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Une souscription pour la restauration d’un Christ et la Samaritaine


C’est une redécouverte qui a fait l’effet d’une petite révolution à Saint-Cornier-des-Landes, petite localité aujourd’hui comprise dans la commune de Tinchebray-Bocage dans l’Orne, en Normandie. Une peinture remarquable du XVIIIe siècle d’après La Samaritaine de Philippe de Champaigne y a été retrouvée durant l’été 2022 par Elisabeth Barrière, une habitante du village. Après quelques recherches sur son histoire, cette dernière a fait réapparaitre la toile avec l’aide de la mairie, après plus de cent ans d’oubli dans le clocher de l’église. En cette fin du mois de mars, la Fondation pour la sauvegarde de l’art français lance une souscription pour rendre son éclat à cette œuvre, sévèrement abimée par le temps.


Philippe de Champaigne (d'après), Le Christ et la Samaritaine, huile sur toile, XVIIIe siècle, église de Saint-Cornier-des-Landes © Elisabeth Barrière

Pour comprendre l’histoire de cette peinture oubliée, il faut remonter au XIXe siècle. A cette époque, le Christ et la Samaritaine, exécuté au XVIIIe siècle par une main encore inconnue, est installé dans la nouvelle église de Saint-Cornier-des-Landes. Comme dans de nombreuses villes de la région, fortement dynamisées à l’époque par l’industrie du textile qui y prospère, la démographie en forte augmentation exige la construction de lieux de culte plus spacieux. Ces églises, érigées à travers les campagnes françaises, sont alors financées par des fonds publics.


Anonyme, L'inventaire de l'église Saint-Rémi (2 mars 1906) - Petit portail enfoncé - La barricade vue de l'extérieur, 1906, bibliothèque municipale de Reims

Lorsqu’en 1905 est votée la loi instituant la séparation en France de l’Église et de l’État, ces édifices, considérés par le législateur comme financés par les deniers publics sont rétrocédés à la nation. Le gouvernement, garant de l’application de la nouvelle loi fait alors dresser des inventaires de tous ses nouveaux biens mobiliers et immobiliers. Dans la France du début du XXe siècle, l’implantation du clergé est pourtant toujours très importante. Les habitants des campagnes et de certaines villes voient d’un mauvais œil cette nouvelle loi de nationalisation des biens de l’Église qu’ils considèrent avant tout comme une mesure anticléricale.


A Saint-Cornier-des-Landes, comme dans de nombreuses localités, les habitants et les autorités ecclésiastiques s’opposent aux fonctionnaires venus réaliser les inventaires et barricadent les entrées des édifices religieux à l’aide du mobilier qui s’y trouve. Les œuvres d’art, les objets nécessaires au cultes et tout objet dont on suppose qu’il a une quelconque valeur, sont cachés pour se soustraire à la volonté du gouvernement de Paris. C’est ainsi qu’en 1906, le Christ et la Samaritaine est décroché du mur de l’église pour être dissimulé dans le clocher derrière l’horloge.


Philippe de Champaigne (1602-1674), La Samaritaine, huile sur toile, vers 1650, musée des Beaux-Arts de Caen © Aurélien Delahaie

Oubliée à cet endroit, personne ne vit plus jamais cette œuvre qui s’effaça progressivement de la mémoire collective. A sa redécouverte en 2022, la toile, sans doute réalisée à partir d’une gravure du tableau de Philippe de Champaigne aujourd’hui conservé au musée des Beaux-Arts de Caen, avait subi les affres du temps et la composition se trouve maintenant recouverte en intégralité d’un chanci en empêchant la bonne visibilité. Après constatation, Pauline de Poncheville, responsable des œuvres de la Fondation pour la sauvegarde de l’art français, assure que toute la couche picturale est encore présente en dessous et qu’elle nécessite principalement un nettoyage en surface. Plusieurs petits trous, sans grande gravité, sont également à déplorer sur la toile. Lancé ce mois-ci, l’appel à souscription vise à réunir une somme de 8000 € pour remettre en état cette pièce remarquable du patrimoine local. La Fondation indique cependant qu’une intervention rapide devra être effectuée sous peine de voir l’œuvre se dégrader et disparaitre.

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