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Léonard de Vinci au musée du Louvre

C’est avec une immense joie, et des attentes en conséquence, que Coupe-File s'est rendu au musée du Louvre pour découvrir l’exposition “Léonard de Vinci, 1452 - 1519”. L'idée, trempée dans le beau puis séchée par le labeur, est devenue une forme éternelle, qui surplombera l'histoire des expositions sur le maître florentin. Époustouflante, éblouissante. Compte-rendu.


“La rigueur vient toujours à bout de l’obstacle”

La Belle Ferronnière, vers 1495 - 1499

Ces mots de Léonard de Vinci, tirés de ses célèbres Carnets, n’ont jamais aussi bien résonné, ou plutôt “raisonné”, bien que cinq siècles nous séparent maintenant de l'artiste, qui s'est éteint au Clos-Lucé en 1519. Quel travail accompli ! Nonobstant le chahut politique et médiatique qui l'entoure, cette exposition est un ravissement intellectuel autant que visuel, presque charnel, en ce qu’il change notre rapport à l’oeuvre et à la pensée dessinée de Léonard de Vinci. En effet, l’exceptionnelle réunion et monstration d’un nombre considérable des dessins du maître, notamment au travers de la présence formidable des manuscrits de l’Institut de France, fait de cet événement un indispensable de votre corpus culturel. Très rarement visible, une à deux fois par siècle, les manuscrits de Léonard permettent de mettre en lumière la personnalité première de l’artiste, celle du dessinateur. 


Léonard de Vinci, l'Homme de Vitruve, pointe métallique, plume et encre brune, lavis brun sur papier préparé blanc, vers 1489 - 1490

Par ailleurs, les obstacles franchis n'ont pas permis de réunir toutes les œuvres peintes de l’artiste. En effet, on note l’absence de 6 oeuvres majeures que sont le Baptême du Christ et l’Annonciation des Offices, la Madone à l’Oeillet de l'Alte Pinakothek de Munich, l’Adoration des Mages des Offices, la Ginevra de’Benci de Washington, ainsi que le Salvator Mundi acheté récemment lors d’une vente Christie’s. Si l’on est mordu de Léonard, ces manques peuvent laisser un soupçon d’amertume. Néanmoins, ce soupçon n’est rien à côté du plaisir acidulé que l’on éprouve devant les sublimes études préparatoires et divers dessins du maître. Ainsi, au Salvator Mundi absent se substituent la version de Ganay et deux très belles feuilles prêtées par la Couronne d’Angleterre.


“Le peintre doit tendre à l’universalité”

Atelier de Léonard de Vinci, Salvator Mundi (version Ganay), huile sur bois de noyer, vers 1505 - 1515, collection particulière, ancienne collection du marquis de Ganay

Il faut rendre un vibrant hommage au travail remarquable des conservateurs Vincent Delieuvin et Louis Frank, qui pendant 10 ans ont travaillé à synthétiser le continent des écrits sur Léonard. Ils ont rendu au public une vision particulièrement juste de Léonard, sans doute très proche de ce qu’il fut à son époque, c’est-à-dire un artiste sans cesse en quête du mouvement, autant dans sa manière de travailler que dans sa manière de regarder le monde. En effet, de Vinci n’a eu de cesse à la fois de repousser les limites du travail de l’artiste, en allant jusqu’à devenir un scientifique, tout en vantant les mérites de l’observation continuelle de la nature en train de se mouvoir. L’exposition montre tout le cheminement de Léonard vers l’invention de la première modernité en art. A la fois génie précoce dans l’atelier de Verrocchio, réinventeur du portrait à la cour de Milan et véritable scientifique, voilà l’artiste que l’on redécouvre pleinement comme le perpétuel théoricien, qui ne termina malheureusement pas son Traité sur la Peinture. Oui, au fond, c'est le Léonard peintre qu'ont voulu montrer les conservateurs. Le Léonard qui dessine frénétiquement ce qu'il voit pour le transformer en un monde de pigment vibrant et vivant.


Cependant, on notera tout de même une certaine déception scénographique. D'abord, hormis la très belle mise en scène de l' Incrédulité de Saint Thomas, à l'entrée de l'exposition, le reste manque d'originalité et d'ingéniosité. Des touches de couleurs vives sur les cimaises auraient rythmé un peu plus le parcours. Il aurait peut être fallu, également, imaginer un parcours plus fluide entre les oeuvres et leurs réflectographies infrarouges. La présence de ces réflectographies n'est pas une mauvaise idée, loin s'en faut. Elle se voulait vulgarisatrice des procédés scientifiques permettant de faire avancer la recherche léonardesque. Toutefois, ces imageries auraient mérité une proximité plus logique avec les originaux, ou encore une salle unique avec un propos associé.


Verrocchio, L'incrédulité de Saint Thomas, bronze aux inscriptions dorées, 1467 - 1483

Les conservateurs ont néanmoins été particulièrement pertinents et didactiques à la fois dans le choix des titres des différentes sections divisant la vie de Léonard, mais également dans la mise à disposition d’un livret pour les visiteurs, ce dernier contenant tous les textes et cartels de l’exposition. Ainsi, nous commençons par découvrir “Ombre, lumière, relief”, autrement dit les instruments de la “Liberté” de l’artiste, titre de la seconde section. Ensuite, la “Science” (troisième partie) nous montre à quel point cette liberté fait de Léonard un être unique, loin des bornes artistiques traditionnelles de son époque. Enfin, sobrement nommé “Vie”, la quatrième et dernière partie de l’exposition nous transporte dans la pulsion de vie qui animera Léonard de Vinci jusqu’à sa mort en France. Cette vie, qui s'exprime sous la forme d'une vibration constante, puissante et merveilleuse, est particulièrement visible sur les dessins donnant à voir le lien à la fois spirituel et humain entre la Vierge et son enfant.

Léonard de Vinci, Étude pour une Vierge à l'Enfant lavant les pieds de Jésus, et fesses d'un enfant, pierre noire reprise à la plume et à l'encre brune, lavis brun, vers 1478 - 1480

“Le soleil ne voit jamais l’ombre”


Des critiques ont porté sur le manque de lumière dans l’exposition. Cette mesure, directement liée à une décision de justice, vise à protéger les oeuvres. Alors que certains y voient une mode contemporaine de création systématique d'ambiances tamisées détestables, il faut plutôt y voir une mise en abîme du jeu lumineux léonardesque, une sorte d’instrument didactique et irrésistible guidant le spectateur au plus proche de l’oeuvre.

 

Nul ne peut être insensible aux 500 ans de la mort du maître, maintenu vivant par le travail des conservateurs. N’en déplaise à ceux qui pensent ne rien voir à cause d’un éclairage minimal car, comme Léonard a pu l’écrire dans ses Carnets, le “soleil ne voit jamais l’ombre”.


L'exposition se déroule du 24 octobre 2019 jusqu'au 24 février 2020. Rendez-vous au Hall Napoléon du Louvre pour cette exposition que vous ne devez pas louper (réservation obligatoire).

Vous pourrez également retrouver toute une série d'évènements (conférences, visites, concerts) à la fin du petit livret que vous trouverez à l'entrée de l'exposition.


Jérémy Alves.

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