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L’art des Miseroni : le Louvre lance sa 12e campagne « Tous Mécènes ! »


Mise à jour :

Grâce à la mobilisation d'environ 5 600 donateurs, la campagne s’est achevée le 25 février par la collecte de la somme de 1 million d’euros. L'objectif fixé est donc atteint.

 

Pour la 12e campagne « Tous Mécènes ! », le Louvre invite le public à se mobiliser pour un chef-d’œuvre de glyptique, un chef-d'œuvre de la Renaissance italienne. Après l’Apollon Citharède en 2019 et la Grande Allée des Tuileries en 2020, 2021 est l’année du Camée de Vénus et l’Amour. Un nom derrière cette réalisation, ô combien célèbre : Giovanni Ambrogio Miseroni (1551-1616). La somme rondelette de 2 620 000 euros est nécessaire pour cette acquisition, qui constitue la partie supérieure (couvercle) d'une coupe déjà conservée dans les collections de l'institution. Fidèle à elle-même, la Société des Amis du Louvre soutient l’opération à hauteur de 250 000 euros et plusieurs grands donateurs et fonds sont dans la boucle. L’opération Tous Mécènes a elle pour objectif de récolter 1 million d’euros d’ici le 25 février 2022.

Att. à Giovanni Ambrogio Miseroni (1551-1616), Camée Vénus et l'Amour (détail.). Agate des Grisons, monture en argent doré. Coll. part. ©Nicolas Bousser


Prestigieux historique


Ce chef-d'œuvre de sculpture sur pierre dure, représentant Vénus et Cupidon endormis dans un coquillage, est l'une des plus importantes œuvres attribuées à Giovanni Ambrogio Miseroni en main privée. Le remarquable objet a très probablement appartenu à Rodolphe II de Habsbourg, avant d'être relevé dans la collection du cardinal Mazarin puis de Louis XIV. En effet, la coupe et le couvercle de Vénus et Cupidon sont clairement décrits en 1661 dans l'inventaire posthume de la galerie du cardinal: « Une grande tasse d'une seule agathe d'Allmagne en coquilles, portée par un dauphin d'argent vermeil doré posant sur une coquille aussy d'argent vermeil doré, avec son couvercle d'une autre grande coquille d'Allemagne, aussy en coquilles, sur laquelle est entaillé une Venus tout nue couchée sur un drap et un petit amour auprés entourée d'un bord d'argent vermeil doré. ». (cité dans D. Alcouffe, Les Gemmes de la Couronne, Paris, 2001, pp.221-223)


L'évaluation de la collection de Mazarin nous apprend également que le groupe de 100 pierres dures de couleur appartenant au cardinal était évalué à hauteur de 47 790 livres, alors que l'ensemble de sa collection de peintures n’était évalué qu’à 36 560 livres. Les trois pièces vedettes nommées sont précisément une nef en jaspe d'Ottavio Miseroni comportant le monogramme de Rodolphe II, un vase en sardonyx byzantin avec des montures du XVIe siècle - tous deux actuellement au Louvre (MR 143 et OA 8)- et la coupe en calcédoine avec le couvercle sculpté de Vénus et Cupidon. La coupe seule a été rachetée à sa réapparition par le Louvre en 1968.



Ottavio Miseroni (1567-1624), Nef en jaspe. Monture en argent doré, monogramme de Rodolphe II. MR 143. ©Nicolas Bousser


Virtuosité technique


Taillé en forme de coquillage dans une agate des Grisons, le camée illustre la grande maîtrise de l'anatomie de l'artiste, issu d’une auguste dynastie de graveurs de pierres dures active entre Milan et Prague au XVIe siècle. Les figures de Vénus et Cupidon sont ici directement inspirées de canons antiques. Outre le caractère également classique de la coquille Saint-Jacques, rappelant l’origine maritime de Vénus, et des attributs de Cupidon, l'arc et le carquois, la scène est surmontée d'un cygne à long cou en vermeil, allusion à Jupiter - Rappelons-ici l’épisode de Léda et le Cygne-.

Ce cygne et la bordure curviligne en vermeil ont été attribués par l'historien de l'art Rudolph Distelberger (1937-2011) à l'orfèvre d'Augsbourg Anton Schweinberger (actif dans la deuxième moitié du XVIe s et au début du XVIIe s).


Att. à Giovanni Ambrogio Miseroni (1551-1616), Camée Vénus et l'Amour (détail.). Agate des Grisons, monture en argent doré. Coll. part. ©Nicolas Bousser


L’attribution à Giovanni Ambrogio Miseroni repose sur plusieurs comparaisons stylistiques. Un groupe mettant également en scène Vénus et Cupidon, conservé au Kunsthistorisches Museum de Vienne, est la source des observations les plus convaincantes. Les similitudes sont nombreuses : les figures allongées sont taillées dans la couche blanche laiteuse de la pierre, contrastant avec le brun-rouge de la chevelure et avec le vêtement bleu-gris qui s'étend en plis amples. Cette composition déterminée par les différentes couleurs de la pierre est globalement proche du camée de Vénus et Cupidon. La figure agenouillée de la Madeleine pénitente, les bras croisés en prière, attribuée à Ottavio Miseroni, constitue un deuxième point d'ancrage de l'attribution. Enfin, une œuvre antérieure attribuée à Giovanni Ambrogio, un salver en lapis-lazuli centré sur un camée en calcédoine mettant en scène Léda et le Cygne, semble préparer la composition du camée. Ces deux derniers exemples sont également conservés au Kunsthistoriches Museum. Nous renvoyons ici nos lecteurs à un article publié par M. Distelberger en 2011, dans l'ouvrage Splendour & Power: Imperial Treasures from Vienna ("An unknown masterpiece from the Miseroni workshop', p.60-67)


Après sa redécouverte il y a une dizaine d’années, le vente du camée en 2011 à Londres, pour quelque 1,497,250 livres, avait été très remarquée. Les projecteurs sont aujourd’hui de nouveau braqués sur ce chef-d’œuvre de glyptique. Son entrée dans les collections du Louvre, qui permettrait de recomposer l’une des plus remarquables créations des lapidaires italiens du XVIe, au destin prestigieux, est bien entendu indispensable.

 

Bibliographie sélective


R. Distelberger, 'An unknown masterpiece from the Miseroni workshop', Splendour & Power: Imperial Treasures from Vienna, exhib. cat. Paulus Rainer (ed.), Cambridge, 2011, pp. 60-67

D. Alcouffe, Les Gemmes de la Couronne, Paris, 2001, pp.221-223

P. Michel, 'Mazarin, prince des collectionneurs : les collections et l'ameublement du cardinal Mazarin (1602 – 1661)', Histoire et Analyse, Paris, 1999, pp.482-484

P. Verlet, 'Chapeaurouge et les collections royales françaises', Festschrift für Erich Meyer, Hamburg, 1957, pp.286-294

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