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[Podcast] Rosa Bonheur au musée des Beaux-Arts de Bordeaux


Épisode à écouter ici, ou sur Spotify, Deezer, Podcastics et Apple Podcast.


Réalisation : Nicolas Bousser

Écriture et voix : Aurélien Delahaie

Musique et pistes sonores : Julien Bousser

 

Quelle artiste du XIXe siècle fut à la fois une figure incontournable des Salons, une véritable égérie artistique outre Atlantique et décorée de la Légion d’Honneur par l’impératrice Eugénie en personne ? Vous l’aurez peut-être deviné, il s’agit de Rosa Bonheur. Née à Bordeaux un 16 mars il y a tout juste 200 ans, la peintre du célèbre Marché aux chevaux conservé au Metropolitan Museum of Art de New York était à son époque une exception du monde de l’art. Le musée des Beaux-Arts de Bordeaux et le musée d’Orsay se sont associés pour l’occasion afin de lui rendre un vibrant hommage. L’exposition actuellement présentée sur les bords de le Garonne fera ensuite le déplacement jusque sur les quais de Seine. Coupe-File Art a fait escale dans la cité girondine pour y admirer les chefs-d’œuvre de l’artiste.


George Achille-Fould (1865-1951), Rosa Bonheur dans son atelier, 1893, huile sur toile, musée des Beaux-Arts de Bordeaux

Avant d’aller plus loin précisons que la carrière de Rosa Bonheur ne va pas du tout de soi. Certes, son père Raymond Bonheur était artiste, certes il l’a initié très tôt à l’art du dessin et de la peinture, mais il ne faut pas négliger deux autres éléments très importants : elle n’est pas issue d’une famille particulièrement aisée et elle est une femme. Deux conditions sociales qui, au XIXe siècle, ne la prédestinent ni à la peinture ni à la notoriété publique qu’elle finit pourtant par connaître. S’ajoute à cela son choix de traiter des sujets animaliers, ce qui n’est pas forcément non plus gage de succès dans les Salons du Louvre. Alors pourquoi parle-t-on d’elle encore aujourd’hui ? Qu’est-ce qui a fait le succès de sa peinture ?Telles sont les questions que se pose l’exposition.


Les premières salles reviennent sur ses débuts et sur sa vie familiale qui sont étroitement liés. Ce qui explique en effet sa notoriété c’est qu’elle ne doit d’abord sa carrière qu’à elle-même. Arrivée à Paris avec ses parents elle apprend assez vite à se débrouiller seule et avec peu d’argent. Son père déserte le foyer pour rejoindre les saint-simoniens tandis que sa mère, qui décède en 1833, est contrainte de subvenir seule aux besoins de ses quatre enfants. Devenue orpheline de mère et de facto de père, la jeune Rosa puise dans cette histoire personnelle son inclination pour l’indépendance vis à vis du reste de ses semblables.


De gauche à droite : Figure 1 : Rosa Bonheur (1822-1899), Tête de lion, 1870-1891, huile sur toile, The Royal Collection Trust

Figure 2 : Rosa Bonheur (1822-1899), Etude de lion, dit "Le Lion contemplatif", non daté, pastel, fusain et crayon noir sur papier vélin bleu, musée départemental des peintres de Barbizon, en dépôt au château de Rosa Bonheur - By-Thomery

Figure 3 : Rosa Bonheur (1822-1899), El Cid, tête de lion, 1879, huile sur toile, musée du Prado


En parallèle, nous apprend le parcours de visite, elle commence à dessiner les animaux qui l’entourent depuis son enfance. Elle s’intéresse à l’anatomie des animaux, va observer les fauves du Jardin des Plantes, elle les dessine puis les peint. C’est ainsi qu’elle présente à l’âge de 19 ans son premier tableau au Salon représentant une tête de lion. Un animal qui ne cessera de l’inspirer durant toute sa vie. Nombreux sont d’ailleurs les tableaux mais aussi les dessins qu’elle réalise sur celui-ci. Ceux-ci ne sont pas sans rappeler ceux exécutés par Delacroix auquel elle n’hésite visiblement pas à se mesurer dans ses créations.


Rosa Bonheur (1822-1899), Le Roi de la forêt, 1878, huile sur toile, collection particulière

Très vite, le regard de l’animal prend le pas sur celui de l’homme. Ce dernier n’est en vérité jamais au centre du sujet de ses composition, et l’on pourrait douter du véritable spectateur impliqué dans ses tableaux. Bien souvent le regard de l’animal interroge celui du spectateur humain, à l’image du bœuf dans le Labourage nivernais, son premier triomphe public au Salon de 1849 qui rejoint immédiatement les cimaises du musée des artistes vivants, au palais du Luxembourg. Ce regard de l’animal sur le spectateur, extrêmement présent également dans Le Roi de la forêt donnant à voir un cerf majestueux vu de face traduit également l’engagement de Rosa Bonheur pour la défense de la nature et des animaux – elle sera d’ailleurs membre très active de la Société Protectrice des Animaux créée en 1845. Son intérêt pour la nature transparaît aussi dans ses talents pour représenter les paysages avec une grande minutie. Dans certains d’entre eux, on pourrait presque y retrouver quelque chose des paysages de Gustave Doré.


Rosa Bonheur (1822-1899), L'Aigle blessé, vers 1870, huile sur toile, Los Angeles County Museum of Art

Femme engagée, Bonheur l’était aussi pour son pays. Bien décidée à prendre les armes en 1870, elle n’y renonce que parce que l’administration militaire le lui refuse. Elle décide alors de soutenir la Patrie en peignant des animaux évoquant la force, la valeur guerrière et parfois de manière allégorique le destin de la France. En témoigne son Aigle blessé peint l’année même du conflit franco-prussien ou son Lion chez lui exécuté une dizaine d’années plus tard et dont la posture n’est pas sans évoquer un certain Lion de Belfort.


Dernier élément abordé par l’exposition, et pas des moindres, c’est également la vie privée de Rosa Bonheur. Nous l’avons dit, il s’agissait d’une personnalité indépendante vis à vis des normes sociales de son époque. Cela ne l’empêchait pas d’être très intégrée à la vie artistique de son temps. Elle vendait ainsi très bien ses œuvres grâce à l’aide que lui apportait le marchand d’art Ernest Gambart. Sa correspondance atteste également de son amitié avec de grands artistes, notamment des compositeurs comme Georges Bizet ou des peintres tels Paul Chardin avec qui elle réalise une série de dessins humoristiques relatant les heureux souvenirs de leur amitié.


Paul Chardin (1833-1918) et Rosa Bonheur (1822-1899), Relation véridique des aventures étranges de la châtelaine de By et de son page dans la soirée du mardi 3 mai de l'année 1870, plume, encre brune et lavis sur papier, musée d'Orsay

Sa vie sentimentale est aussi évoquée au travers des personnalités de Nathalie Micas et Anna Klumpke, deux femmes qui partagèrent sa vie sans qu’il ne soit toutefois attesté certainement qu’il se soit agit de relations amoureuses. Jamais mariée, Bonheur tenait à sa liberté mais n’a jamais cherché à en faire la promotion auprès d’autrui. Il n’en reste pas moins, comme le montre le parcours d’exposition, que sa relation à ces deux femmes fut un élément fondamental pour comprendre sa vie.


Edouard Dubufe (1819-1883) et Rosa Bonheur (1822-1899), Portrait de Rosa Bonheur, 1857, huile sur toile, musée national du Château de Versailles, en dépôt au musée d'Orsay

L’exposition Rosa Bonheur est en définitive une étude très complète de cette artiste. Elle montre sa personnalité dans toute sa complexité et évite de tomber dans une facilité analytique qui ferait de Bonheur une icône féministe idéale du XXIe siècle. Jamais elle ne renia ses idéaux et ses principes dans une société qui les réprouvait souvent mais jamais elle ne fit de militantisme pour le droit des femmes. L’auteur de La Fenaison en Auvergne était en réalité une défenseure de la liberté et de l’indépendance à l’image de ses combats pour la défense de la nature, des animaux et des Indiens d’Amérique. Quoiqu’il en soit, il est indéniable qu’elle fut une figure iconoclaste à bien des égards tout en étant considéré, et c’est en cela qu’elle fut admirable, par ses contemporains notamment des gouvernements du Second Empire et de la Troisième République comme un génie artistique.

 

L'exposition Rosa Bonheur est à découvrir au musée des Beaux-Arts de Bordeaux jusqu'au 18 septembre 2022, puis au musée d'Orsay du 18 octobre 2022 au 15 janvier 2023. Pour plus d'informations, cliquez ici.

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