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Odette Pauvert, la peinture pour ambition au temps de l'Art Déco

  • juliettemalafosseb
  • il y a 10 heures
  • 3 min de lecture

Par Juliette Malafosse-Bardin


Alors que fleurissent les célébrations du centenaire de l’Exposition internationale des arts décoratifs, la Piscine de Roubaix esquive avec adresse l’écueil de la facilité.


Réputé pour son lumineux bassin caractéristique de l’Art Déco, le musée recentre son propos sur l’ADN de ses collections: la figuration de l’entre-deux guerres, saisissant l’occasion de mettre en lumière une figure encore inconnue du grand public : Odette Pauvert. Il célèbre ainsi un autre anniversaire, celui de l'obtention du grand Prix de Rome de peinture par une artiste femme.


Odette Pauvert (1903-1966) Autoportrait au bonnet napolitain, 1926, Huile sur toile 46,5 x 36,5 cm, Collection particulière, Photo : Alain Leprince 
Odette Pauvert (1903-1966) Autoportrait au bonnet napolitain, 1926, Huile sur toile 46,5 x 36,5 cm, Collection particulière, Photo : Alain Leprince 

Passionnée par les primitifs du Quattrocento et l’art de la fresque, la jeune Odette s’applique à suivre la voie royale des peintres de l’époque : admission à l’Ecole des Beaux-arts, envois réguliers au salon de la société des artistes français et participation à de multiples concours, dont le plus prestigieux: le grand Prix de Rome. En 1925, elle est la toute première femme à remporter l’illustre sésame dans la catégorie peinture, à 22 ans à peine. Elle propose à cette occasion un sujet inédit, tiré de ses fréquents séjours en Bretagne.


Sa Bretagne est celle de l’école de Pont-Aven et des Nabis : une région fantasmagorique, peuplée de pêcheurs mélancoliques, de légendes inquiétantes et de graves bretonnes silencieuses. Son saint Ronan, figure mystique du 5ème siècle, a des airs de saint Sébastien de Mantegna et sa maîtrise de la figure nue est confondante. Le jury ne s'y trompe pas et lui accorde le grand Prix, préfigurant ainsi une carrière qui s'annonce radieuse.


Odette Pauvert (1903-1966), La légende de Saint Ronan, 1925, Huile sur toile 201x151cm, Paris, école nationale supérieure des Beaux- Arts (ENSBA) © Beaux-Arts de Paris, Dist. GrandPalaisRmn
Odette Pauvert (1903-1966), La légende de Saint Ronan, 1925, Huile sur toile 201x151cm, Paris, école nationale supérieure des Beaux- Arts (ENSBA) © Beaux-Arts de Paris, Dist. GrandPalaisRmn

Odette Pauvert (1903-1966), Invocation à Notre-Dame-des-Flots, 1925, Huile sur toile 198,3 x 262,5 cm, Locronan, Musée d’Art Charles Daniélou, don de l’artiste en 1934. Photo : Alain Leprince
Odette Pauvert (1903-1966), Invocation à Notre-Dame-des-Flots, 1925, Huile sur toile 198,3 x 262,5 cm, Locronan, Musée d’Art Charles Daniélou, don de l’artiste en 1934. Photo : Alain Leprince

Gratification non négligeable du Prix de Rome, une résidence de trois ans en Italie lui permet de réaliser son rêve : étudier les maîtres italiens in situ et bénéficier de l’atmosphère d’émulation joyeuse générée par les jeunes lauréats qui s’entassent avec bonheur au milieu des trésors de la villa Borghese. 


Rome est un « enivrement » décrit-elle, et sa palette, jusqu’ici empreinte de couleurs sourdes et terreuses, s’illumine sous le soleil italien.


Odette Pauvert (1903-1966), Ma famille en Italie, 1928, Huile sur toile 66,5 x 100 cm,  Collection particulière, Photo : Alain Leprince 
Odette Pauvert (1903-1966), Ma famille en Italie, 1928, Huile sur toile 66,5 x 100 cm, Collection particulière, Photo : Alain Leprince 


Photographe anonyme, Odette Pauvert dessinant dans son atelier de la Villa Médicis, 1929,  Collection particulière 
Photographe anonyme, Odette Pauvert dessinant dans son atelier de la Villa Médicis, 1929,  Collection particulière 

De retour à Paris, l’artiste affirme son style avec des cadrages serrés, des portraits frontaux aux regards hypnotisants et des architectures fortement Art déco, sans tomber pour autant dans la géométrisation extrême de sa contemporaine Tamara de Lempicka. Elle envoie sans discontinuer des toiles mêlant inspirations antiques et références contemporaines au salon officiel, alors que se multiplient les expositions concurrentes : salon des indépendants, salon d’automne ou encore salon des refusés.


Odette Pauvert (1903-1966) Eros vainqueur de Pan, 1931, Huile sur toile 130x130cm, Collection particulière, Photo : Alain Leprince 
Odette Pauvert (1903-1966) Eros vainqueur de Pan, 1931, Huile sur toile 130x130cm, Collection particulière, Photo : Alain Leprince 

Malgré de nombreuses commandes privées, la jeune femme peine cependant à devenir la fresquiste qu’elle espérait, oubliée d’un système qui favorise désormais la modernité des artistes d'Avant-garde. Matisse, Chagall, Picasso sont après la guerre chargés de la réalisation des décors publics, et les braises de l’ambition d’Odette s’éteignent après une unique réalisation dans l’église du Saint-Esprit à Paris.


Photographe anonyme, Odette Pauvert peignant à fresque sur le chantier de l’Eglise du Saint-Esprit (Paris, 12e arrondissement), 1932, Collection particulière 
Photographe anonyme, Odette Pauvert peignant à fresque sur le chantier de l’Eglise du Saint-Esprit (Paris, 12e arrondissement), 1932, Collection particulière 

     

Odette Pauvert (1903-1966), La Veuve (Adèle et Odile), 1939, Huile sur toile, 80 x 100 cm, Collection particulière, Photo : Alain Leprince 
Odette Pauvert (1903-1966), La Veuve (Adèle et Odile), 1939, Huile sur toile, 80 x 100 cm, Collection particulière, Photo : Alain Leprince 

Un succès décroissant au salon, et une vie familiale bien remplie n'auront pourtant pas raison de la carrière de l'artiste, qui aimait se décrire ainsi : « Jamais je ne me suis vue autrement que traversant la vie un pinceau à la main ». S'essayant à différents styles, elle continue à peindre et à exposer jusqu'à sa mort précoce en 1966. Ses contemporains pleurent alors la perte d'une consœur talentueuse, allant jusqu'à lui consacrer une exposition posthume à l'école des Beaux-Arts. Odette tombe ensuite inexplicablement dans l'oubli, jusqu'à aujourd'hui.


En mettant l'exaltant parcours d'Odette Pauvert en lumière, la Piscine suit assurément l’une des vocations majeures du musée : permettre par la restauration, l’exposition et la recherche, la redécouverte émouvante d'une artiste consumée par sa vocation.

Odette Pauvert : la peinture pour ambition au temps de l’art déco

Jusqu’au 11 janvier 2026

Musée d’art et d’industrie André Diligent la Piscine


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