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« Danser l’image » au Centre national du costume de scène


Jusqu’au 30 avril 2023, le Centre national du costume de scène (CNCS) de Moulins consacre une exposition à l’histoire du Ballet national de Marseille (BNM), de sa création en 1972 par le chorégraphe Roland Petit à la prise de direction de la compagnie par le collectif (LA)HORDE en 2019. À travers un corpus d’œuvres particulièrement éclectique, le parcours offre une rétrospective des créations chorégraphiques qui ont fait la singularité de l’institution, connue pour ses collaborations stylistiques et la pluridisciplinarité de ses pratiques artistiques.


Costumes de Gianni Versace portés par

Jean-Pierre Aviotte et Jan Broeckx, dans

Tout Satie. Chorégraphie de Roland Petit

Ballet national de Marseille, 1988. Coll. BNM

© Archive BNM / Christian Dresse


Comment faire de la danse, art mouvant et éphémère par excellence, un objet de musée ? Telle est la question à laquelle Mathieu Buard, le commissaire de l’exposition, Delphine Pinasa, la directrice du CNCS et leur équipe ont tenté de répondre. En faisant du costume, du décor et de la captation des éléments de monstration, ils ont cherché à retracer l’évolution du Ballet national de Marseille dans la continuité de l’approche de Roland Petit, attaché à la question du spectaculaire et à celle du grand public.


Premier ballet national situé hors de Paris, le BNM a fait figure de précurseur dans le monde des grandes compagnies chorégraphiques françaises dès sa création dans les années 1970. Depuis lors, il tient son originalité de cette force et de l’inventivité débordante de son créateur, aujourd’hui reconnu comme l’un des chorégraphes majeurs du XXe siècle.


Déployé sur dix-huit salles, le parcours a été conçu comme une succession de tableaux vivants qui rendent lisible le rapport des différentes directions de la compagnie à la collaboration artistique. À l’occasion, de nombreux travaux de designers de mode (Yves Saint Laurent, Gianni Versace), de costumiers (Erté, Franca Squarciapino) et de peintres (Max Ernst, Keith Haring) de renom ont été réunis afin de retisser les liens entre l’institution et son important fonds d’archives. L’exposition ne consiste pas en une reconstitution de la chronologie du BNM mais plutôt en la matérialisation de l’esprit de la compagnie : elle invite le spectateur à se perdre dans des espaces atmosphériques et non historiques.


© Eléa Dargelos

Dès son entrée, le visiteur est attiré par le bruit étouffé d’une boîte de nuit : il pénètre alors dans un lieu alternatif aux antipodes du traditionnel white cube (esthétique de musée ou de galerie caractérisée par sa forme carrée ou oblongue, ses murs blancs et sa source de lumière provenant généralement du plafond), où se mêlent son, vêtements de scène et éléments de décor. C’est toute une typologie de costumes illustrant le répertoire du BNM, du Chat Botté (1985) à To Da Bone (2017), en passant par Ma Pavlova (1986) et La Belle au bois dormant (1990), qui se déploie devant lui. Cette entrée en matière donne le ton de l’exposition qui promet de surprendre tant par son propos que par sa scénographie.

À peine sorti du club, le spectateur est plongé dans l’ambiance de la préparation d’un spectacle. Il est convié à déambuler dans un espace très lumineux entre des photographies de scène, des accessoires et des costumes sur cintre dont la présentation s’étend du sol au plafond.


© Eléa Dargelos

La salle suivante, qui s’apparente à un casino bar faisant office de foyer de la danse, offre un contrepoint intéressant. Dans un jeu de clair-obscur, elle fait sortir le visiteur des coulisses de la compagnie pour lui redonner sa place originelle. Ce dernier se trouve alors engagé dans une discussion vivante à laquelle participe Roland Petit via un enregistrement vocal, avant d’être immergé dans une salle de cinéma où sont diffusées des images d’archives et d'autres plus contemporaines.








Après avoir cheminé au sein de ces visions fantasmagoriques, le public est amené à contempler au travers de vitrines conçues sous la forme de reconstitutions imaginaires les apports de plusieurs grands créateurs de mode. Yves Saint Laurent, Gianni Versace, Luisa Spinatelli sont quelques-uns des noms qui ressortent du riche carnet d’adresses de Roland Petit. D’une étonnante modernité, les costumes montrent à quel point le chorégraphe a été un précurseur en même temps que l’héritier des pratiques pluridisciplinaires d’Oskar Schlemmer au Bauhaus ou celles du Black Moutain College, sans pour autant que cette parenté ne soit reconnue.

Costume de Luisa Spinatelli porté par

Dominique Khalfouni dans Ma Pavlova

Chorégraphie de Roland Petit

Ballet national de Marseille, 1986. Coll. BNM

© CNCS / Florent Giffard


Les dernières salles de l’exposition donnent à voir des objets qui font écho à la prise de direction en 2019 de la compagnie par (LA)HORDE, trio regroupant les artistes Marine Brutti, Jonathan Debrouwer et Arthur Harel. Des tableaux rejouent les scènes cultes de quelques-uns des ballets du collectif avant que ne soit présentée la série de photographies Foresta réalisée par l’artiste visuelle Harley Weir, qui met en scène plusieurs danseurs de la compagnie.

Costumes de Christian Bérard portés par

Myrto Georgiadi et Yoshiko Kinoshita

pour le rôle des sœurs siamoises dans Les

Forains. Chorégraphie de Roland Petit,

1945. Ballet national de Marseille, 1982

© Harley Weir - direction image Alice

Gavin, artiste associée au BNM

(2019-2021)


Malgré de nombreux dispositifs de médiation qui rendent l’exposition assez didactique, on peut déplorer le manque d’informations concernant le scénario de chaque ballet. On regrette que la genèse de chacune des chorégraphies ne soit pas forcément explicitée, rendant l’appréhension du propos parfois difficile. La visite mérite ainsi d’être prolongée et complétée par la lecture du catalogue qui délivre les clés nécessaires pour comprendre la totalité des objets. Il faut cependant saluer et reconnaître la richesse et la densité de l’exposition en termes d’œuvres que des cartels assez détaillés viennent appuyer, en fournissant notamment des explications sur la conception des costumes et en nommant leurs créateurs.


À mi-chemin entre scénographie muséale et scénographie théâtrale, l’exposition « Danser l’image » dévoile ce qui a fait et continue de faire l’identité du Ballet national de Marseille. Plus qu’un hommage rendu à Roland Petit, elle réactive la mémoire de l’institution pour en montrer les temps forts à travers une sorte d’anthologie de costumes et de décors. Ce riche panorama rend également grâce au travail enjoué et à l’esthétique haute en couleur du collectif (LA)HORDE, qui a activement participé à la conception de l’exposition et a permis de faire entrer dans les collections du CNCS plusieurs costumes, perpétuant l'histoire du ballet par sa patrimonialisation.



 

« Danser l’image »

Du 03 décembre 2022 au 30 avril 2023


Centre national du costume de scène

Quartier Villars - Route de Montilly

03000 Moulins

Tel. 04 70 20 76 20


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