L’événement n’aura sans doute échappé à aucun de nos lecteurs, la coupe du monde de rugby se déroule en ce moment même dans les plus grands stades de notre pays. Des joueurs du monde entier se disputent depuis le 8 septembre dernier le droit de décrocher la victoire en finale le 28 octobre prochain. Au bout du chemin, le pays vainqueur soulèvera la coupe tant convoitée. Un trophée remis à l’issue de la compétition qui n’est toutefois pas l’apanage du rugby. Outre l’ancestrale couronne de laurier remise aux champions des Jeux Olympiques dans l’Antiquité, la victoire d’une compétition par un ou des athlètes se voit en effet fréquemment sanctionnée de nos jours par une coupe ou un plateau orfévré. L’idée de couronner la victoire athlétique par un objet d’art précieux vise à rendre l’exploit encore plus méritant et spectaculaire aux yeux des sportifs mais aussi des spectateurs. Certains de ces trophées, produits de l’imagination d’artistes de différentes périodes sont aujourd’hui devenus de véritables trésors, à l'histoire parfois tumultueuse et à la valeur inestimable, placés sous très haute protection. Coupe-File Art vous en propose une savoureuse sélection.
Le trophée William Webb Ellis (Rugby)
Depuis 1987, les amateurs de rugby à XV peuvent se réjouir d’assister tous les quatre ans à une compétition réunissant les meilleures équipes de la discipline. A l’issue de la finale, le capitaine de l’équipe sacrée championne peut alors soulever le trophée William Webb Ellis, nom attribué à la coupe en hommage à l’inventeur anglais supposé de ce sport en 1823.
Si la fameuse compétition n’est âgée que de trente-six ans et ne compte que dix éditions au compteur, le trophée, lui, est en réalité vieux de cent dix-sept ans. Il est réalisé en 1906 par une maison d’orfèvrerie bien connue de nos lecteurs puisqu’il s’agit de Garrard & Co. Ce célèbre artisan londonien, fournisseur de la Couronne britannique, fit en effet déjà l’objet d’un article sur les bijoux de la reine Elisabeth II.
Entièrement faite d’argent plaqué d’or, la coupe mesure 38 centimètres de haut et pèse 4,5 kilogrammes. Elle présente un important décor style rocaille de rinceaux végétaux sur son pied, sa panse et son couvercle. Aux l’extrémités supérieures des anses se trouvent les têtes d’une nymphe et d’un satyre. Sur sa panse ont été gravés en anglais les mots « International Rugby Football Board » suivi de la mention « The Webb Ellis Cup ».
Choisie comme récompense lors d’une visite des administrateurs des instances internationales de rugby à la boutique de la maison Garrard, la coupe s’avère être inspirée d’un modèle exécuté par l’orfèvre hollandais Paul de Lamerie (1688-1751) vers 1736-1737. Ce dernier est aujourd’hui encore visible dans les collections du Victoria and Albert Museum de Londres. La venue de la coupe Webb Ellis en France pour la tenue de la nouvelle édition du tournoi a montré combien le protocole de sécurité autour du trophée était important. Par ailleurs, les Français amenés à manipuler la coupe ont dû s’employer à porter des gants puisque seuls les équipes et les habitants de nations ayant déjà remporté la compétition peuvent la toucher à mains nues. A l’heure actuelle, la France n’en fait pas partie malgré trois finales disputées mais toutes perdues. Gageons que la situation changera en fin de mois… En attendant mieux, les plus fous de nos lecteurs peuvent toujours se contenter d’une reproduction miniature mise en vente par la boutique officielle et pour laquelle il faut tout de même débourser la somme de 205,95€.
La Calcutta Cup (Rugby)
L’attribution de coupes entre équipes internationales de rugby est une tradition quasi permanente depuis que ce sport existe. Certaines de ces récompenses sont très récentes à l’image du trophée Auld Alliance remis depuis 2018 aux vainqueurs des confrontations entre la France et l’Écosse lors du Tournoi des Six Nations. D’autres ont des origines bien plus anciennes et figurent même parmi les premiers trophées disputés au monde. C’est le cas de la Calcutta Cup remise en jeu chaque année également dans le cadre des Six Nations entre le XV de la Rose représentant l’Angleterre et celui du Chardon représentant l’Écosse.
Son origine remonte ainsi à Noël 1872, lorsque vingt joueurs anglais affrontèrent vingt joueurs irlandais, écossais et gallois sur le terrain du club de rugby de Calcutta, alors capitale des Indes britanniques. L’événement eut un tel succès auprès de la population installée sur place qu’il fut reconduit les années suivantes jusqu’à la disparition du club en 1877 après le départ de la garnison militaire locale. Désireux de voir perdurer le souvenir de ces rencontres très populaires, le dernier trésorier du club, G. A. James Rothney, décide de proposer au président de la fédération anglaise de financer avec les soixante dernières livres sterling du club la création d’une coupe qui serait remise en jeu entre deux équipes de la métropole. Le destinataire de la lettre de Rothney accepte à la condition que cette coupe soit le prix décerné lors des rencontres sportives entre l’Angleterre et l’Écosse.
Le projet est alors entériné et Rothney charge Jellicoe, l’un des plus grands orfèvres indiens de Calcutta de réaliser la fameuse coupe. Celle-ci sort des ateliers en septembre 1878. De forme cylindrique, l’argent qui la compose est entièrement gravé de motifs végétaux accompagnés de trois anses représentant d’impressionnants cobra. Le tout est complété d’un couvercle surmonté d’un éléphant. La coupe est décernée pour la première fois en 1880 à l’Angleterre puisque le match de 1879 s’était achevé sur un score de parité. Seules les deux guerres mondiales empêchèrent les matchs d’avoir lieu.
Comme tout trophée de rugby, bien des histoires et des rivalités ponctuèrent l’existence de cette coupe mythique mais celle qui la marqua – littéralement – le plus fut son aventure du 5 mars 1988. Après la victoire de l’Angleterre 9 à 6 en terre écossaise, les joueurs des deux équipes se retrouvèrent dans les bars d’Edimbourg en emportant la coupe avec eux. Après l’avoir remplie de whisky et l’avoir renversée sur la tête d’un des joueurs anglais, l’Écossais John Jeffrey et l’Anglais Dean Richards s’emparent de la Calcutta Cup et l’emmènent dans leur tournée des bars de la ville. La coupe fut retrouvée au petit matin à la réception de l’hôtel de l’équipe anglaise déformée et aplatie. Il fallut l’intervention de la maison écossaise Hamilton & Inches, fournisseur de la Couronne depuis 1866 pour la remettre en état au prix de plusieurs milliers de livres sterling. Les deux joueurs, quant à eux, en furent quitte pour une suspension temporaire de la part de leur fédération respective.
Depuis ce jour seule une réplique est remise à la fin de chaque match. Si l’Angleterre a remporté le plus de fois le trophée avec soixante-et-onze victoires en cent trente rencontres, c’est bien l’Écosse qui en est actuellement détentrice depuis trois ans d’affilée, une performance inédite pour les Ecossais depuis 1972.
La coupe Jules Rimet (Football)
Du rugby jusqu’au football, il n’y a qu’un pas, ou plutôt un pied. Le prix remporté par les champions du monde de soccer, comme les Américains se plaisent à l’appeler, n’est pas moins fameux que celui remis à leurs homologues au ballon ovale. La coupe du monde de la FIFA remise en jeu dernièrement au Qatar en 2022 et que Kylian Mbappé et les siens conquirent quatre ans plus tôt n’est pourtant pas le premier trophée de la compétition qui se déroula pour la première fois en 1930 en Uruguay. Une première coupe nommée « Coupe du Monde de Football Association » jusqu’en 1946 avant d’être renommée « Coupe Jules Rimet » fut décernée jusqu’en 1970 à la meilleure équipe du tournoi de sport le plus suivi au monde.
Haute de 35 centimètres et faite d’argent plaqué or pour un poids total de 6,175 kilogrammes, la coupe Jules Rimet rend hommage au créateur du club francilien du Red Star et président français de la FIFA qui fut à l’origine du Mondial. Le trophée de style Art Déco présente une sculpture en pied de la déesse grecque Niké, la divinité de la victoire. Ses mains levées au-dessus d’elle et ses ailes déployées soutiennent une vasque décagonale posée sur sa tête. C’est le sculpteur français Abel Lafleur qui en est le dessinateur.
Le règlement de la FIFA stipulait alors que la coupe Jules Rimet deviendrait la propriété exclusive de la première fédération nationale de football qui parviendra à remporter le titre à trois reprises. C’est le Brésil qui parvient le premier à cette performance emmenée par Pelé, son attaquant de légende, lui-même seul joueur de l’histoire à avoir été sacré champion de ces trois éditions en 1958, 1962 et 1970.
Objet devenu mythique par son histoire avant même de devenir la propriété du Brésil, le plus célèbre trophée du monde est l’objet de nombreuses convoitises. Alors que la Seconde Guerre mondiale éclate en 1939, la coupe se trouve en Italie, dernier pays vainqueur de l'épreuve l’année précédente. L’effondrement du régime de Mussolini en 1943 voit l’arrivée des troupes allemandes en Italie. Conscient que l’objet peut être convoité par les Nazis, Ottorino Barassi, vice-président de la FIFA fait retirer le trophée de la banque romaine où il est conservé pour le cacher sous son lit dans une boîte à chaussure.
Si la coupe échappe à ce premier danger, elle est pourtant bel et bien volée le 20 mars 1966 à quatre mois du début de la compétition organisée en Angleterre. C’est finalement un chien nommé Pickles qui retrouve une semaine plus tard le fabuleux trésor recherché par le monde entier. Elle était simplement cachée dans le buisson d’un jardin londonien, enveloppée dans du papier journal.
La coupe semblait toutefois promise à un triste destin puisqu’elle est volée une seconde fois le 19 décembre 1983 à Rio de Janeiro au siège de la fédération brésilienne de football. Personne ne retrouva jamais le fameux trophée mais une réplique confectionnée en secret par les Britanniques après son premier vol fut vendue en 1997 aux enchères à la FIFA pour la modique somme de 254 000 livres.
Le nouveau trophée mis en jeu en 1974 est la propriété perpétuelle de la FIFA et fut soulevé la première fois par le célèbre Franz Beckenbauer, capitaine de l’Allemagne de l’Ouest. Une copie grandeur nature et plaquée or est toutefois remise aux fédérations à chaque victoire d’un pays. A l’occasion de son exposition « Victoire ! La fabrique des héros », le musée de l’Armée exposera exceptionnellement l’exemplaire remporté par la France à domicile en 1998.
La coupe des Mousquetaires (Tennis)
Les sports collectifs ne sont pas les seuls à avoir leurs trophées de légende. Ils sont aussi légions en tennis, notamment lors des fameux tournois du Grand Chelem. Au tournoi de Roland-Garros qui se dispute tous les ans à Paris sur la terre battue de la Porte d’Auteuil, il n’est pas question de se demander pourquoi le couvercle de la coupe des Mousquetaires est orné d’un ananas comme c’est le cas à Wimbledon outre-Manche. Et pour cause, ladite coupe remise au meilleur joueur en simple masculin de la quinzaine n’est rien d’autre qu’une sorte d’immense vase en argent de 40 centimètres de haut pour un poids de 10 kilogrammes.
Cette dernière n’est pas extrêmement ancienne puisqu’elle ne fait son apparition qu’en 1981 après un appel d’offres de la Fédération Française de Tennis (FFT). Celui-ci est remporté par l’ancestrale maison joaillère parisienne Mellerio en activité depuis 1613 qui fournit la Couronne de France durant tout le XIXe siècle. Le nom de « Mousquetaires » donné à cette œuvre n’est pas un hommage direct aux quatre personnages des romans d’Alexandre Dumas mais plutôt aux quatre joueurs de l’équipe de France qui remportèrent à six reprises la coupe Davis entre 1927 et 1932 ainsi qu’un total de quarante Grand Chelem, en simple et en double. Ceux-ci se composaient de René Lacoste dit « le Crocodile », Jean Borotra, dit « le Basque bondissant », Henri Cochet, dit « le Magicien » et de Jacques Brugnon, surnommé « Toto ».
Du fait de sa jeunesse en comparaison à d’autres trophées et parce qu’elle est jalousement conservée par la FFT, la coupe des Mousquetaires a connu bien peu de péripéties mais elle reste un illustre symbole sportif accompagnant le souvenir des plus grands exploits du tennis international. A l’heure actuelle, le recordman du nombre de titres remportés à Roland-Garros est détenu de loin par l’Espagnol Rafael Nadal, signant quatorze succès presque tous consécutifs entre 2005 et 2022. Le tenant actuel du titre est le Serbe Novak Djokovic qui remporte alors une troisième fois le tournoi, vainqueur à cet instant d’un vingt-cinquième Grand Chelem. Yannick Noah, dernier vainqueur français des internationaux de France, l’emporta en 1983.
Du côté des dames, le trophée est la coupe Suzanne-Lenglen, du nom de la première femme à remporter le tournoi en simple féminin en 1925. Elle est une copie du trophée remis par la ville de Nice à la joueuse et donné par sa famille au musée national du Sport. La plus titrée est l’Américaine Chris Evert avec 7 finales remportées tandis que la tenante du titre est la Polonaise Iga Swiatek.
La coupe de l’America (Voile)
Évoquons pour finir un trophée moins connu de nos jours et pourtant réputé comme le premier de l’histoire moderne. La coupe de l’America, le plus prestigieux prix décerné en voile, sera à nouveau disputé au large de Barcelone en 2024. Tout comme la coupe du monde de rugby, le créateur de l’aiguière tant convoitée par les skippers de toute la planète a été réalisée par les ateliers de la maison Garrard à Londres en 1848. Connue à l’origine sous le nom d’« Auld Mug », elle fut la propriété d’Henry William Paget, deuxième comte d’Uxbridge, connu pour avoir commandé la cavalerie coalisée contre les troupes de Napoléon Ier à la bataille de Waterloo. L’aiguière en argent au décor extrêmement complexe, haute de 68 centimètres et lourde de 3,7 kilogrammes fut désignée comme récompense d’une régate organisée autour de l’île de Wight par le Royal Yacht Squadron à l’occasion de l’Exposition Universelle de 1851.
La course est remportée par le bateau baptisé America piloté par les membres du New York Yacht Club. Le trophée est donc emporté aux États-Unis à l’issue de la compétition. Celui-ci manque d’être fondu en médailles commémoratives à l’attention des différents membres du club américain avant d’être finalement renommé « coupe de l’America » le 8 juillet 1857 en souvenir du navire l’ayant remporté. Il faut attendre 1870 pour qu’un nouveau défi soit lancé par les Anglais afin de reconquérir l’aiguière, sans succès. Malgré des compétitions régulières à partir de cette date, l’America’s Cup resta dans l’armoire à trophées du New York Yacht Club jusqu’en 1983 où il est transféré en Australie au Royal Perth Yacht Club après cent trente-deux années passées sur la côte Est américaine. Jusqu’à ce jour, seules deux autres nations remportèrent le prix en dehors des États-Unis et de l’Australie : la Nouvelle-Zélande et la Suisse. D’autres pays comme l’Italie, l’Irlande ou la Suède se lancèrent dans l’aventure sans parvenir à décrocher la victoire.
Le bruit court toutefois qu’une équipe française serait en bonne position pour prétendre l’année prochaine au trophée gardé pour le moment entre les mains néo-zélandaises. Prenons-nous à rêver que ce chef-d’œuvre d’orfèvrerie pourra être admiré l’année prochain en France alors que se profile déjà à l’horizon l’autre grand objectif des voiliers français : la médaille d’or olympique aux Jeux de Paris.
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