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Degas à l'Opéra au musée d'Orsay, un peintre à l'écoute des corps




Degas « s'est énamouré du moderne ; et dans le moderne, il a jeté son dévolu sur les blanchisseuses et les danseuses ». Tels étaient les mots d'Edmond de Goncourt en 1874. Homme de son temps, Degas l'était assurément. C'était aussi un artiste opérant une synthèse entre innovation technique et inspiration des Maîtres de la Renaissance qu'il admirait. Voilà en quelques mots le parti pris de la nouvelle exposition du musée d'Orsay, Degas à l'Opéra, à l'occasion des 350 ans de l'Opéra de Paris et 4 ans après l'exposition Degas, un peintre impressionniste ?, présentée au musée des impressionnismes à Giverny.

Dans cette exposition, Henri Loyrette, le commissaire général, accompagné de Marine Kisiel, Leïla Jarbouai et Kimberly A. Jones, nous donnent à voir le travail sans relâche du «peintre des danseuses» dans les coulisses de l'opéra, où il se rend assidûment pour écouter les corps lui parler de leurs mouvements, thème phare de sa création.


Edgar Degas (1834-1917), L'orchestre de l'Opéra, vers 1870, huile sur toile, musée d'Orsay, © RMN-Grand Palais (Musée d'Orsay) / Hervé Lewandowski

Le parcours proposé par les commissaires est un voyage dans la réflexion de Degas sur le lieu de son inspiration. Il voit le monde dans lequel il évolue comme le prétexte à la réinterprétation du travail du corps et du mouvement, tels qu'il les a étudié en copiant les grands Maîtres au Louvre. On navigue ainsi dans un espace d'exposition assez libre et ouvert, ce qui nous permet de découvrir à la fois l'opéra, ceux qui s'y produisent et l'influence du lieu sur l'artiste. Le propos est net et clair, la muséographie est efficace dans son ensemble, elle va droit au but : aborder Degas à l'opéra, ça n'est ni plus ni moins que l'occasion d'interroger le visiteur sur le sens de son œuvre. Nul besoin de plus de cloisons que celles déjà présentes pour nous inviter à entrer dans la vie du peintre tout en illustrations.


Edgar Degas (1834-1917), Étude de danseuse le bras tendu, 1895-96, négatif sur verre, Bibliothèque nationale de France

On comprends, dès l'entrée, le choix d'un plan thématico-chronologique pour nous faire traverser les salles. Il y a différentes étapes dans la vie de Degas, et c'est sans doute là la seule séparation faite par les panneaux pour nous empêcher d'en manquer un morceau. Le lien entre peinture et musique est presque immédiatement établi et l'on devine aussi l'importance du corps, de la pose puis du mouvement chez Degas. Un réel risque est cependant pris dans cette façon de procéder : l'exposition aborde dans son ensemble la carrière du peintre en la segmentant, sans doute de manière trop excessive, en fonction des différentes décennies de la fin du XIXème puis du début du XXème siècle et des techniques qu'il utilise. Par exemple, le travail de Degas à partir de la photographie (il s'y intéressera très tôt), n'est abordé que tardivement dans l'exposition et le mot se fait attendre, on a presque l'impression qu'il fait peur tant les premiers textes présents dans les salles n'osent pas l'employer, avant qu'il ne s'impose réellement. Pourtant l'artiste est aussi vieux que la photographie ! Né en 1834, 5 ans plus tard, c'est le daguerréotype qui voit le jour.


On regrettera enfin le traitement que l'on fait à l'opéra Le Peletier, disparu en 1873 et que l'artiste n'aura de cesse de rappeler dans ses toiles. Un espace est réservé aux deux opéras que Degas aura connu et cela part, certes, d'une bonne intention, mais la présentation ne se trompe t-elle pas de sujet en abordant très en détail l'architecture du Palais Garnier, achevé en 1875… que Degas détestait ? Il n'y a que des mots à propos de l'opéra Le Peletier, pourtant si important pour le peintre, aucune iconographie n'est proposée, ne serait-ce que pour en découvrir la façade. Henri Loyrette, dans le fascicule distribué à l'entrée précise que pour Degas, l'Opéra n'est pas « seulement un genre musical […], c'est un lieu, une architecture, un monde en soi ». Et l'exposition de traiter sans doute le mauvais lieu, la mauvaise architecture, le mauvais monde en soi…


Edgar Degas (1834-1917), Le Ballet de "Robert le Diable", 1871, huile sur toile, © Metropolitan Museum of Art, New-York

En définitive, le programme proposé par le musée d'Orsay reste cependant de bonne qualité, il est efficace et l'on apprend beaucoup sur Edgar Degas, sur sa manière, celle qui s'inspire des grands Maîtres dans un monde moderne. On comprends bien en sortant pourquoi on trouve tant de fois des danseuses sur ses toiles. L'exposition pèche sur certains points que nous avons évoqués, mais elle vaut un détour, ne serait-ce que pour (re)voir les peintures du maître rassemblées comme il devait les avoir, de son vivant, dans son atelier tant il peinait à s'en détacher et à en être satisfait.


 

Degas à l'Opéra, au musée d'Orsay du 24 septembre 2019 au 19 janvier 2020


Plus d'informations sur musee-orsay.fr





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