarrassée de ses éléments classiques, la cathédrale se voit donc offrir une entrée gothique s’inspirant des cathédrales françaises certes, mais aussi des cathédrales allemandes du gothique tardif ou Spätgotik. La cathédrale de Strasbourg, symbole d’une nation allemande en devenir pour le 2e Reich, apparaît être une inspiration de choix.

Le portail Tornow est inauguré en grande pompe à l’aube de l’année 1903. Le Kaiser et toute sa cour y sont présents.

Il apparaît véritablement qu’au travers d’un élément précis d’architecture, d’une rhétorique architecturale pour reprendre le terme de l’exposition, le 2e Reich souhaite amputer une part de la culture française, la germanisation se poursuivant dans la cité messine par la destruction des remparts médiévaux et l’édification d’un nouveau quartier impérial.



Cette courte mais captivante exposition-dossier questionne donc le lien entre architecture et pouvoir ou comment manipuler l’art, l’architecture dans une optique de destruction culturelle. Guillaume II ayant souhaité enterrer une partie de l'héritage français, il fallait un geste fort : s'attaquer à la Lanterne du bon Dieu.

 

Jusqu'au 12 novembre 2018

Cité de l'architecture et du patrimoine

1 Place du Trocadéro, 75016 PARIS


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