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Infirmières, Héroïnes silencieuses au musée de la Grande Guerre



Un exemple de la signétique de l'exposition présentant différents portraits d'infirmières ©CDSR

À partir du 8 avril 2023, le musée de la Grande Guerre de Meaux offre de rentrer dans l’intimité des infirmières de la Première Guerre mondiale, à l’occasion d’une nouvelle exposition temporaire dédiée à ces femmes de l’ombre, oubliées du récit historique ou bien connues uniquement à travers des visions stéréotypées.


Ouvert depuis le 11 novembre 2011, le musée de la Grande Guerre de Meaux propose, associées à un parcours permanent présentant une riche collection, des expositions temporaires. Après les tranchées, ce sont maintenant les infirmières du premier conflit mondial qui sont placées « en première ligne », dans une scénoraphie volontairement très didactique.

Les permanences de la Société Française de secours aux blessés militaires dans les villages dévastés Lucien Jonas France, 1er quart du 20e siècle Imprimé ©Musée de la Grande Guerre, Meaux/D. Rase

Le parcours est séparé en trois grandes parties. La première propose de donner un portrait de toutes ces « infirmières » dont le nom générique ne reflète pas la diversité. En effet, comme l’explique au moyen de data visualisations le parcours, la Première Guerre mondiale fait travailler au moins trois « catégories » d’infirmières. Les premières sont les bonnes sœurs, dont la catégorie est la plus historique, ces dernières ayant toujours été associées, avec les hôpitaux, aux soins pour les plus infortunés. Mais l’abondance de blessés de la Grande Guerre et surtout la modification des blessures liées notamment à la mise au point d’artillerie et d’armes spéciales (comme les gaz par exemple), entrainent une nécessité de profonde réorganisation de la gestion des soins. Les bénévoles de la Croix-Rouge, réparties en trois sociétés, la Société française de Secours aux blessés militaires, l’Union des Femmes de France et l’Association des Dames françaises, s’engagent de plus en plus nombreuses, mais n’ont souvent aucune formation professionnelle, bien qu’une formation sommaire leur soit donnée à leur arrivée. Il existe aussi les infirmières militaires formées de façon professionnelle et rémunérées (très peu cependant). La violence de la guerre et la gravité des blessures des soldats qui ne sont plus des blessures « propres » et facilement soignables entrainent une véritable nécessité de formation voire de spécialisation (Marie Curie propose par exemple des formations en radiologie), qui aboutit à la création d’un diplôme reconnu par l’État en 1922.


Une carte postale illustrant les liens amicaux entre un soldat et son infirmière et une photographie de mariage entre un soldat aveugle et son ancienne infirmière ©CDSR

Ensuite, l’exposition s’attache à présenter le métier d’infirmière dans sa diversité. Diversité d’abord dans les lieux où s’organisent les soins, qu’il s’agisse des Autochir (ambulances chirurgicales automobiles) situées au plus près des combats (soit les plus prestigieuses pour les infirmières), ou bien des hôpitaux militaires, navires hôpitaux, trains sanitaires, ou encore, le plus à l’arrière, les foyers du soldats. Dans ces différents lieux d’actions, les infirmières n’ont évidemment pas les mêmes fonctions. Elles prodiguent à la fois des soins directs (hygiène, pansage des blessures, stérilisation, lingerie…), les plus connus par l’imagerie actuelle, mais s’occupent aussi des liaisons avec les médecins et de la gestion des établissements de soins. Enfin, les infirmières jouent également un rôle de soutien psychologique évident pour les soldats, rôle encore une fois très mis en avant par l’imagerie populaire. Cette tâche était évidemment très importante, et il est d’ailleurs arrivé plusieurs fois que des infirmières épousent l’un de leurs blessés, le plus souvent des blessés graves.



Louise Ibels, Une journée à l'hôpital, Lithographie couleur sur papier, 1916, Musée de la Grande Guerre, Meaux
Un habit d'infirmière britannique et une affiche de récolte de dons ©CDSR

Enfin, la troisième partie de l’exposition propose justement une réflexion sur cette imagerie stéréotypée de l’infirmière de la Grande Guerre. De la jeune ingénue encore naïve venue nouer des histoires d’amour et s’évanouissant à la moindre goutte de sang à l’infirmière major plus âgée, juste mais autoritaire, nombreux furent les artistes ou illustrateurs contemporains de la guerre ou non, à donner à ces « Anges blancs » des rôles très stéréotypés, ne reflétant que de façon très partielle la réalité de leur travail. Par ailleurs, nous découvrons également la popularité des infirmières à l'époque, inspirant, à l'image des jeux de soldats destinés alors aux petits garçons, des habits de poupées d'infirmières voire des vêtements pour jeunes filles. Il fallut même que l'État règlemente le port de l'uniforme d'infirmière, ses amatrices en ayant parfois quelque peu abusé tant les « costumes » étaient populaires au sein de la société de l'époque.


Un dernier petit espace est consacré à montrer à la fois les types de médailles que pouvaient obtenir les infirmières pour leurs services ainsi qu'à évoquer les infirmières d’autres pays en présentant un uniforme allemand, britannique et américain.


Carnet de Séraphine Pommier ©CDSR

En parallèle de cela, le visiteur peut découvrir, tout le long de son parcours dans l’exposition, quelques portraits d’infirmières à l’instar d’Edith Cavell, infirmière britannique fusillée par les Allemands en 1915 pour avoir aidé à l’évasion de soldats alliés, ou bien de Séraphine Pommier, qui a tenu un journal pendant toute la guerre décrivant, par des mots, des dessins ou des photos, son quotidien. Le visiteur peut donc ainsi véritablement donner des visages à ces femmes de l’ombre.


Un exemple de l'une des data visualisations de l'exposition, montrant ici les différents "fronts" d'action des infirmières ©CDSR

À travers un très grand travail de scénographie mais surtout de signalétique, le parcours du visiteur devient limpide et particulièrement agréable. Les objets d’archives ainsi que les œuvres choisies viennent parfaitement illustrer les propos divers de l’exposition, et les quelques photos choquantes sont placées dans une visionneuse placée assez haute et avec un avertissement. L’exposition souhaite véritablement proposer une visite enrichissante pour tous les publics, élément important pour des musées historiques qui accueillent effectivement beaucoup de scolaires.


C’est donc une exposition à ne pas manquer qui permet de se plonger dans cette histoire méconnue de la Grande Guerre. Par la proximité recherchée de ces femmes avec le public, le propos touche forcément le spectateur qui se sent concerné par ces infirmières à la vie finalement simple, mais qui furent au combien importantes pour tous les fronts de la Guerre.


 

Infirmières. Héroïnes silencieuses de la Grande Guerre

Du 08 avril au 31 décembre 2023

Musée de la Grande Guerre, Meaux

Commissariat : Johanne Berlemont

Conseil scientifique : Virginie Alauzet, Christophe Debout, Frédéric Pineau.





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