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Au musée du Louvre, le Groupe impérial en Mars et Vénus


Groupe impérial en Mars et Vénus, entre 120 et 140 après J.-C. Repris vers 170 - 175 après J.-C. © 2008 RMN / Hervé Lewandowski

Il existe un groupe sculpté dans les salles d’antiquités romaines du musée du Louvre qui ne laisse pas indifférents les visiteurs, même si son intérêt se voit fortement occulté par la colossale sculpture du Tibre lui faisant face.

Cette sculpture est celle du Groupe impérial en Mars et Vénus, réalisée entre 120 et 140 ap. J.-C. et reprise entre 170 et 175 de notre ère.


Cette œuvre, d’une facture exceptionnelle est entrée dans les collections françaises en 1807, suite à son achat par Napoléon Ier auprès de son beau-frère Camille Borghèse. Elle provient donc de l’ancienne collection Borghèse constituée par le cardinal Scipion Borghèse au XVIIe siècle. À ce moment-là, environ 344 pièces antiques sont arrivées en France, dont le célèbre Vase Borghèse ou encore le Gladiateur Borghèse ; œuvres encore aujourd’hui visibles au musée du Louvre.


Cette sculpture évoque au premier abord un individu masculin et un individu féminin ayant un échange. La figure féminine semble vouloir prendre soin de l'homme à ses côtés, par un geste délicat, avenant et protecteur.

Pour autant, ce groupe sculpté n’est pas une représentation anodine comme son titre l’indique. Car cette sculpture d’un couple est à la fois une représentation mythologique du couple formé par Mars et Vénus, mais aussi une représentation du couple impérial de cette époque ; Hadrien et Sabine. Hadrien est par ailleurs le premier empereur à se faire représenter telle une divinité de son vivant. La divinisation de l’empereur s’effectuait habituellement de façon posthume par un décret du Sénat.

Ce groupe statuaire représentait donc dans un premier temps, l’empereur Hadrien et sa femme, l’impératrice Sabine sous l'apparence des divinités, et a été actualisé quelques décennies plus tard, afin de mieux correspondre au règne impérial de Lucius Verus et de sa compagne Lucille. À cette époque, Lucius Verus partage le pouvoir impérial jusqu’à sa mort en 169, avec son frère par adoption Marc-Aurèle.



L’œuvre montre clairement que la tête du personnage féminin a été remplacée, alors que le portrait d’Hadrien ne fut que légèrement remanié afin de le rendre générique, tout en gardant ses traits physiques caractéristiques ; certains cependant doutent d’un tel remaniement au second siècle de notre ère et songent à un potentiel montage moderne, la question reste donc ouverte.



De plus, Hadrien est un empereur romain philhellène (amoureux de la Grèce), réintroduisant par volonté idéologique, un attachement au classicisme grec et particulièrement dans les arts. C'est d’ailleurs à cette époque que l’empereur se fait porteur d’une barbe dans ses portraits sculptés, à la façon des philosophes grecs.

Aussi, ce type statuaire grandeur nature est attribué à Pasitélès, un sculpteur d'origine grecque installé à Rome durant l'époque tardo-républicaine.

Pasitélès fait partie de ces sculpteurs néoattiques avec Arcésilaos et Coponius, qui sont cités par Pline l'Ancien au Livre XXXVI de son Histoire Naturelle. Le groupe sculpté semble en effet, puiser ses sources dans des types iconiques de la statuaire grecque appartenant à la période classique.



À gauche : Groupe impérial en Mars et Vénus, entre 120 et 140 après J.-C. Repris vers 170 - 175 après J.-C. © 2008 RMN / Hervé Lewandowski / À droite : Arès dit "Arès Borghèse", œuvre romaine d'époque impériale (Ier - IIe siècle après J.-C. ?), marbre, H. : 2,11 m., musée du Louvre, Paris. © Musée du Louvre

Anonyme, Vénus de Capoue, II ème siècle ap. J.-C., adaptation romaine de l'Aphrodite de Corinthe, musée archéologique national de Naples.

La représentation du personnage masculin fait référence à l’Arès Borghèse, type statuaire attribué à Alcamène, élève de Phidias, et dont le musée du Louvre possède une copie romaine en marbre parmi la vingtaine de copies existantes.

Le personnage féminin fait écho dans son attitude générale à la Vénus de Capoue, conservée au musée archéologique de Naples.

Cette référence a été corrélée par les recherches de James Milligen au type de l'Aphrodite de Corinthe, que l’on retrouvait sur les monnaies romaines de la ville de Corinthe et dont la sculpture l’Aphrodite de Pergé est un autre exemple.






Victoire de Brescia, vers 25-50 ap. J.-C., bronze, H : 191 cm, Museo di Santa Giulia, Brescia, Italie.





Les vêtements ou plus précisément « chitôn » et « himation » portés par le personnage féminin, ont aussi été mis en parallèle avec la sculpture en bronze de la Victoire de Brescia ou encore la Vénus de Milo. Ces vêtements sont attribués à la figure féminine lorsque celle-ci représente l’impératrice, car nous connaissons pour d’autres sculptures de ce même type, une version dénudée lorsqu’elle représente Vénus sans référence au pouvoir impérial et dont le Musée national romain conserve un exemplaire aux Thermes de Dioclétien.


Ainsi, ce groupe sculpté d'époque impériale est à la fois la manifestation d'une idéologie propre à l'empereur Hadrien, mais aussi l'exemple d'une adaptation romaine d'éminents types statuaires grecs de l'époque classique.



Alban Pitault

 

Bibliographie :


KERSAUSON K. (de), Musée du Louvre. Catalogue des portraits romains, II, Paris, 1996, p. 144-147, n 59.


KALVERAM K., Die Antikensammlung des Kardinals Scipione Borghese, 1995, p. 210-211, n 95, fig. 66.


KNELL H., Actes du XIIe congrès international d'archéologie classique, Athènes 1983, 1988, 3, p. 145-150, pl. 28.


PLINE L'Ancien, Histoire Naturelle, Livre XXXVI, Paris, Les Belles Lettres, Collection Budé, 1981. pp. 39-41.


WREDE H., Consecratio in formam deorum : Vergöttlichte Privatpersonen in der Römischen Kaiserzeit, Main-sur-Rhin, 1981, p. 269-270, n 195, n 299.


SCHMIDT E.E., Antike Plastik, 8, 1968, p. 85-93, fig. 2.




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