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Laronze, Hugrel, Chambellan : les maîtres locaux au musée des Ursulines de Mâcon


Le musée des Ursulines de Mâcon, ouvert depuis 1968 dans les bâtiments XVIIe de l’ancien couvent éponyme, rassemble de riches collections de sculptures, objets d’art et surtout de peintures, dispersées dans des espaces muséographiques assez vastes. Si de grands noms comme Philippe de Champaigne, Charles Le Brun ou encore Pierre Puvis de Chavannes occupent de bonnes places sur les cimaises, l’on croise également nombre de maîtres locaux, peintres de Bourgogne du sud ou de la région lyonnaise, mis en valeur de manière tout à fait habile. Ceci nous a frappé lors d’une visite mâconnaise réalisée il y a quelques semaines et nous souhaitons brièvement l’évoquer dans ce billet.


Jean Laronze (1852-1937), Le calme (en Charolais). 1899. Mâcon, musée des Ursulines

Le parcours de visite débute avec une salle consacrée à la peinture de paysage au XIXe siècle mais aussi à la peinture réaliste. L’atout majeur de cet espace, soit dit en passant visuellement très réussi, est de présenter de grandes tendances artistiques par le prisme d’artistes ayant travaillé dans le secteur de Mâcon et en Bresse, l’un des panneaux de salles évoquant les « représentants de la peinture réaliste en Bourgogne du sud autour de 1850 ». L’on y retrouve des artistes nés dans la région qui, bien souvent après un passage à Paris, n’ont eu de cesse de représenter la vie quotidienne de leur terre. On peut ici citer Eugène Chambellan (1821-1901), directeur de l’école de dessin de Mâcon dès 1859 et conservateur du musée municipal jusqu’en 1901, Philipe Jolyet (1832-1908), dont la toile Vente mobilière en Bresse fit sensation au Salon de 1864 à Paris, et le plus connu Léon Couturier (1842-1935), influencé par les peintres de Barbizon.

Eugène Chambellan (1821-1901), Les saltimbanques (détail.). 1900. Mâcon, musée des Ursulines

De Chambellan, on retient la vaste toile Les saltimbanques, en outre document précieux pour la connaissance et la compréhension des modes de vie au milieu du XIXe siècle. L’un de ses élèves, qui connut lui une plus grande renommée au-delà des frontières régionales, occupe ensuite une très bonne place : il s’agit de Jean Laronze (1852-1937) dont la vocation serait, dit-on, née lors d’une visite du musée Rolin d’Autun - ouvert en 1878. Il sera par la suite l’élève de Jules Adler puis de William Bouguereau à Paris. Sa palette chaude et ses paysages poétiques lui vaudront une certaine fortune critique.

Jean Laronze (1852-1937), Le chant de l'Alouette. Vers 1890. Mâcon, musée des Ursulines

La salle du musée des Ursulines rassemble de très belles œuvres du maître, représentatives de plusieurs aspects de sa production. Il convient d’évoquer Le calme, bel exemple de sa peinture de paysage, et l’hypnotique jeune fille représentée de dos du Chant de l’Alouette. Par la dimension mystique donnée au monde paysan, Laronze montre toute l’influence qu’a sur lui Jean-François Millet. Point d’orgue de cette tendance, sa vision de L’Angélus, entrée dans les collections du musée mâconnais en 1930 grâce à l’intervention du conservateur Honoré Hugrel (1880-1944). Grand admirateur de Laronze, Hugrel est, comme le fut Chambellan, lui aussi peintre. On admire sur les cimaises ses œuvres exaltant les activités agricoles et la vie en pays mâconnais. En 1937, il réalise le décor Pays de l’Ain du pavillon de Bourgogne-Franche-Comté-Pays de l’Ain à l’Exposition universelle, consolidant son image de peintre régionaliste. Viennent dans le reste de l’espace des peintres de paysages dont on citera quelques noms, comme Alphonse Riballier (1830-1894), Jean-Aimé Saint-Cyr Girier (1837-1911) ou encore Léon Dallemagne (1837-1907) qui exposa notamment au Salon de 1879.


Honoré Hugrel (1880-1944), Le grand troupeau. 1915. Mâcon, musée des Ursulines

Vue générale de la salle. À droite, l'Angélus de Jean Laronze (1852-1937)

Félix Ziem (1821-1911), Le Bosphore. 1856. Mâcon, musée des Ursulines

Dans la grande salle du musée à l’accrochage serré très XIXe, d’autres locaux occupent l’espace. Dans le domaine du paysage toujours, on relève la présence de l’incontournable lyonnais Adolphe Appian (1818-1898) mais aussi d’Antoine Chintreuil (1814-1873), natif de Pont-de-Vaux à quelques kilomètres de Mâcon, où l’on peut d’ailleurs visiter le musée Chintreuil consacré à son œuvre. Au musée des Ursulines, on observe la vaste toile à caractère presque mystique Les Ruines. Plus loin, on quitte les paysages et scènes bourguignonnes pour voguer en Orient, mais toujours avec un local. Felix Ziem bien sûr, né à Beaune en 1821, est largement présent avec près d’une dizaine de toiles exposées parmi lesquelles Le Bosphore, très bel exemple daté de 1856.


Enfin, il y a Gaston Bussière (1862-1928). Ayant connu un retour en grâce ces dernières années, l’artiste né à Cuisery - à l’est de Tournus - et décédé à Saulieu, est largement présent et fait office de star du musée. Il faut dire que ses esthétiques symbolistes mettant en scène Roland, Yseult ou quelque ondines ont tout pour plaire à un public de 2023 nourri d’images fantastiques et d'un imaginaire nébuleux. Issu d’une lignée de peintres décorateurs de la région, Bussière étudie à Paris dans l’atelier d’Alexandre Cabanel. Proche de Joséphin Péladan, il expose au salon de la Rose-Croix entre 1893 et 1895 - pour en savoir plus sur Péladan et la Rose-Croix, cliquez ici. Le musée a déjà consacré deux expositions à l’artiste et sa famille, en 2008 et 2009. Des œuvres exposées, on retiendra la douce vision mettant en scène Elsa et Lohengrin, l’hypnotique Yseult ou encore la fatale Salammbô réalisée en 1910, aperçue en 2021 à l’exposition « Salammbô : Fureur ! Passion ! Éléphants ! » du musée des Beaux-Arts de Rouen.


Gaston Bussière (1862-1928), Elsa et Lohengrin. 1910. Mâcon, musée des Ursulines

Gaston Bussière (1862-1928), Salammbô. 1920. Mâcon, musée des Ursulines

Gaston Bussière (1862-1928), Yseult. Premier quart du XXe siècle. Mâcon, musée des Ursulines

Gaston Bussière (1962-1928), La Gloire (Orphée). 1890. Mâcon, musée des Ursulines


La mise en valeur de ces artistes locaux intimement liés à la région et parfois même au musée - à l'image d'Eugène Chambellan et Honoré Hugrel -, qui plus est servie par une intelligente politique d’acquisitions, est une vraie réussite. Il en est de même à une trentaine de kilomètres à l’est de Mâcon, au musée du Monastère de Brou (Bourg-en-Bresse). Les lyonnais comme Adolphe Appian et Antoine Claude Ponthus-Cinier y trônent en maître. Y compris un ami d’Auguste Ravier, Joseph Trévoux, auquel nous consacrerons prochainement un essai complet.

 

Musée des Ursulines

5 rue de la Préfecture, 71000 Mâcon

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