Lorsqu’il s’éteint à 76 ans le 19 décembre 1851, J. M. W. Turner est déjà un grand nom de la peinture anglaise. De son vivant, il est reconnu très jeune grâce à son talent et possède sa propre galerie à Londres dès 1804 alors qu’il n’a pas encore 30 ans. Cependant, la postérité se souvient surtout des œuvres réalisées dans la dernière partie de sa vie où l’audace et la puissance du traitement de la lumière en font un artiste inclassable et immédiatement reconnaissable.
Le musée Jacquemart-André se propose, à travers cette exposition monographique, de rappeler que William Turner n’a pas peint que de grandes huiles sur toiles saturées de lumière mais fût aussi l’un des plus grands aquarellistes de son temps. Pour cela, la Tate au Royaume-Uni prête au musée parisien une soixantaine d’œuvres, choisies parmi les milliers d’aquarelles léguées par le peintre en héritage, dont certaines n’ont jamais été exposées en France. Pour notre plus grand plaisir ! L’exposition suit un parcours chronologique, de la jeunesse du peintre à la décennie 1840-1850 si caractéristique.
Turner est un peintre voyageur. Mais l’Angleterre du début du XIXe siècle est étouffée par le Blocus imposé par Napoléon et c’est en parcourant son pays qu’il ne peut quitter que l’artiste se fait connaître. Professeur à la Royal Academy en 1807, il réalise pour lui-même énormément d’aquarelles, souvent d’après nature. Le poète John Ruskin dira de Turner qu’il travaille « pour son propre plaisir » : lorsqu’il fait des aquarelles, elles ne sont pas destinées à être exposées. C’est un travail personnel, intime, de recherche. Les deux premières salles de l’exposition présentent des œuvres de cette période anglaise mais le peintre part, dès la paix établie, à la découverte de l’Europe. Il voyagera toute sa vie à travers de nombreux pays mais aucun n’a marqué sa manière comme l’Italie où il se rend une première fois en 1819 pour six mois.
Cette Villa un soir de bal est réalisée lors d’un séjour italien vers 1826. La virtuosité du peintre nous trompe sur le format minuscule de cette aquarelle. Elle ne mesure pas plus d’une dizaine de centimètres de hauteur mais le coup de crayon du peintre est remarquable. Dans cette œuvre intime, Turner rend parfaitement la lumière nocturne et montre sa maîtrise de la technique, jouant sur le contraste entre le papier laissé en réserve, l’encre des ombres et le bleu de l’aquarelle.
La lumière méditerranéenne l’a profondément marqué et il n’aura de cesse d’expérimenter, comme sur ce Coucher de soleil sur le parc depuis la terrasse de Petworth House réalisé à la gouache et à l’aquarelle en 1827. Turner réalise un nombre colossal « d’ébauches colorées » en atelier à partir de ses dessins en extérieur. Il réintroduit ainsi la lumière et la couleur grâce à sa mémoire visuelle phénoménale, mais aussi à son imagination et à sa maîtrise technique. Turner se plaît à innover, à peindre avec une touche libre et enlevée et à mettre en exergue les couleurs primaires. Les œuvres de sa maturité refléteront ce goût pour le coloris vif. La décennie suivante voit l’apogée de sa maîtrise de l’aquarelle et l’exposition en présente quelques-unes d’incontournables, issues notamment de son voyage dans les Alpes vers 1840.
L’exposition se clôt sur le travail des dernières années de vie du peintre. Cette grande huile sur toile intitulée Yacht approchant de la côte, terminée en 1845 est l’expression de l’aboutissement d’une vie de travail sur la lumière. Le ciel se confond ici avec la mer. Son style vif met l’accent sur les effets atmosphérique. Sa touche vibrante unit le ciel et la mer dans un halo qui dissout les formes. Une voilure, peut-être deux, une ville à l’arrière-plan à gauche et, sujet principal du tableau, un formidable éblouissement que seule la maestria de Joseph Mallord William Turner pouvait rendre avec autant de puissance.
Paul Palayer
L'exposition TURNER, PEINTURES ET AQUARELLES, (Collections de la Tate) se tiendra au musée Jacquemart-André jusqu'au 20 Juillet 2020.
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