Odette Pauvert, la peinture pour ambition au temps de l'Art Déco
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Par Juliette Malafosse-Bardin
Alors que fleurissent les célébrations du centenaire de l’Exposition internationale des arts décoratifs, la Piscine de Roubaix esquive avec adresse l’écueil de la facilité.
Réputé pour son lumineux bassin caractéristique de l’Art Déco, le musée recentre son propos sur l’ADN de ses collections: la figuration de l’entre-deux guerres, saisissant l’occasion de mettre en lumière une figure encore inconnue du grand public : Odette Pauvert. Il célèbre ainsi un autre anniversaire, celui de l'obtention du grand Prix de Rome de peinture par une artiste femme.

Passionnée par les primitifs du Quattrocento et l’art de la fresque, la jeune Odette s’applique à suivre la voie royale des peintres de l’époque : admission à l’Ecole des Beaux-arts, envois réguliers au salon de la société des artistes français et participation à de multiples concours, dont le plus prestigieux: le grand Prix de Rome. En 1925, elle est la toute première femme à remporter l’illustre sésame dans la catégorie peinture, à 22 ans à peine. Elle propose à cette occasion un sujet inédit, tiré de ses fréquents séjours en Bretagne.
Sa Bretagne est celle de l’école de Pont-Aven et des Nabis : une région fantasmagorique, peuplée de pêcheurs mélancoliques, de légendes inquiétantes et de graves bretonnes silencieuses. Son saint Ronan, figure mystique du 5ème siècle, a des airs de saint Sébastien de Mantegna et sa maîtrise de la figure nue est confondante. Le jury ne s'y trompe pas et lui accorde le grand Prix, préfigurant ainsi une carrière qui s'annonce radieuse.


Gratification non négligeable du Prix de Rome, une résidence de trois ans en Italie lui permet de réaliser son rêve : étudier les maîtres italiens in situ et bénéficier de l’atmosphère d’émulation joyeuse générée par les jeunes lauréats qui s’entassent avec bonheur au milieu des trésors de la villa Borghese.
Rome est un « enivrement » décrit-elle, et sa palette, jusqu’ici empreinte de couleurs sourdes et terreuses, s’illumine sous le soleil italien.


De retour à Paris, l’artiste affirme son style avec des cadrages serrés, des portraits frontaux aux regards hypnotisants et des architectures fortement Art déco, sans tomber pour autant dans la géométrisation extrême de sa contemporaine Tamara de Lempicka. Elle envoie sans discontinuer des toiles mêlant inspirations antiques et références contemporaines au salon officiel, alors que se multiplient les expositions concurrentes : salon des indépendants, salon d’automne ou encore salon des refusés.

Malgré de nombreuses commandes privées, la jeune femme peine cependant à devenir la fresquiste qu’elle espérait, oubliée d’un système qui favorise désormais la modernité des artistes d'Avant-garde. Matisse, Chagall, Picasso sont après la guerre chargés de la réalisation des décors publics, et les braises de l’ambition d’Odette s’éteignent après une unique réalisation dans l’église du Saint-Esprit à Paris.


Un succès décroissant au salon, et une vie familiale bien remplie n'auront pourtant pas raison de la carrière de l'artiste, qui aimait se décrire ainsi : « Jamais je ne me suis vue autrement que traversant la vie un pinceau à la main ». S'essayant à différents styles, elle continue à peindre et à exposer jusqu'à sa mort précoce en 1966. Ses contemporains pleurent alors la perte d'une consœur talentueuse, allant jusqu'à lui consacrer une exposition posthume à l'école des Beaux-Arts. Odette tombe ensuite inexplicablement dans l'oubli, jusqu'à aujourd'hui.
En mettant l'exaltant parcours d'Odette Pauvert en lumière, la Piscine suit assurément l’une des vocations majeures du musée : permettre par la restauration, l’exposition et la recherche, la redécouverte émouvante d'une artiste consumée par sa vocation.
Odette Pauvert : la peinture pour ambition au temps de l’art déco
Jusqu’au 11 janvier 2026
Musée d’art et d’industrie André Diligent la Piscine




