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Le Paris d’Agnès Varda au Musée Carnavalet

  • Antoine Bouchet
  • 23 avr.
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : il y a 6 jours

Par Antoine Bouchet


Le musée consacré à l’histoire de la ville de Paris accueille durant plus de quatre mois une exposition de photographies par et sur Agnès Varda. Une première pour la cinéaste, dont ce sont exclusivement les films qui avaient jusqu’ici été célébrés.

Agnès Varda, Autoportrait dans son studio rue Daguerre, Paris 14e, 1956 © Succession Agnès Varda.
Agnès Varda, Autoportrait dans son studio rue Daguerre, Paris 14e, 1956 © Succession Agnès Varda.

« 90% des photos exposées n’ont jamais été montrées ! ». Rosalie Varda ne cache pas sa satisfaction au moment d’inaugurer le parcours pour les premiers visiteurs dont nous avons eu la chance de faire partie. La costumière, fille d’Agnès Varda et actuelle directrice de Ciné-Tamaris - la société de production créée par sa mère -, est aujourd’hui la gardienne de l’héritage de la réalisatrice, morte en 2019. Et a donc intégré le comité scientifique de l’exposition, dirigé par Anne de Mondenard, comme « responsable du fonds Varda ».


Deux tiers de siècle vus d’une cour


Dès la première salle, le parcours se pense comme une façon d’explorer physiquement l’univers dans lequel a évolué Agnès Varda. Deux battants grand ouverts de part et d’autre du porche qui mène à l’exposition figurent ainsi l’entrée de la cour située au 86 rue Daguerre, où l’artiste a travaillé et vécu durant près de soixante-dix ans. Née à Bruxelles en 1928, Agnès Varda s’installe à Paris avec sa famille dès 1943. C’est en 1951 que ses parents lui achètent deux boutiques délabrées dans le quartier de Montparnasse, à l’époque encore bohème. Là, avec sa compagne d’alors, la future sculptrice et céramiste reconnue Valentine Schlegel, Agnès Varda vit et travaille. Un laboratoire de développement de photographies est installé dans un ancien atelier d’encadrement tandis qu’à l’étage, l’atelier de dorure est remplacé par un studio de prise de vues.

L'entrée de l'exposition © Musée Carnavalet - Paris Musées - Pierre Antoine.
L'entrée de l'exposition © Musée Carnavalet - Paris Musées - Pierre Antoine.

Tout au long de la visite, la cour est présentée comme l’espace central, au sens propre comme au figuré, de la vie d’Agnès Varda. C’est là que la jeune femme échange avec le couple de réfugiés espagnols qu’elle héberge, là qu’elle organise sa première exposition en 1954, là qu’elle tourne aussi certains plans de ses premiers films. Tout au long de sa vie, la cour du 86 rue Daguerre s’impose en tant que lieu de rencontre, comme en attestent les portraits de nombreuses personnalités pris au fil des ans. Gérard Depardieu sera l’un des derniers immortalisé dans ce décor, en 1966. Preuve s’il en est de l’importance qu’elle accordait au lieu pour son processus artistique, Agnès Varda ira même jusqu’à recréer la cour en studio pour son long-métrage autobiographique Les Plages d’Agnès, sorti en salles en 2008.


Une professionnelle de la photographie


L’accrochage s’efforce d’abord de nous rappeler qu’Agnès Varda a gagné les premières années de sa vie comme photographe avant de troquer son appareil pour la caméra. Dès 1950, la jeune femme expose au Salon à Paris en tant que photographe professionnelle, en témoignent plusieurs cartes présentées au public. Son travail quotidien auprès de Jean Vilar, directeur du Festival d’Avignon et du nouveau Théâtre national populaire, lui permet ensuite de diversifier son activité en travaillant à la commande pour des journaux de l’époque.


Agnès Varda effectuera notamment une série de reportages pour le magazine Réalités, dont des exemplaires sont exposés. L’un des clichés affiché au musée Carnavalet montre deux jeunes gens sur le pas de la porte d’un appartement, censés illustrer le concept abstrait de « la jeunesse influencée par la mode littéraire ». Le couple est factice, les deux sujets sont des acteurs débutants.


Une réalisatrice engagée


Agnès Varda, Valentine Schlegel et Frédérique Bourguet à Montmartre, Paris 18e, 1948-1949 © Succession Agnès Varda.
Agnès Varda, Valentine Schlegel et Frédérique Bourguet à Montmartre, Paris 18e, 1948-1949 © Succession Agnès Varda.

Pour Agnès Varda, Paris ne se cantonne pas à sa cour exiguë de la rue Daguerre. Il est celui de Montmartre, où elle immortalise Valentine Schlegel et Frédérique Bourguet à la fin des années 1940, de la rue Mouffetard, où elle photographie en 1957 puis en 1958 les habitués du marché et les sans-abris des environs à l’époque où le quartier est populaire, ou encore de la place des Vosges, où elle fait le portrait d’une jeune femme.


Le passage aux années 1960 marque un tournant dans la vie personnelle et artistique d’Agnès Varda. Jacques Demy s’installe au 86 rue Daguerre en 1959. Deux ans plus tard, Agnès Varda tourne Cléo de 5 à 7, qui sera son premier succès. Une série de photographies de Liliane de Kermadec, alors photographe de plateau sur le film, rend compte des lieux choisis par la réalisatrice comme toile de fond. On aperçoit ainsi Corinne Marchand, qui interprète l’héroïne, lors d’une scène au café du Dôme situé dans le 14e arrondissement, à moins d’un quart d’heure de marche du domicile de la réalisatrice. Outre Cléo de 5 à 7, le commissariat d’exposition insiste sur un autre long-métrage, celui-ci collaboratif, auquel a participé la réalisatrice : Loin du Vietnam, diffusé en 1967, à travers plusieurs clichés inédits.


Bien moins visibles que les deux décennies précédentes, les années 1970 sont tout de même représentées par plusieurs photographies d’Agnès Varda aux côtés de l’avocate et militante des droits des femmes Gisèle Halimi sur le tournage de L’une chante, l’autre pas, en 1976. Des clichés signés Robert Picard, qui travailla sur le film.


Paris people


Agnès Varda, Fellini à la porte de Vanves, Paris 14e, mars 1956 © Succession Agnès Varda.
Agnès Varda, Fellini à la porte de Vanves, Paris 14e, mars 1956 © Succession Agnès Varda.

Si certains tirages des années 1950 se focalisent sur l’intérêt porté par Agnès Varda à ses contemporains les plus modestes, que ce soit le couple Llorca qui partage alors la cour du 86 rue Daguerre ou bien la population pauvre du marché de la rue Mouffetard, d’autres clichés rappellent la proximité que la cinéaste a toujours entretenu avec certaines figures culturelles majeures de son temps. Federico Fellini porte de Vanves, Eugène Ionesco à la Huchette, Anna Karina le jour de son mariage avec Jean-Luc Godard et même les enfants de Jean Vilar sur le chemin de l’école … les exemples des portraits réalisés à cette même époque ne manquent pas. Puis ce sera Jane Birkin en 1987 ou encore le protéiforme JR au crépuscule de la vie de l'artiste, dans les années 2010.


Les dernières photographies exposées mettent en scène Agnès Varda elle-même, dans une inversion du processus à l'œuvre durant plus de soixante ans, l’artiste devenue icône passant de l’arrière à l’avant de la caméra.

Collier Schorr, Agnès Varda dans sa cour rue Daguerre, Paris 14e. Séance pour Interview magazine, 22 juillet 2018, n° 521 Courtesy Collier Schorr.
Collier Schorr, Agnès Varda dans sa cour rue Daguerre, Paris 14e. Séance pour Interview magazine, 22 juillet 2018, n° 521 Courtesy Collier Schorr.

En fin de compte, l’exposition s’attache davantage à restituer la place prépondérante de la photographie dans la vie d’Agnès Varda plutôt qu’à montrer l’évolution de la capitale sous le regard de l’artiste, comme son titre pourrait pourtant le laisser supposer. Professionnel un temps, intime toujours, l’exercice de l’art de la photographie par Agnès Varda fut ainsi le témoin d’une volonté paradoxale mais toujours intacte de s’intéresser aux gens modestes tout en côtoyant les personnalités en vogue du milieu artistique.

Informations pratiques


Du 9 avril 24 août 2025

Du mardi au dimanche de 10h à 18h

Plein tarif : 15€

23 rue de Sévigné

75003 Paris

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