top of page

Viva Gino! aux Abattoirs de Toulouse

Viva Gino ! C’est par cette injonction enthousiaste que le musée des Abattoirs de Toulouse a choisi de nommer sa nouvelle exposition consacrée au collectionneur italien Gino di Maggio et présentée jusqu’au 23 août au public. Au travers des œuvres acquises par ce passionné, le visiteur se familiarise avec certains des mouvements majeurs de l’histoire de l’art contemporain du XXe siècle.


Personnagio, Sergio Lombardo, 1963 ©Antonio Maniscalco

Un siècle après une première tentative timide, le futurisme fait aujourd’hui son grand retour à Toulouse. Qui se souvient en effet que le chef de file du mouvement, Filippo Marinetti, était venu en personne en 1909 dans la ville rose prêcher ce courant artistique dont il venait de publier le manifeste dans le Figaro ? Personne sûrement, puisque plusieurs poètes toulousains s’étaient alors écriés contre cette abomination exaltant le monde moderne et bafouant certaines des règles de l’art.


Au contraire de son ami Ben Vautier qui dit être “né artiste à 3 ans”, l’art n’a pas toujours été une évidence pour Gino di Maggio. Or c’est justement la découverte du mouvement futuriste dans les années 1950 qui est à l’origine même de sa passion. Il crée en 1989 la fondation Mudima, la première dédiée à l'art contemporain en Italie. Comme indiqué dans le titre de l’événement, le Sicilien a passé “une vie dans l’art” sans pour autant avoir jamais fait d’études dans le domaine ni s’être essayé à la pratique. Pour celui qui ne se considère “pas comme un collectionneur mais un curieux”, l’art se vit forcément aux côtés de l’artiste. De ces rencontres a ainsi germé une curiosité sans aucune limite géographique et dont la pluralité des courants approchés étonne le visiteur.


Un aperçu de la grande Halle Fluxus du musée. © CoupeFileArt

L’exposition constitue donc une seconde chance pour le mouvement futuriste de se révéler au public toulousain, mais pas seulement. Affichistes, gutai, mono-ha, cinétisme italien et surtout fluxus sont ainsi au programme. Né à la fin des années 1950 aux Etats-Unis et popularisé en France par Ben Vautier, le mouvement fluxus vise à désacraliser l’art à travers sa doctrine “tout est art”. Pour les artistes fluxus, l’art c’est la vie, et rien de mieux que la musique pour l’exprimer. John Cage, l’un des pionniers du mouvement ouvertement influencé par le futurisme, affirmait même que “tout est musique”. La nef centrale du musée est donc transformée en grande halle fluxus. Parmi les installations présentées, on notera cet orchestre de pianos dont aucun ne fonctionne normalement. Plusieurs performances auront lieu durant l’exposition au cours desquelles des étudiants en art de l’université Jean Jaurès joueront sur ces instruments détournés.



Duchampiana : Bicycle Wheel, Shigeko Kubota, 1976-1990 © CoupeFileArt

Depuis ce volume central transformé en ode au fluxus, la visite se poursuit selon une organisation chronologique des différents mouvements qui ont émaillé la vie de Gino di Maggio. On retrouve ainsi dans une salle Marcel Duchamp et ses ready-made, notamment un exemplaire de son célèbre urinoir, ainsi que plusieurs créations d’artistes fortement influencés par le travail du Français. Quelques mètres plus loin, le visiteur découvre le mouvement nippon du mono-ha. Mono-ha signifie littéralement “l’école des choses” en japonais. Inspiré par la philosophie zen, il est l’expression du rapport étroit entretenu par les Japonais avec leur environnement. Les œuvres exposées sont majoritairement travaillées dans des matériaux bruts, et une agréable odeur boisée imprègne en conséquent la salle. Enfin les curieux pourront admirer l'un des manifestes originaux du futurisme dans un espace consacré à la présentation de courant majeur du siècle passé.


T. Matsutani et E. de Chassey posant devant les œuvres de l'artiste. © CoupeFileArt

En parallèle du parcours principal, nous ne pouvons que vous conseiller de monter à l'étage découvrir le travail de l'artiste japonais Takesada Matsutani. Installé en France depuis 1966, il est actif depuis les années 1950 dans son pays natal. Si l'estampe constitue véritablement "la matrice de son travail" pour Eric de Chassey, directeur de l'Institut National d'Histoire de l'Art, il ne s'est pas moins essayé à la gravure et à la sérigraphie notamment lors de son passage à l'atelier 17. Habitée par l'esprit du mouvement gutai, la photographie prend de ce fait une importance majeure dans ses productions notamment avec ses séries d'objets. Matsutani a également peint des toiles reconnaissables par leurs aplats de couleurs très vives presque fluo. La diversité des supports utilisés au cours de la carrière de l'artiste se fait tout à fait ressentir à travers l'accrochage semi-chronologique privilégié.


La force de l'exposition réside certainement dans sa capacité à présenter des mouvements méconnus du grand public tels que le gutai et le mono-ha japonais ou encore le cinétisme italien, tout en veillant à raccrocher le néophyte à des figures installées du paysage culturel comme Yoko Ono, César, Ben ou encore Arman. Ce savant mélange des influences rétablit en outre le futurisme dans la ville rose. On en oublierait presque l'homme derrière l'exposition, celui dont la curiosité et l'engagement ont permis la réunion de ces artistes venus des quatre coins du monde ... Viva Gino!


Antoine Bouchet

 

Du 28 février au 23 août 2020

Musée des Abattoirs

Horaires : de 12h à 18h du mercredi au dimanche

Tarifs d'entrée : 8€ plein tarif, 5€ tarif réduit

Post: Blog2_Post
bottom of page