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Pierre, bois et or : exposition « Gothique » à la Galerie Sismann


Sainte Barbe - Lorraine, XVe s / ©NB

La Galerie Sismann inaugure un nouveau cycle d’expositions par la présentation d’une sélection de sculptures parmi les plus notables de la collection de Gabriela et Mathieu Sismann. Nommée « Gothique, de l’art des cathédrale au Spätgotik allemand », cette monstration d’oeuvres évoque la sculpture médiévale avec des ensembles de Souabe, de Normandie ou encore de Bourgogne. La large fourchette temporelle s’étire de la fin du XIIe siècle au début du XVIe siècle. Évoquons quelques réalisations, impressionnantes de par leur taille ou leur polychromie pour certaines, plus modestes mais tout aussi intéressantes pour d’autres.




Cette Tête d’homme rémoise nous fait face à l’entrée de la galerie. Impressionnante par son regard, elle provient sans aucun doute d’un décor architectural plus large. Réalisée dans une pierre calcaire en provenance du nord-ouest de Reims, elle évoque par sa physionomie certains personnages de la façade occidentale de la cathédrale, sculptés dans la seconde moitié du XIIIe siècle. Cependant, le naturalisme patent semble plutôt induire une datation à la fin du XIVe siècle. Un détail tout aussi surprenant que spectaculaire, même si ce n’est pas un cas unique, est à noter : la dentition visible. La bouche légèrement entrouverte laisse en effet apparaitre une série de dents. Cette tête appartenait jadis au célèbre antiquaire Joseph Altounian, dont la collection a été dispersée il y a tout juste un an.


Autre pièce provenant de la collection Altounian, ce petit Ange soufflant dans une trompette datable de la fin du XIVe siècle. Si la chevelure retenue en bandeau évoque les célèbres anges de Poissy, prieuriale fondée par Philippe IV le Bel à l'extrême fin du XIIIe siècle, cette petite effigie d’une vingtaine de centimètres se distingue néanmoins des productions d’Ile-de-France. Elle est à rapprocher de celles de l’est de la France et, comme la tête de Reims, s'intégrait dans un ensemble plus vaste, en l’occurrence probablement au niveau des voussures d’un portail gothique.



Le motif de Vierge à l’Enfant n’est, quant à lui, pas en reste. L’exposition présente quelques exceptionnels ensembles dont cet imposant (147cm) exemplaire jadis rattaché à l’oratoire de l’abbaye de Saint-Georges de Boscherville (Normandie). Cette réalisation fait écho aux productions de la seconde moitié du XIVe siècle, diffusant et déclinant les formules parisiennes. Elément intéressant : l’os visible à hauteur du bras droit, cassé, témoin d'une restauration ancienne.



Au chapitre des réalisations plus modestes, on relève ce saint Jean-Baptiste bourguignon de la seconde moitié du XVe siècle, renvoyant directement aux modèles slutériens (d’après Claus Sluter). Cet exemplaire de 58 cm en bois se rapproche, entre autres, particulièrement d’un saint Jean-Baptiste en calcaire se trouvant dans l’église de Gergy, à quelques kilomètres de Beaune.



On notera de superbes réalisations de Souabe, à commencer par cette Présentation de Jésus au Temple du début du XVIe siècle, tout à fait exceptionnelle, qui s'insérait jadis dans la caisse d'un retable. La polychromie originale et la haute qualité d'exécution frappent d'emblée. Les attitudes songeuses, exprimant un réel sentiment de douceur, sont spécifiques aux créations de cette région. Celle-ci se signale par un traitement particulier des drapés et des visages induisant une gravité pensive teintée de mélancolie, la rapprochant des productions réalisées à Biberach vers 1515-1520, autour d'un maître non identifié avec certitude désigné sous le nom de "Maître de la Sainte Parenté de Biberach". Le catalogue qui accompagne l'exposition, fruit du travail de Gabriela et Mathieu Sismann et de leur collaboratrice Manon Lequio, donne en comparaison une sainte Marthe conservée au musée de Cluny et attribuée à ce Maître, peut-être le sculpteur originaire de Memmingen Michael Zeynsler, et son atelier. Nous renvoyons ici nos lecteurs au catalogue publié en 2015 à l'occasion de l'exposition "Sculptures souabes de la fin du Moyen Âge", organisée par le musée de Cluny.

En définitive, cette Présentation au Temple est, avec l'Ange de l'Annonciation faisant la couverture du catalogue, la plus importante et spectaculaire pièce de l'exposition.


Terminons justement avec cet Ange qui, à l'heure où nous écrivons ces lignes n'est plus exposé, ayant trouvé un nouveau propriétaire. Taillée dans la craie de Normandie, cette figure, dont la tunique est recouverte d'une dalmatique, illustre à merveille la jonction entre Moyen Âge et Renaissance. L'étole portée en écharpe, le caractère globalement antiquisant du vêtement et la physionomie du visage sont ici le fruit d'un artiste ayant intégré les nouveautés de la Renaissance et induisent une datation dans le premier quart du XVIe siècle.




De Normandie en Souabe en passant par la Bourgogne, l'exposition "Gothique" promet une passionnante exploration de la sculpture médiévale. Amis médiévistes, passionnés et amateurs curieux, vous avez jusqu'au 15 novembre pour pousser la porte de la Galerie Sismann, au 33 Quai Voltaire.



- Photographies ©Nicolas Bousser -

 

"Gothique"

De l’Art des Cathédrales au Spätgotik Allemand 15 SEPTEMBRE - 15 NOVEMBRE 


Galerie Sismann

33 Quai Voltaire, 75007 Paris

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