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Edvard Munch. Un Poème de vie, d’amour et de mort


Du 20 septembre 2022 au 22 janvier 2023, le musée d’Orsay consacre une exposition à Edvard Munch. L’accrochage permet d’appréhender la richesse de l’œuvre du maître norvégien, principalement connu pour son célèbre Cri.


La première version du Cri. ©Antoine Bouchet

Sous le commissariat de Claire Bernardi, directrice du musée de l'Orangerie, et avec la collaboration d’Estelle Bégué, chargée d’études documentaires au musée d’Orsay, une centaine de toiles et gravures sur bois du peintre sont présentées au public parisien. La quasi-totalité des pièces sont prêtées pour l’occasion par le musée Munch d’Oslo, qui a organisé l’exposition en collaboration avec l’institution française, et le KODE Art Museum de Bergen. Souvent réduite au Cri qu’il a décliné à loisir, l’œuvre de Munch s’articule autour de la condition humaine. Influencé par le mouvement impressionniste dans sa jeunesse, le peintre délaisse rapidement ses paysages pour se tourner vers le symbolisme, auquel il demeura fidèle durant ses soixante années de carrière. La mort et l’amour occupent ainsi une place prépondérante dans l’œuvre de l’artiste. Obsédé par la disparition de sa sœur aînée Johanne-Sophie alors qu’il était âgé de 13 ans, Edvard Munch intègre régulièrement la figure de celle-ci dans ses toiles. Lorsqu’il accompagne son père médecin au chevet d’une jeune fille malade, le souvenir des derniers instants de Johanne-Sophie se superpose alors à la scène. La situation familiale traumatisante de Munch, dont une autre sœur est internée à l’asile à l’âge de 20 ans et un frère décédé d’une pneumonie, se répercute sur ses toiles où les visages de ses proches ressurgissent.


Détail des Jeunes Filles sur le pont (1927). Ce motif a été très souvent réutilisé par Munch. ©Antoine Bouchet

D’autre part, le sentiment amoureux est représenté très régulièrement dans les peintures de Munch exposées par le musée d’Orsay. Les principaux écueils à une relation épanouie jalonnent ainsi la production de l’artiste, comme l’absence de l’être aimé et la jalousie. Teintée d’une grande mélancolie, l’œuvre d’Edvard Munch est cyclique. Des toiles créées il y a des années par l’artiste sont parfois reprises et agrandies, tandis que certaines compositions sont reproduites intégralement ou partiellement. Le commissariat d’exposition fait justement le choix d’un parcours thématique afin de souligner la persistance des thèmes aussi bien que des figures représentées par l’artiste. Plutôt que d’avoir noirci les murs d’explications sur la carrière du peintre et de s’être appesantie en cartels descriptifs, la scénographie d’Edvard Munch. Un Poème de vie, d’amour et de mort demeure dépouillée. En revanche, des extraits du carnet de croquis ou de la correspondance de Munch viennent donner un éclairage bienvenu sur les liens entre des épisodes autobiographiques de l’artiste et certaines œuvres. Une frise chronologique permet en outre aux visiteurs d’appréhender les dates majeures de la vie du peintre.


Edvard Munch rend parfois hommage à ses contemporains. Ici, la Nuit Etoilée de Van Gogh réinterprétée en 1922-1924. ©Antoine Bouchet

Un art répétitif


L’art d’Edvard Munch est répétitif par essence. Les mêmes thèmes structurent l’ensemble de son œuvre, laquelle se nourrit d’attributs récurrents. Ainsi, dans un projet de lettre à Jean Thiis, directeur de la galerie nationale d’Oslo et ami du peintre, l’artiste confie à propos de la représentation des cheveux l’assertion suivante : « J’ai symbolisé la communication entre les êtres séparés à l’aide de longs cheveux ondoyants. La longue chevelure est une sorte de fil téléphonique ». Dans Le Vampire, qui sert d’arrière-plan à l’une des affiches de l’exposition, les cheveux roux d’une jeune femme enveloppent le crâne et le dos d’un homme agenouillé contre elle. C’est par sa chevelure que la protagoniste posséderait son compagnon, davantage que par sa bouche, masquée par la nuque de l’homme. C’est à la suite de la comparaison d’un tiers avec l’imaginaire de la femme vampire que Munch modifiera le titre de la toile en fonction de cette observation. Quelques décennies plus tard, l’artiste reproduira d’ailleurs le tandem en le transposant dans la nature pour un Vampire dans la forêt.


Séparation II (1896). ©Antoine Bouchet

Le rôle de la chevelure comme pont entre les personnages des compositions de Munch se retrouve également à travers Séparation II, réalisée après une rupture amoureuse. Les cheveux de la jeune femme, qui détourne le regard de son ancien amant, volent vers le cœur de ce dernier. Tête baissée, il semble encore tourmenté par l’être chéri dont il ne parvient pas à se détacher. Sa confusion est donc illustrée par la toison capillaire qui le relie encore à son passé.


Autodidacte, Edvard Munch a été l’ambassadeur du courant symboliste durant six décennies, prolongeant le mouvement bien au-delà de sa période de rayonnement artistique. Son œuvre, à forte résonance autobiographique, est révélatrice des thèmes qui l’obsèderont jusqu’à la fin de sa vie : la mort et l’amour. Difficile d’aborder des concepts plus universels. C’est pourquoi l’exposition du musée d’Orsay vaut le détour, que le style de Munch vous émeuve ou non. Soixante-dix-huit ans après la disparition du maître norvégien, les thématiques qui façonnent son art paraissent toujours aussi actuelles.

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